Le musée de l’architecture en bois de Kostroma: explorer la beauté de l’art traditionnel

Tourisme
WILLIAM BRUMFIELD
Le photographe et historien William Brumfield parle avec lyrisme du musée de l’architecture en bois de Kostroma, véritable pièce de résistance.

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Au début du XXe siècle, le chimiste et photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a mis au point un procédé complexe permettant de réaliser des photographies aux couleurs vives et détaillées. Inspiré par l’idée d’utiliser cette nouvelle méthode pour rendre compte de la diversité de l’Empire russe, il a photographié de nombreux sites historiques entre 1903 et 1916.

Le projet a été soutenu par le ministère des Transports, qui a facilité ses prises de vue le long des voies ferrées et navigables de Russie, y compris la Volga. Parmi les nombreuses villes historiques situées le long de ce fleuve, Prokoudine-Gorski s’est particulièrement intéressé à Kostroma, qu’il a visitée en 1910 et 1911.

Les débuts

Kostroma rivalise avec Iaroslavl, également sur la Volga, pour la beauté de ses églises et le rôle important qu’elle a joué dans l’histoire de la Russie. Bien que les preuves historiques soient rares, Kostroma a peut-être été fondée au début des années 1150 par Iouri Dolgorouki, souverain de la principauté dominante de Vladimir et connu comme le fondateur de Moscou (1147). La plus ancienne référence documentée à Kostroma date de 1213, lorsque la colonie – construite entièrement en bois – a été brûlée par le prince Constantin au cours d’une querelle territoriale avec son frère Iouri II de Vladimir.

Au cours de l’invasion mongole de la Russie centrale, Kostroma a vraisemblablement été mise à sac en 1238. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, la principauté de Kostroma est cependant devenue un centre politique important, mais en 1364, elle a été absorbée par la Moscovie en pleine expansion.

Pionnier du monachisme

La région de Kostroma était connue pour ses institutions monastiques telles que le monastère Ipatiev, qui a servi de centre d’intérêt pour les travaux de Prokoudine-Gorski. Le monastère Ipatiev a aujourd’hui été remis en service et accueille les visiteurs.

Juste derrière le mur sud du monastère se trouve l’un des plus anciens musées en plein air d’architecture en bois de Russie, appelé « Kostromskaïa Sloboda » (Faubourg de Kostroma). Ce musée-parc a été fondé en 1960, à l’origine pour sauver les structures historiques en bois des villages menacés par la montée des eaux de la Volga lors de la création du réservoir et du barrage de Gorki.

Kostromskaïa Sloboda

Une caractéristique frappante de Kostromskaïa Sloboda est son ensemble d’églises de village construites en rondins de pin. L’église du Sauveur-le-Plus-Miséricordieux, originaire du village de Fominskoïé (district de Kostroma), est un exemple particulièrement gracieux et lyrique dans son cadre au bord d’un petit étang qui sert de miroir réfléchissant du côté est. Daté de 1712 et transféré dans le parc en 1968, le sanctuaire présente un plan traditionnel qui part de l’abside (contenant l’autel) à l’est pour aboutir à l’espace de culte principal, puis à un vestibule surmonté d’un clocher. L’extrémité ouest est précédée d’un porche décoratif surélevé avec des planches d’extrémité sculptées.

L’espace central de l’église du Sauveur supporte un toit à forte pente avec une seule coupole, mais l’intérieur a un plafond bas pour préserver la chaleur pendant les longs hivers. Heureusement, l’iconostase située à l’extrémité orientale a été conservée relativement intacte.

L’église de la Transfiguration, provenant du village de Spas-Veji (district de Kostroma), construite à l’origine en 1628 et transférée dans le parc en 1956, est un exemple particulier de cette conception tripartite traditionnelle. J’ai eu la chance de la photographier lors de mon premier voyage à Kostroma en 1988, car elle a brûlé en 2002 dans l’une des pertes les plus tragiques du patrimoine architectural russe en bois.

L’église de la Transfiguration

L’église de la Transfiguration se distinguait par son élévation sur de solides poteaux en rondins (remplacés par de la brique au début du XXe siècle). Ce dispositif inhabituel protégeait l’église des profonds amoncellements de neige et des inondations lors du dégel printanier.

Le plus ancien des sanctuaires en bois du parc de Kostroma est l’église de la Convocation-de-la-Vierge, construite dans le village de Kholm (district de Galitch) peut-être dès 1552. Si cette date est exacte, cette église est la plus ancienne église en bois conservée en Russie centrale.

C’est aussi l’une des plus complexes, avec une galerie fermée surélevée reposant sur des rondins en porte-à-faux et entourant la structure sur trois côtés. Des piliers en briques, mais probablement à l’origine des poteaux en rondins, assurent un soutien supplémentaire à cette galerie audacieusement élargie.

La partie centrale de cette structure remarquable comprend deux octogones empilés aux dimensions irrégulières. L’octogone inférieur est construit en rondins de pin entaillés, tandis que le supérieur, plus petit, est constitué de rondins équarris reliés par une sorte de queue d’aronde.

Cette méthode permet d’obtenir une plus grande solidité à un point critique, en soutenant les cinq coupoles qui couronnent l’église.

L’effet visuel de ces niveaux ascendants crée une silhouette gracieuse, comme sur un piédestal surélevé. À l’instar de beaucoup d’autres églises en rondins – quelle que soit leur configuration de base – l’intérieur est surmonté d’un plafond bas en planches plates pour conserver la chaleur. Les objets qui ornaient autrefois l’espace de culte intérieur de cette église ont disparu depuis longtemps.

L’église du Prophète Élie

La quatrième église en rondins du musée en plein air de Kostroma (il n’en demeure que trois) est plus simple dans sa conception mais impressionnante à sa manière. L’église du Prophète Élie a été construite à l’origine dans le village de Verkhni Berezovets, dans le district de Soligalitch. En raison de sa conception traditionnelle de base et de l’absence de documentation claire, les spécialistes ont largement daté sa construction entre le XVIe et le XIXe siècle.

Une période plausible pour la construction de l’église du Prophète Élie est le début des années 1700, un siècle avant la construction d’une église en briques dédiée à l’Intercession, que j’ai photographiée. Il est évident que l’intérieur a été rénové au milieu du XIXe siècle, lorsque l’iconostase préservée actuelle (à laquelle il manque certaines des icônes originales) a été créée. D’autres rénovations ont eu lieu à la fin du XIXe siècle, lorsqu’un porche à l’extrémité ouest a été remplacé par un narthex à deux étages, et que le toit en bois a été remplacé par de la tôle.

Les caractéristiques distinctives de l’église sont mises en évidence à l’intérieur, qui a été préservé à un degré rare. L’iconostase sculptée est d’un style baroque provincial du XVIIIe siècle, avec des colonnes torsadées et une décoration saturée basée sur le motif de la vigne. Certaines des icônes, peintes à différentes époques, ont survécu.

Le plafond peint, ou nebo (« ciel »), avec des représentations de la Passion du Christ, est particulièrement intéressant. Les peintures – qui ne sont guère plus que des esquisses, probablement copiées à partir d’une Bible illustrée – ont été appliquées sur des segments triangulaires de toile maison tendue. L’anneau central contient une représentation entièrement colorée du Christ maître de tous. La préservation de ce plafond peint tient du miracle.

Collection d’architecture en bois

L’exposition d’architecture en bois de Kostroma comprend également des maisons en rondins (généralement appelées izba en russe) allant de la plus simple à d’énormes structures pour une famille élargie. Parmi ces dernières, l’on trouve la maison de M. K. Lipatov, une « maison-forteresse » de deux étages construite à l’origine en 1857 dans le village de Kobylino, dans le district de Makariev.

Dans le même district se trouve la maison d’Andreï Serov, légèrement plus petite, construite dans le village de Mytichtchi en 1873. Lipatov et Serov ont tous deux connu la prospérité dans le commerce du bois et ont tous deux fait appel au même maître d’œuvre, Emelian Stepanov-Zirinov, pour la construction et l’ornementation de leur imposante demeure.

Cette attribution au maître d’œuvre est proclamée devant chaque maison. Dans celle de Lipatov, ce geste inhabituel se retrouve sur les planches d’extrémité sculptées du toit et sur la corniche décorative à la base de ce dernier. La façade supérieure de la maison Lipatov est ornée d’une fenêtre centrale richement décorée d’éléments ornementaux urbains.

La maison Serov possède également des planches d’extrémité sculptées et une corniche sur laquelle figure une brève inscription. Elle dispose aussi d’une fenêtre décorée, flanquée de ravissants lions sculptés. Les deux bâtisses expriment fièrement l’esprit d’entreprise de leurs propriétaires paysans.

À proximité se trouvent deux maisons du XIXe siècle appartenant à des familles de vieux-croyants (dissidents orthodoxes). La maison Tarassov, construite dans le village de Moukhino (district de Vokhma), est en fait deux structures en rondins sous un seul toit – ce qu’on appelle une « izba à six murs ». Ces grandes maisons ont toutes des granges à l’arrière sous le même toit pour une meilleure protection en hiver.

La structure de base de la maison Skobelkine, du village de Strelnikovo (district de Kostroma), date du milieu du XVIIIe siècle et est donc l’une des plus anciennes de la région. Elle a la particularité d’avoir une structure, attenante mais séparée, qui servait de grange.

La maison Lokhovaïa du village de Vachkino (district de Tchkalov), datant du milieu du XIXe siècle, présente quant à elle un plan similaire à deux structures. Bien que ce bâtiment d’un étage soit un peu plus petit, il possède une grange attenante. La structure principale présente des sculptures décoratives et un toit particulièrement bien construit.

L’exemple le plus simple d’izba est la maison Tchalyguina (village de Bolchoïé Andreïkovo, district de Nerekhta), que j’ai photographiée en 1988 dans un état de restauration partielle. Quelle que soit leur taille, ces maisons et d’autres sur le territoire de Kostromskaïa Sloboda immortalisent quelque chose d’essentiel d’une culture paysanne disparue qui a soutenu la Russie pendant des siècles.

Au début du XXe siècle, le photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a inventé un procédé complexe de photographie en couleur. Entre 1903 et 1916, il a voyagé à travers l’Empire et pris plus de 2 000 photographies avec ce nouveau procédé, qui implique trois expositions sur une plaque de verre. En août 1918, il a quitté la Russie avec une grande partie de sa collection de négatifs sur verre et s’est finalement installé en France. Après sa mort à Paris en 1944, ses héritiers ont vendu sa collection à la Bibliothèque du Congrès américain, qui, au début du XXIe siècle, a numérisé la collection de Prokoudine-Gorski et l’a mise gratuitement à la disposition du public mondial. Un certain nombre de sites web russes en proposent désormais des versions. En 1986, l’historien de l’architecture et photographe William Brumfield a organisé la première exposition de photographies de Prokoudine-Gorski à la Bibliothèque du Congrès. Au cours d’une période de travail en Russie débutant en 1970, Brumfield a photographié la plupart des sites visités par Prokoudine-Gorski. Cette série d’articles juxtapose les vues de Prokoudine-Gorski sur les monuments architecturaux avec les clichés pris par Brumfield des décennies plus tard.

Dans cet autre article, William Brumfield se penche sur le musée en plein air de Souzdal, véritable plongeon dans les traditions de l’architecture en bois.

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