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Il est 6 heures du matin sur la rue Tverskaïa de Moscou et il n'y a aucun signe de la circulation qui caractérise l'une des artères les plus fréquentées de la ville. Je suis en route pour un voyage de 222 km à destination de Kachine, cité de quelque 14 000 habitants dans la région de Tver, avec mon compagnon de voyage et ami Viktor Salamatov, qui a quitté une carrière en entreprise pour servir de « pont entre son île natale de Sakhaline et le reste du monde ».
Le ciel nuageux et la morosité qui envahissent la capitale russe pendant la période inconfortable entre l'automne et l'hiver me suivent vers le nord, jusqu'à ce que tout semble disparaître comme par magie à la frontière entre les régions de Moscou et de Tver. Un ciel bleu, du soleil et des paysages rappelant les célèbres tableaux d'Ivan Chichkine nous accueillent de l'autre côté. Sans surprise, il fait beaucoup plus froid à mesure que nous nous dirigeons vers le nord, dans une région qui se trouve à proximité de certaines des villes historiques légendaires de Russie, comme Tver, Rostov et Iaroslavl.
À un peu plus d'une heure de route de Moscou (qui a une densité de population de 4 940 personnes par kilomètre carré), l’on a une impression de l'immensité de la Russie. De grands espaces à perte de vue et peu de signes de vie humaine, hormis les petites datchas, les camions et les voitures sur l'autoroute.
Kachine en 1909
Domaine publicKachine, qui se trouve sur les rives de la Kachinka, un petit affluent de la Volga, est mentionnée dans les chroniques historiques dès le XIIIe siècle. Elle a survécu aux saccages de la Horde d'or, aux attaques des interventionnistes polonais pendant la guerre polono-russe du XVIIe siècle, et aux changements provoqués par l'Union soviétique.
Le paisible centre de Kachine, qui s'enroule autour de la cathédrale de la Résurrection, ressemble à une cité de conte de fées des frères Grimm. Entourée de terres agricoles riches et fertiles, la ville compte 29 églises orthodoxes. La place du marché, qui se trouve près de la rivière, accueille des festivals culturels où l'on chante, danse, mange et boit. L'un d'entre eux est le Festival de la Kacha. Selon une version, c'est précisément à la kacha (bouillie traditionnelle de céréale) que la ville doit son nom. Vous pouvez en apprendre davantage sur ce festival et les traditions locales au Musée de la Kacha.
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Une autre raison pour laquelle Kachine est connue au-delà des limites de la région de Tver est qu'elle abrite Veresk, une distillerie d'alcool fondée en 1898. Outre les liqueurs et le gin, l'entreprise produit la vodka Tverskaïa et une autre marque de vodka nommée en l'honneur du fils le plus célèbre de Tver, Athanase Nikitine, marchand et voyageur du XVe siècle, qui a quitté Tver pour se rendre en Perse et en Inde. Lorsque Moscou a accueilli les Jeux olympiques d'été de 1980, Veresk a produit la Tverskaïa Gorkaïa, une boisson alcoolisée amère qui était disponible dans toute la ville et est devenue populaire auprès des visiteurs étrangers.
À proprement parler, la distillerie Veresk n'est pas ouverte au grand public et les touristes ne s'y rendent pas comme dans un vignoble en France. Cependant, une nouvelle boisson alcoolisée à base de klopovka, myrtilles rouges endémiques de l'Extrême-Orient russe et du nord du Japon, a suscité mon intérêt.
Cette recette est l'idée de Viktor. Il me fait entrer dans l'usine Veresk, où le personnel de sécurité examine mon passeport avec un certain amusement. Ils ont l'habitude de recevoir des visiteurs d'affaires d'Europe, du Japon et même de Chine, mais ils considèrent apparemment l'Inde comme le pays des abstinents en spiritueux.
Le directeur de Veresk, Vladimir Perine, nous montre quelques-unes des nouvelles liqueurs de leur chaîne de production. Son bureau est rempli de toutes sortes de prix et de certificats que les produits de Veresk ont remportés, mais mes yeux et mes papilles sont fixés sur cette nouvelle boisson.
En buvant ma première gorgée de Klopovka, mon esprit dérive de la Russie centrale vers l'un des endroits les moins peuplés de la planète, Sakhaline, qui se trouve à huit fuseaux horaires de distance et semble à une planète de Kachine (environ 10 000 km les séparent !). Je me souviens instantanément des baies, de la nature, des paysages et de la brise marine froide de la plus grande île de Russie. Ce breuvage, dont le taux d'alcool est de 35%, est commercialisé comme une boisson exclusive, qui convient aussi bien à l'apéritif qu'au digestif ou à l'accompagnement du dessert.
Il est néanmoins bien sûr trop tôt dans la journée pour que je prenne plus qu'une petite gorgée.
Pour ceux qui s'abstiennent de consommer des boissons alcoolisées, la distillerie produit également de l'eau minérale. Kachine est en effet une cité de villégiature et s’avère célèbre pour ses réserves d'eau minérale et de boue thérapeutique, grâce auxquelles un sanatorium, fondé en 1884, fonctionne toujours pour tous ceux qui veulent améliorer leur santé.
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Une fois que nous avons quitté la distillerie et que nous sommes de nouveau en mode visite, nous nous dirigeons vers la place principale. Construite à l'origine en 1382 et dédiée à Sainte Anne de Kachine, la cathédrale de la Résurrection, dans sa forme actuelle, date du début du XIXe siècle. L'église a été transformée en entrepôt en 1940, puis utilisée comme maison de la culture à partir des années 1970. Elle n'a été entièrement restaurée en lieu de culte orthodoxe qu'en 2009. Elle fait l'objet de rénovations massives dans le but de recréer l'ambiance d'origine.
Le point culminant de la visite de l'église est la montée au sommet du clocher de 76 mètres de haut, construit dans les années 1830. Par chance ou par signe divin, nous parvenons à nous y hisser exactement une minute avant midi. En écoutant les cloches sonner par une journée ensoleillée, nous contemplons l'affluent de la Volga et la campagne environnante, ainsi que les toits de la ville qui a conservé son aspect ancien. Les carillons de la cloche, qui, selon la légende, ont été achetés dans les années 1870 à la foire de Leipzig, ajoutent à l'atmosphère féérique.
La zone près de la cathédrale abrite quelques petits cafés, qui servent des plats russes standards. Nous trouvons un établissement pittoresque à quelques centaines de mètres de là, disposant d’une vue sur la rivière. Il fait trop froid pour s'asseoir sur sa terrasse en automne, mais ce doit être un endroit charmant pour déguster du borchtch pendant les mois plus chauds.
Sur le chemin du retour vers Moscou, nous effectuons un léger détour pour avoir un aperçu de l'un des monuments les plus uniques le long de la Volga. À 20 minutes de route de Kachine, la ville de Kaliazine, qui se trouve sur la rive droite de la Volga, est célèbre pour son beffroi inondé.
Érigé à la fin des années 1790, ce clocher de 74 mètres de haut faisait partie d'un plus grand monastère, celui de Saint-Nicolas. Celui-ci, ainsi que plusieurs autres structures anciennes de Kaliazine, ont cependant été victimes du barrage de la centrale hydroélectrique d'Ouglitch, construit en 1939. Le projet a, il est vrai, entraîné la formation du réservoir d'Ouglitch, un lac artificiel qui a englouti le monastère.
Par miracle, le clocher a survécu et se dresse sur un petit îlot visible depuis la principale promenade fluviale de Kaliazine.
Dans cet autre article, nous vous expliquions justement pourquoi le gouvernement soviétique a inondé des villes et villages russes anciens.
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