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Au début du XXe siècle, le chimiste et photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a inventé un procédé complexe permettant de réaliser des photographies aux couleurs vives et détaillées. Inspiré par l'idée d'utiliser cette nouvelle méthode pour immortaliser la diversité de l'Empire russe, il a photographié de nombreux sites historiques au cours de la décennie qui a précédé l'abdication du tsar Nicolas II en 1917.
Le projet de Prokoudine-Gorski a été principalement soutenu par le ministère des Transports, qui a facilité ses prises de vue le long des voies ferrées et navigables de Russie. Le canal Mariinski, qui reliait Saint-Pétersbourg au bassin de la Volga, était particulièrement important pour cette institution. Au cours de l'été 1909, Prokoudine-Gorski a donc voyagé le long de cette voie navigable et produit une riche collection de photographies. Parmi ces trésors figurent ses vues de la petite ville de Belozersk, située sur la rive sud du lac Beloïé. Ses deux principaux monuments sont son Kremlin et sa cathédrale de la Transfiguration du Sauveur, dont la construction a été commencée en 1668 et achevée à la fin des années 1670.
L'intérieur de la cathédrale n'a pas été peint de fresques, ce qui permet aux visiteurs de concentrer leur attention sur l'une des iconostases les plus remarquables de Russie. L'espace principal est défini par deux piliers carrés massifs, dont le niveau inférieur est recouvert de cadres d'icônes sculptés et dorés. Les piliers soutiennent les voûtes ouest et centrale de la cathédrale et structurent la vue sur l'iconostase.
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Une synthèse de style
L’iconostase orthodoxe russe typique forme une grille en deux dimensions pour les rangées ascendantes d'icônes, avec le portail principal de l'autel – les portes royales – au centre. Au début du XVIIIe siècle, est toutefois apparue une forme plus dynamique d'iconostase influencée par l'art baroque. Elle met l'accent sur une plus grande sensation de profondeur au centre, autour des portes royales.
L’iconostase de la cathédrale de la Transfiguration de Belozersk partage cette caractéristique, bien qu'elle ait été créée des décennies après le déclin du baroque, peut-être au début du XIXe siècle. Elle représente une fusion étonnante des styles baroque et néoclassique, une synergie entre la vigoureuse sculpture en bois du Nord et les éléments raffinés caractéristiques de Saint-Pétersbourg.
Les fûts de colonne cannelés et l'entablement corinthien élaboré, ainsi que les figures décoratives sinueuses de style baroque, sont mis en valeur en or sur fond blanc. Des anges et des chérubins occupent les flancs de la structure et gardent son centre. Malgré la perte de certains éléments pendant la période soviétique, l'iconostase est relativement bien conservée, et la précieuse photographie de Prokoudine-Gorski permet une reconstitution précise de sa forme originale.
Au premier niveau, les angles de l'espace central sont occupés par des statues d'anges. Au-delà de celles-ci, l'œil discerne les murs incurvés menant aux portes royales. Dans le projet original, les statues de Moïse tenant les Tables des Dix commandements et de son frère Aaron avec son bâton miraculeux étaient placées en face l'une de l'autre sur les murs incurvés. Ces deux statues préfigurent au sens propre les cartouches peints présents à l'origine sur les deux moitiés des portes royales : les quatre évangélistes, l'Annonciation et la Cène.
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Majesté sculptée
Prokoudine-Gorski, pour une raison technique quelconque, n'a photographié que la partie inférieure. En se déplaçant vers le centre de la construction en bois, qui est éclairé du haut par le dôme principal de la cathédrale, le drame tridimensionnel de l'espace central devient évident grâce à l'emplacement d'un ensemble de figures sculptées visibles sur mes photographies. Le cadre des portes royales s'élève jusqu'à un entablement massif (or sur blanc, avec une bordure horizontale bleu foncé), sur lequel repose la coquille d'un dôme formé par une section hémisphérique avec des nervures à l'arrière-plan et des draperies dorées au premier.
Cette présentation dramatique enveloppe une figure sculptée du Christ vêtu d'un pagne et montant au ciel dans un nuage de gloire. De chaque côté du Christ se trouvent les quatre symboles des évangélistes : le lion de saint Marc, l'ange de saint Matthieu, l'aigle de saint Jean et le taureau volant de saint Luc. Tout en haut de l'iconostase, qui monte dans le tambour sous le dôme principal, se trouve une autre figure sculptée du Christ ressuscité, dans une aura glorieuse avec des anges, des rayons de lumière et des bougies massives – tous associés à l'Apocalypse.
Sur le rebord supérieur, de part et d'autre de l'iconostase, on trouve d'autres figures d'anges (avec les trompettes du Jugement dernier), l'ange tenant le Livre aux sept sceaux, les sept chandeliers de l'Apocalypse et des peintures des miracles du Christ dans des cartouches formés de bois sculpté en motif de feuillage. Les visages des anges ont une douceur naïve caractéristique de l'art provincial. Bien que l'Église orthodoxe ait généralement désapprouvé les figures entièrement sculptées dans l'art religieux, ces statues perpétuent une tradition distinctive de sculpture sur bois dans tout le Nord russe. Outre son exubérance stylistique, la structure et la signification théologique de l’iconostase de la cathédrale de la Transfiguration sont parmi les plus riches de Russie.
Au début du XXe siècle, le photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a inventé un procédé complexe de photographie en couleur. Entre 1903 et 1916, il a voyagé à travers l'Empire et pris plus de 2 000 photographies avec ce nouveau procédé, qui implique trois expositions sur une plaque de verre. En août 1918, il a quitté la Russie avec une grande partie de sa collection de négatifs sur verre et s'est finalement installé en France. Après sa mort à Paris en 1944, ses héritiers ont vendu sa collection à la Bibliothèque du Congrès américain, qui, au début du XXIe siècle, a numérisé la collection de Prokoudine-Gorski et l'a mise gratuitement à la disposition du public mondial. Un certain nombre de sites web russes en proposent désormais des versions. En 1986, l'historien de l'architecture et photographe William Brumfield a organisé la première exposition de photographies de Prokoudine-Gorski à la Bibliothèque du Congrès. Au cours d'une période de travail en Russie débutant en 1970, Brumfield a photographié la plupart des sites visités par Prokoudine-Gorski. Cette série d'articles juxtapose les vues de Prokoudine-Gorski sur les monuments architecturaux avec les clichés pris par Brumfield des décennies plus tard.
Dans cet autre article, William Brumfield s’intéresse à la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé, miracle de création et de survie à Saint-Pétersbourg.
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