Dix mémoires et journaux intimes russes on ne peut plus captivants

Russia Beyond (Domaine public ; lenta/Getty Images)
Les souvenirs de personnes et événements réels sont parfois plus capables d’emporter le lecteur que les romans de fiction les plus passionnants.

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Nadejda Dourova, Cavalière du tsar

Cette femme courageuse ayant vécu au XIXe siècle raconte comment, déguisée en homme, elle a servi dans les rangs de l’armée russe et combattu Napoléon. Dans les pages de ses mémoires, elle dépeint, en outre, sa vie et la situation déplaisante de ses contemporaines qui étaient vouées, selon elle, à « vivre et mourir en esclavage » et sa ferme décision de se dissocier à tout prix « du sexe [...] maudit par Dieu ». Dourova décrit comment elle a triché pour se retrouver dans l’armée et ses premières batailles.

C’est Alexandre Pouchkine qui a publié ses mémoires et, d’ailleurs, c’est lui qui a dévoilé contre sa volonté son identité. Cela a provoqué l’ire de celle qui préférait se faire appeler Alexandre Alexandrov. « Soyez téméraire : entrez dans le monde littéraire aussi courageusement que dans le monde militaire qui vous a rendue célèbre », lui a alors répondu le poète. 

Ilia Ilf et Evguéni Pétrov, L’Amérique sans étages

En 1935-1936, ce duo d’écrivains a fait un tour des États-Unis. Ils ont parcouru le pays d’un bout à l’autre en automobile, accompagnés d’un couple américain, puis ont partagé leurs impressions.

Dans leur œuvre commune, ils livrent une description détaillée de leur voyage et leurs impressions sur New York, sur la construction du pont du Golden Gate à San Francisco, sur la vie des Américains, sur le Coca-Cola et bien évidemment sur Hollywood. Aujourd’hui, c’est amusant de lire comment les deux écrivains s’émerveillent à la découverte des lampes qui s’allument par le « tir d’un fil ».

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Maxime Gorki, Enfance

Contrairement à l’expérience raffinée de nombreux écrivains russes du XIXe siècle issus de la noblesse, pour Maxime Gorki, l’enfance fut une véritable « école de la vie ».

Dans son récit autobiographique, il décrit son enfance à Nijni Novgorod, ville qui sera rebaptisée en l’honneur de l’écrivain encore de son vivant. Il reflète parfaitement l’atmosphère de la maison de son grand-père, dans laquelle il a grandi, et la vie de la classe sociale inférieure dans son ensemble, en mettant en scène des dizaines de personnages complets. Gorki n’a pas privé d’attention son passage à l’âge adulte, qu’il décrit dans deux autres parties de la trilogie, En gagnant mon pain et Mes universités.

Ivan Bounine, Jours maudits

Le futur lauréat du prix Nobel en littérature a rejeté la révolution, ainsi que le pouvoir soviétique, et quitté en 1920 sa Russie natale pour la France. Jours maudits est son journal qui reflète la période la plus turbulente et la plus complexe de l’histoire de Russie. En URSS, cette œuvre, remplie de haine envers les bolcheviks et de désenchantement par la révolution, n’a été publiée que pendant la perestroïka.

« Était-on peu nombreux à savoir que la révolution n’est qu’un jeu de changement de place sanglant qui n’a qu’une seule finale. Le peuple, même s’il a provisoirement réussi à s’asseoir, festoyer et se déchaîner sur la place de ses maîtres, finit, au bout du compte, par tomber du feu dans les braises ».

Vassili Grossman, Vie et Destin

Ce roman est fondé dans son ensemble sur la biographie de l’auteur. Correspondant de guerre, Grossman a été témoin de la bataille de Stalingrad. Il parle de la vie dans l’évacuation, des répressions, et décrit comment amis et voisins se détournent des proches de personnes réprimées. Il a été en outre témoin du meurtre des Juifs par les nazis – sa mère a péri sous l’occupation allemande.

Aujourd’hui, son roman est souvent qualifié de « Guerre et Paix du XXe siècle ». Pourtant, sous l’URSS, son manuscrit a été « arrêté » et interdit de publication en raison de sa critique du régime stalinien (et même la comparaison entre Staline et Hitler).

Maréchal Joukov, Souvenirs et Réflexions

Il n’est pas rare que ceux qui ont pris part aux combats de la Seconde Guerre mondiale aient laissé des mémoires sur les horreurs dont ils ont été témoins. Or, celles d’une personne d’un rang aussi élevé que celui de « maréchal de la Victoire » méritent une attention particulière.

Joukov décrit son enfance dans un village, son premier travail (extrêmement pénible) dans un atelier d’usine et son service dans les rangs de la cavalerie pendant les années de la Grande Guerre. Néanmoins, c’est la partie dédiée à la Seconde Guerre mondiale qui est sans doute la plus intéressante. Le maréchal s’y souvient de l’état de l’armée à la veille du conflit mondial, de la tactique des combats et de ses échanges avec Staline.

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Constantin Stanislavski, Ma vie dans l’art

Cette histoire des quêtes artistiques de Stanislavski est devenue le livre de chevet de nombreux acteurs, car dans ses pages, il expose sa célèbre méthode et la voie de son institution. Toutefois, les mémoires du principal metteur en scène théâtral russe sauront intéresser même ceux dont la vie n’est pas liée à la scène, puisqu’il y conte sa vie et sa voie artistique, parle des spectacles qu’il a mis en scène, ainsi que de ses relations avec Tchekhov et Gorki, sans oublier de citer le légendaire Théâtre d’Art de Moscou et la vie d’un artiste à l’ère des changements.

Né en 1863, il a été aussi bien témoin des échos du servage et de l’« ancienne » vie de la société, que de la révolution et de l’institution du pouvoir soviétique, de la censure et de l’ère stalinienne.

Evguénia Guinzbourg, Le Vertige

Accusée d’appartenance à un groupe terroriste, elle a été arrêtée en 1937. En tant que « père et mère de l’ennemie du peuple », ses parents ont également été visés par une arrestation. Elle a passé 10 ans dans des prisons et camps soviétiques et, une fois libérée, a été privée du droit de rentrer dans sa Moscou natale pendant autant de temps.

Le roman autobiographique Le Vertige est devenu l’un des premiers témoignages sur les atrocités du système punitif soviétique et des répressions. Les descriptions des brutalités avec lesquelles sont traitées les femmes emprisonnées et de l’absurdité des motifs d’arrestation sont bouleversantes.

Nina Berberova, C’est moi qui souligne

Berberova conte sa vie incroyablement mouvementée et, dans les pages de son autobiographie, se succèdent une jeunesse dans l’Empire russe, la révolution et l’émigration, la Seconde Guerre mondiale, l’occupation nazie de la France... Qui plus est, ses mémoires importent en tant que témoignage sur les personnes les plus talentueuses de l’époque. Épouse du poète Vladislav Khodassevitch, Berberova a connu un vaste cercle d’écrivains dits aujourd’hui de l’Âge d’argent de la littérature russe : elle était amie avec Marina Tsvetaïeva, Boris Pasternak, Vladimir Nabokov, Alexandre Kouprine, Ivan Bounine ainsi qu’avec Alexandre Kerenski, homme politique et chef du gouvernement provisoire.

Sergueï Dovlatov, La Valise

Les mémoires ne sont pas tous dramatiques et marqués par des événements historiques majeurs. Parfois, des récits courts, mais particulièrement vifs sont plus intéressants à lire. Toutes les œuvres de Dovlatov sont fondées sur sa propre expérience, et ce recueil de nouvelles n’y fait pas exception. 

Il quitte l’URSS pour les États-Unis avec une petite valise, qu’il ouvrira au bout de quelques années. Chaque objet placé à l’intérieur est le sujet d’une nouvelle distincte : une veste, des gants, un couvre-chef deviennent les héros principaux d’une histoire fascinante, qui dépeint l’époque et son atmosphère.  

Dans cet autre article, nous nous penchions sur cette théorie selon laquelle Alexandre Dumas et Alexandre Pouchkine seraient un même homme.

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