Cinq films soviétiques qui ont montré la Seconde Guerre mondiale sous un jour nouveau

Culture
VALERIA PAÏKOVA
Les films de guerre montrent généralement des combats intenses et des pertes humaines. Mais la Seconde Guerre mondiale est restée ancrée dans le cœur des gens non seulement comme la guerre la plus dévastatrice et la plus meurtrière jamais menée sur le sol russe, mais aussi parce que la douleur, l’angoisse et les souffrances qu’elle a causées ont hanté la population longtemps après la fin du conflit.

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Le véritable défi pour les cinéastes russes était d'aborder le sujet de la guerre sur grand écran sous un angle différent, en montrant le véritable désastre humain que la guerre avait provoqué.

Le conflit a essentiellement laissé un trou béant dans le cœur des gens, les blessures physiques et la douleur émotionnelle n'étant que le sommet de l'iceberg. Pour combattre le feu par le feu, les gens devaient subir une catharsis en regardant des films de guerre – afin d’entendre les cris de leurs frères morts, et guérir les blessures de leur âme.

Nous avons compilé une liste de cinq films de guerre par excellence, qui ont aidé à voire la Seconde Guerre mondiale sous un angle différent, à travers les yeux de héros et de traîtres, de pères et de fils.

1. La Vérification (1971)

[Traîtres contre héros]

Le chef-d'œuvre en noir et blanc d'Alexeï Guerman a été tourné en 1971, mais n'a été diffusé que 15 ans plus tard, pour une raison simple. Ce film non conventionnel se déroulait en 1942, pendant l'occupation nazie de l'URSS, et mettait en lumière des soldats soviétiques ayant volontairement fait défection du côté de l'ennemi.

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Cet opus, l'un des meilleurs films soviétiques sur la Grande Guerre patriotique (nom donné à la Seconde Guerre mondiale en Russie), abordait un sujet controversé et tabou. C'était du jamais vu à l’époque de la toute-puissante censure d'État. Inutile de dire que juste après avoir regardé La Vérification, Alexeï Romanov, président du Comité d'État de l'URSS pour la cinématographie, s'est assuré que la bande contenant le film resterait sur les étagères pendant de longues années, jusqu'en 1986. La Vérification était jugé antipatriotique, son réalisateur étant accusé d’ignorer les réalités de la vie des partisans soviétiques.

Le drame d'Alexeï Guerman (basé sur les Récits de guerre de son père) se concentre sur le sergent Lazarev (interprété par Vladimir Zamanski) - un « traître » qui a fait défection du côté des Allemands, mais qui s'est ensuite rendu aux partisans soviétiques pour expier sa culpabilité. Le chef du détachement, Ivan Lokotkov (joué par Rolan Bykov), veut faire confiance au transfuge et lui confie la tâche impossible : voler un train allemand rempli de nourriture pour aider à nourrir les soldats soviétiques affamés.

La Vérification explore les valeurs humaines et les extrêmes sur le plan moral, brossant un tableau tout à fait inédit des soldats soviétiques pendant la guerre. Il dépeint des gens qui ne sont ni des traîtres, ni des patriotes, juste des êtres humains capables d’erreurs fatales, livrés à leur sort dans des forêts enneigées ravagées par la guerre.

2. La Ballade du soldat (1959)

[Drame humain]

Ce drame bouleversant, réalisé par Grigori Choukhraï, n'est pas un film de guerre ordinaire. Ici pas d'effets spéciaux, de scènes épiques de combats intenses ou de scènes glorieuses. Ce film offre un portrait différent de la guerre, en optant pour des histoires humaines dénuées de tout « tape à l’œil ».

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Le diable est dans les détails, et les détails qui émergent dans Ballade du soldat en disent long sur ce qu'est la guerre. Vous pouvez y voir la moue d'un soldat ayant perdu une jambe effrayé de retourner auprès de sa femme ; des trains remplis de soldats joyeux, mais épuisés ; une petite fille rendue orpheline par la guerre. Ce drame humain en apparence modeste, qui se déroule en 1942, en dit bien plus que ce que l'on voit. Il montre mieux la portée de la tragédie que les grandes fresques sur la guerre. Ce film n'a pas de « happy end ».

Le protagoniste principal, un opérateur radio de terrain nommé Aliocha Skvortsov, arrive à détruire deux chars allemands. En récompense, il obtient de brèves vacances. Aliocha se rend dans son village natal - il veut voir sa mère. Le jeune soldat croise toutes sortes de gens sur le chemin du retour et tombe même amoureux avant d'arriver finalement sur place, pour quelques minutes seulement. Il embrassera alors sa mère une dernière fois. « Il est temps pour moi de partir », dit-il. « Je ne te laisserai pas partir », crie-t-elle, sentant peut-être que son fils ne reviendra jamais.

La Ballade du soldat a reçu les éloges de cinéphiles du monde entier, a remporté le British Academy Film Award du meilleur film – toutes provenances et a été nominé pour l'Oscar du meilleur scénario original.

3. L'Enfance d'Ivan (1962)

[Point de vue de l'enfant]

Pétri de subtilité et de nuances, le premier film d’Andreï Tarkovski est un « film dans un film », juxtaposant les moments déchirants du conflit et la vie paisible d’avant la guerre.

L'histoire suit un garçon qui a perdu ses parents et sa sœur pendant la guerre. Rêvant de vengeance, Ivan, 12 ans (joué par Nikolaï Bourliaev, la future star d’Andreï Roublev) devient littéralement un « enfant soldat » en rejoignant volontairement un groupe de partisans, et risque sa vie en effectuant de dangereuses missions de reconnaissance pour l'armée soviétique.

Tourné en noir et blanc et inondé de séquences de rêves époustouflantes et de flashbacks obsédants, L'Enfance d'Ivan montre à travers les yeux d'un enfant la catastrophe qu’a été la Seconde Guerre mondiale. Les rêves surréalistes d'Ivan, comme autant de prières sans réponse, deviennent le seul et unique pont reliant le garçon à son passé lointain et heureux.

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Le chef-d’œuvre de Tarkovski a remporté le Lion d’or au Festival du film de Venise et le Golden Gate Award au Festival international du film de San Francisco. L'Enfance d'Ivan a ému Ingmar Bergman et Krzysztof Kieslowski, tandis que le grand philosophe français Jean-Paul Sartre a même écrit un essai à son sujet. Tarkovski, en revanche, n'aimait pas son propre film, affirmant que L'Enfance d'Ivan ne lui était cher qu’en tant que « première œuvre indépendante » de sa création.

4. Fascisme ordinaire (1965)

[Racines de la violence]

Il s'agit du premier documentaire soviétique décrivant la mort, la violence et la torture. Fascisme ordinaire est avant tout une chronique sans fard des horreurs et des origines du nazisme, pas une histoire classique de la lutte du bien contre le mal.

Le célèbre réalisateur Mikhaïl Romm a lancé une véritable bombe en mettant à nu le système totalitaire de l'Union soviétique et les crimes de l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale dans son film documentaire, établissant des parallèles entre les deux.

Le film était narré par Romm et co-écrit par Maïa Tourovskaïa et Iouri Khanioutine. Contrairement à ses pairs, qui glorifiaient la guerre héroïque de l'URSS, Romm a choisi de repousser les limites du désespoir humain avec ce film profondément troublant.

Le documentaire, inondé d'images sinistres tirées des archives nazies ainsi que des archives personnelles d'Hitler, jette un regard sans concession sur la violence. L'Holocauste nazi a coûté la vie à six millions de juifs et Romm a utilisé tous les moyens, de la musique aux images d'archives, pour revenir aux sources de la tyrannie et de la barbarie.

5. Ils ont combattu pour la Patrie (1975)

[Prix de la victoire]

Le film épique de Sergueï Bondartchouk se distingue non seulement par sa qualité artistique et son style visuel époustouflants, mais, avant tout, par son authenticité presqu’irréelle.

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Ce film de guerre avec un grand « G » a tout pour plaire : du sang, de la sueur, de l’émotion et même un langage ordurier (du jamais vu dans le cinéma soviétique). C’est ce qui distingue le grand cinéma - il ouvre de nouveaux horizons. Basé sur le roman du même nom du prix Nobel de littérature Mikhaïl Cholokhov, le film de Bondartchouk dépeint la complexité des gens et la simplicité de l'amitié, l'amertume de la guerre, le pouvoir de l'esprit et de l'humour, la soif inextinguible de vie et la peur de la mort. C’est probablement le premier film sur la Seconde Guerre mondiale réalisé du point de vue de ceux qui y ont participé, d’où sa grande honnêteté.

Juillet 1942. Des soldats soviétiques épuisés mènent de féroces batailles et subissent d'énormes pertes à la périphérie de Stalingrad. L'intrigue se concentre sur les soldats ordinaires, leurs amitiés, leur amour pour leur Patrie et le prix de la victoire.

Sergueï Bondartchouk, également auteur de Guerre et Paix, a tourné son film pour marquer les 30 ans de la victoire sur les nazis ; la plupart des acteurs qui ont joué dans le film (y compris Iouri Nikouline et Sergueï Bondartchouk) étaient eux-mêmes d'anciens soldats de première ligne. Cela a conféré au film une authenticité qui l’a rendu encore plus touchant.

L'Union soviétique a consenti le plus gros sacrifice en vue de la victoire sur les nazis. Et la victoire a coûté très cher, au moins 27 millions de personnes étant mortes pendant la guerre. Cependant, entre 1947 et 1964, le coût et les conséquences de la Grande guerre patriotique n’étaient pas évoqués publiquement en URSS. Ils ont combattu pour la Patrie a aidé beaucoup de gens à mieux prendre conscience du poids de ce sacrifice énorme.

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