Poignants témoignages des participants de la marche commémorative du Régiment immortel à Paris

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MARIA TCHOBANOV
La place de la Bataille de Stalingrad à Paris a été le 8 mai le point de départ d’une marche commémorative, organisée par la communauté russophone de France, le Régiment immortel. Russia Beyond a récolté le témoignage de différents participants, venus célébrer la mémoire de leurs aïeux ayant pris part à la Seconde Guerre mondiale.

Ce mardi 8 mai, la bouche de la station Stalingrad du métro parisien a vu passer au début de l’après-midi des centaines de personnes ayant toutes quelque chose en commun : elles étaient munies de fleurs et de pancartes avec des photos en noir et blanc - les portraits de héros, témoins et victimes soviétiques de la Seconde Guerre mondiale. Elles se sont donné rendez-vous à la place de la Bataille de Stalingrad pour défiler en Régiment immortel dans les rues de la capitale française, qui, comme d’autres villes européennes, ont célébré ce jour-ci l’anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie.

Les drapeaux de la Russie, de l'Arménie, de la Biélorussie, de l'Ukraine, du Kazakhstan, du Kirghizistan, de la Géorgie et des États-Unis ont ainsi flotté au-dessus de la place parisienne. Accompagnés de mélodies des années de guerre et de chants de la Victoire, des gens de tous âges et de convictions politiques différentes, principalement russophones, mais aussi des Slovaques, des Israéliens et des Français, ont marché jusqu’au cimetière du Père-Lachaise afin de se recueillir devant le monument aux partisans soviétiques morts pour la France.

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Lioudmila est arrivée à la station Stalingrad avec deux portraits, les photos de ses parents. Son père, Anatoli Ivanovski, avait 14 ans quand la guerre a éclaté et il a tenté à quatre reprises de fuguer pour aller combattre l’ennemi. Finalement, en 1942, à 16 ans, après un cours préparatoire, il a été envoyé au front. Malgré une blessure, il est revenu vivant de la guerre en 1945. La mère de Lioudmila, alors étudiante en médecine, passait ses vacances chez ses parents en Ukraine quand le conflit a débuté. Son village étant occupé par les Allemands, elle se cachait, mais a été dénoncée par un policier local et a, avec 17 autres jeunes filles, été envoyée de force en Allemagne. Trois d’entre elles seulement ont survécu. Les parents de Lioudmila se sont rencontrés en 1950.

Nikifor Kossiouga, le grand-père de Svetlana a servi dans les troupes mécanisées et a participé à la libération de sa ville natale, Odessa. Il a combattu jusqu'à la fin de la guerre. Svetlana est venue sur la place de la Bataille de Stalingrad avec son fils étudiant et son mari, Sergueïqui a arboré le portrait de son grand-père, Leopold Krjivetski, également ressortissant d’Odessa, qui lui aussi a fait la guerre et en est revenu sain et sauf. En revanche, la femme de Leopold, d’origine juive, a été déportée dans un camp de concentration, ou elle a péri.

Alexandre est venu à Paris en tant que touriste. Tous les ans, il participe au défilé du Régiment immortel à Saint-Pétersbourg, où il réside. Son voyage a coïncidé avec la fête de la Victoire et il n’a pas hésité à amener en France le portrait de son oncle, Dmitri Orlov, qui a laissé sa vie à la périphérie de Stalingrad, à 23 ans. Diplômé de l'école de pilotage au début de la guerre, il a servi comme instructeur, mais à ses demandes catégoriques et répétitives, il a été envoyé au front. Le jeune pilote de l’avion d'assaut a péri lors de sa deuxième sortie.

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Ekaterina a rejoint le Régiment immortel accompagnéе de son mari Sylvain, qui a porté la photo de Grigori Narichkine, un arrière-grand père du côté de sa belle-mère. Pendant le blocus de Leningrad, il a desservi La Route de la vie, une voie de communication qui traversait le lac Ladoga gelé et constituait l'unique accès à la ville assiégée pendant les mois d'hiver, de novembre 1941 à janvier 1943. Trois fois il s’est retrouvé encerclé par les troupes ennemies, mais il est allé jusqu’à Berlin.

Sur une autre photo Ekaterina montre son arrière-grand-père du côté paternel, qui, lui, n’est pas revenu de la guerre. Il s’agit d’une carte, envoyée du front, seule trace en possession de Ekaterina, qui veut tout faire pour essayer de trouver des informations sur l’endroit où il aurait pu être enterré. « C’est mon combat personnel. Je n’attends pas que quiconque au pouvoir approuve ou non mon attitude par rapport à l'histoire. Si nous sommes seulement dix et pas des milliers, nous descendrons quand même dans les rues ce jour-là. Nous le faisons pour nous-même », soutient-elle.

Les deux années précédentes, la jeune femme s’est rendue en Russie pour participer à la marche du Régiment et a transmis son enthousiasme à son mari français, qui trouve qu’en France les initiatives de ce genre manquent. « Il faut rappeler aux gens que si tout le monde est libre, si nous sommes tous là, c’est grâce à ces personnes, il faut leur rendre hommage. Chez les Russes il y a le respect du pays, du drapeau. Nous n’avons pas la même histoire, mais il faut garder son identité, sa culture, il faut la respecter et transmettre à nos petits-enfants. Ma femme m’a ouvert les yeux sur plusieurs choses », avoue Sylvain.

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Arina et Sofia tiennent les portraient de leurs arrière-grands-pères. Elles ne savent pas encore exactement ce qu’a été la Grande Guerre patriotique, mais elles sont fières de leurs ancêtres « parce qu’ils ont défendu la patrie » et « ont participé à la bataille la plus compliquée – celle de Stalingrad ».

Corinne brandit le portrait de son grand-père, Edmond Roussel. Pilote de chasse, il a obéi à l’appel du général de Gaulle du 18 juin et est parti se battre pour les Forces françaises libres. « Je trouve que le Régiment immortel est une idée extraordinaire. Faire vivre le souvenir de la Seconde Guerre mondiale et montrer que la guerre a été faite par des gens comme nous, qui se battaient contre l’abomination. C’est merveilleux de leur rendre hommage et d’entretenir leur souvenir. J’ai vu d’abord le reportage à la télé sur la marche de l’année dernière à Moscou et cette année je suis là, à la place de la Bataille de Stalingrad, un endroit très symbolique », raconte-t-elle.

Natalia tient deux portraits – de son père, issu de la noblesse et passé par les camps staliniens, et de son frère, musicien, parti à la guerre à 18 ans. Les deux ne sont pas revenus du champ de bataille, tombés sur le territoire ukrainien.

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Viktoria est journaliste, correspondante pour une agence d’information russe. Mais le 8 mai elle est venue rejoindre ses compatriotes en tant que petite-fille de Semion Chenine, dont elle porte le portrait avec fierté. Au moment de l’invasion de l’URSS par les Allemands, Semion avait 13 ans. Trop jeune pour devenir soldat, en 1942, à 14 ans il s’engage comme électricien dans la section de construction spéciale et d’assemblage dans une entreprise stratégique, où il est resté jusqu'à la fin de la guerre. En 1947, il a reçu la médaille « Pour le travail valeureux dans la Grande Guerre patriotique de 1941-1945 ». « Pour mon grand-père, le Jour de la Victoire était la fête la plus importante de l’année et il a fait en sorte que pour tous ses petits-enfants ce le fut également. Depuis toute petite je assistait avec lui à la parade du 9 mai à Moscou, il est mort en 2015 et aujourd’hui je l’amène avec moi dans cette marche du Régiment immortel », confie Viktoria.

Lancé au sein de la société civile russe en 2012, le mouvement du Régiment immortel prend de plus en plus d’ampleur chaque année à travers le monde. Dans une soixantaine de pays cette initiative rassemble les gens pour qui le souvenir des terribles années de guerre est encore vivant, qui sont fiers de l'exploit de leurs proches et qui pleurent encore l’énorme sacrifice que l'Union soviétique a subi face au nazisme. Les communautés russophones de dix villes françaises ont pris le relais cette année.

Autre événement majeur du Jour de la Victoire, la grande parade de Moscou rassemble chaque année l’équipement militaire et les régiments les plus incontournables du pays. Voici différentes anecdotes à son sujet.