Cinq œuvres à lire absolument pour comprendre la Révolution russe

Pour tous les auteurs, d'Alexandre Blok à Boris Pasternak, la Révolution était un drame, qui a brisé la société et leur ancien mode de vie. La joie du changement s'est rapidement transformée en déception...

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Alexandre Blok, poème Les Douze

Alexandre Blok, principal poète russe du XXe siècle, subtil lyrique et romantique, était d'abord enthousiaste à propos de la Révolution, y voyant une opportunité de renouvellement spirituel de la société et la construction d'une nouvelle vie.

Dans son poème Les Douze (1918), Blok dépeint cet événement comme l'apocalypse : dans les rues à moitié détruites de Petrograd (nom de Saint-Pétersbourg de 1914 à 1924) la faim, le froid, les pillages et les fusillades régnaient. Cependant, Blok salue et accepte la destruction de l'ancien monde et le triomphe de la Révolution.

Les héros du poème, 12 soldats de l'Armée rouge, 12 « apôtres » de la nouvelle foi, sacrifient facilement les populations au commencement de cette nouvelle ère.

« Flanquons une balle à la sainte Russie,

La matoise,

La Russie des isbas,

Au gros cul ! »

Traduction de Serge Romoff, Paris, La Cible, 1920.

À la fin du poème, Jésus-Christ marche devant les soldats, « couronné de roses blanches ». Il existe différentes interprétations de cette image : certains pensent que le Christ bénit et dirige lui-même la Révolution, d'autres que l'Armée rouge le chasse, détruisant sa foi.

En 1920 et 1921, Blok est déçu par la Révolution et cesse d'écrire de la poésie. Il meurt des suites d'une maladie cardiaque en août 1921.

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Maxime Gorki, nouvelle Le chant du pétrel

Véritable inspirateur et « chanteur » de la Révolution, Maxime Gorki s'est inspiré de la première révolution de 1905 et du renversement de la monarchie. Originaire du peuple, il est devenu l'écrivain emblématique du prolétariat. Les vers de ses œuvres sont ainsi entrés dans le vocabulaire révolutionnaire.

Dans son récit La vieille Izerguil de 1894, Gorki raconte l'histoire d'un jeune homme nommé Danko, qui s'est arraché le cœur de la poitrine pour sauver son peuple.

Dans le poème Le Chant du faucon (1895), l’on trouve l'allégorie d'une couleuvre qui s'élance d'une falaise à la suite d'un faucon et qui tombe ; elle ne comprend pas pourquoi les oiseaux font tout leur possible pour aller vers le ciel, alors que d'après elle le bonheur est dans la chute. Les révolutionnaires et la jeunesse se réjouissaient de ces œuvres, et considéraient que leur influence sur les esprits était bien plus forte que celle de n'importe quel slogan. La phrase « Celui qui est né pour ramper ne saurait voler » tirée du Chant du faucon est devenue un adage. Lénine a personnellement écrit à l'auteur une lettre dans laquelle il le félicite d'être si fidèle aux idées de la révolution.

Le poème Le chant du pétrel (1901) est devenu le véritable hymne de la révolution. L'oiseau devient le signe avant-coureur d'une révolution imminente : « Que la tempête souffle plus fort ! », crie-t-il.

Cependant, quand il a vu la « tempête » de la révolution en action, Gorki a connu la désillusion, et a qualifié la Révolution d'Octobre de « prématurée et dangereuse ». Chroniqueur des événements de 1917 et de toutes leurs horreurs, il décrira tout cela plus tard dans une série d'articles, Pensées intempestives.

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Gorki a émigré en Europe en 1921, mais est revenu en Russie en 1932, sur invitation du gouvernement soviétique. À son retour, il a approuvé la politique de Staline et a largement écrit sur les nombreux accomplissements et succès du système soviétique, sans mentionner les répressions et la terreur. La vie personnelle et la carrière créative de Gorki sont remplies de contradictions, et provoquent encore beaucoup de débats et de discussions littéraires.

Mikhaïl Boulgakov, La Garde blanche

Boulgakov n'a jamais cru au socialisme, et a ardemment défendu la monarchie jusqu'à la fin de sa vie. Il n'approuvait pas la Révolution, mais n'a pas pour autant quitté le pays. Beaucoup de ses œuvres ont été interdites à la publication, car trop empreintes de son aversion pour la nouvelle réalité.

Boulgakov a reflété ses impressions complexes et sévères sur l'époque révolutionnaire troublée dans son premier roman largement autobiographique, La Garde blanche (1924). L'auteur décrit Kiev, sa ville natale, prise lors de la guerre civile de 1918-1919. Le héros du roman est un soldat de l'une des armées blanches, venant d'une famille de l'intelligentsia. Ayant été impliqués dans les événements de la Révolution et de la guerre civile, ils s'efforcent de conserver leur ancien mode de vie. Néanmoins, le monde autour d'eux s'effondre : la culture chrétienne se meurt, et l'environnement social intellectuel auquel appartenaient tant l'auteur que ses héros est détruit. Et la seule chose qui peut empêcher ce monde au bord du gouffre d'y tomber est l'amour : pour les gens, pour votre famille, pour votre maison et pour votre patrie.

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 Mikhaïl Cholokhov, Le Don paisible

Cholokhov est le seul écrivain soviétique à avoir reçu le prix Nobel de littérature, en 1965, pour une œuvre publiée avec l'accord des autorités : Le Don paisible (1925-1940), que certains considèrent comme étant le Guerre et Paix du XXe siècle.

Cholokhov, qui a grandi dans une ferme de cosaques, décrit les conséquences tragiques de la Révolution et de la guerre civile pour l'ensemble des cosaques du Don, ainsi que pour chaque famille qui s'est ainsi retrouvée prise dans les mailles de ce tournant historique. Le héros principal du roman est le cosaque du Don Grigori Melekhov, qui aimait sa ferme et rêvait d'une vie tranquille de labeur, mais qui a été contraint de partir à la guerre. Ses passages du côté blanc au côté rouge et d'une femme à l'autre démontrent bien l'agitation que tous ses compatriotes ressentaient.

Cholokhov lui-même approuvait le pouvoir soviétique et croyait en un « avenir meilleur », mais, lorsque ces espoirs se sont envolés, il a quasiment disparu du paysage littéraire.

Boris Pasternak, Docteur Jivago

Pasternak a reçu le prix Nobel de littérature pour son roman Docteur Jivago (1945-1955), mais le livre a été interdit en URSS par les autorités pendant plus de 30 ans. Avec son héros, le poète et docteur Iouri Jivago, Pasternak montre comment la relation complexe et ambiguë que l'intelligentsia russe avait envers la Révolution s'est transformée avec le temps. 

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Au début, comme beaucoup d'autres, Jivago comprenait les bénéfices de ces changements : « Quelle magnifique chirurgie ! On vous crève artistiquement les vieux abcès fétides ». Jivago a ensuite été déçu de voir que ces changements s'avéraient être non pas cette révolution romantique chantée par Blok, mais un massacre sanglant et militaire qui a dévasté le pays. Il regrettait son « admiration insouciante » pour le nouveau pouvoir en place, dont lui et toute l'intelligentsia payaient maintenant le prix

Pendant la guerre civile, Jivago tentait de rester à l'écart des combats, mais a commencé à travailler comme médecin pour l'Armée rouge après sa capture. Deux ans plus tard, après avoir fui les rouges comme les blancs, il s'est caché de tous dans une maison abandonnée dans la forêt pour y écrire des poèmes et repenser à tous ces événements.

Pasternak conclut en disant que la révolution est une tragédie pour l'humanité, une violence contre la vie elle-même, contre la nature et les lois naturelles.

Dans cet autre article, nous vous présentons en vidéo les grands noms de la Révolution de 1917.

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