Comment le Nouvel An bouddhiste est-il célébré en Sibérie?

Pavel Kouzmitchev
Avec les habitants d’Irkoutsk, nous avons assisté à l’office nocturne dans un datsan (temple bouddhiste), vu des Bouriates briser des os et dansé un grand iokhor (ronde traditionnelle).

Suivez Russia Beyond sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr 

L’une des places centrales d’Irkoutsk s’est retrouvée bondée. Ici et là, scintillaient des robes bouriates éclatantes, des chapeaux hauts garnis de fourrure duveteuse, et les félicitations fusaient de partout. « Sagaan haraar ! Sagaalganaar ! ». Puis, des centaines de personnes ont entamé une danse en rond – le iokhor – très entraînante. La croyance veut que plus de personnes participent à la danse, plus prospère sera l’année.

Lire aussi : Les explorations russes d’Erwann: le monastère bouddhiste d’Ivolga, un fragment de Tibet en Sibérie

Pourquoi le Mois blanc est-il la fête la plus importante de l’année ? 

Les peuples bouddhistes célèbrent non seulement le Nouvel An « officiel », le 1er janvier, mais aussi le leur, dont ils calculent la date en fonction du calendrier lunaire. Selon les régions, le Nouvel An est appelé à sa manière : Sagaalgan par les Bouriates et les Mongols, Chagaa par les Touvains, Tsagan-Sar par les Kalmouks, Tchaga Baïram par les Altaïens. Cette année, le Mois blanc est tombé le 10 février (et a coïncidé avec le Nouvel An chinois, ce qui arrive rarement) chez les Bouriates, les Touvains et les Kalmouks. Le Mois blanc de l’Altaï est de son côté tombé le 17 février. Enfin, le symbole de l’année a été désigné comme le Dragon de bois vert. 

En fait, cet événement coïncide avec l’apparition de la première nouvelle lune de printemps. C’est la période où l’hiver se termine et où la nature se réveille.

Jusqu’au XIVe siècle, le Mois blanc était célébré en automne, lors de la préparation des aliments pour l’hiver, lorsque les produits laitiers étaient abondants (les Bouriates les appellent « sagaan èdeèn »). Puis, sous l’influence de l’astrologie chinoise (qui désigne chaque année par l’un des 12 animaux), il a été déplacé à la fin de l’hiver. La célébration du Sagaalgan a également été influencée par la diffusion du bouddhisme. Les enseignements bouddhistes sont arrivés de Mongolie en Sibérie au début du XVIIe siècle et se sont répandus en Transbaïkalie, Touva, dans l’Altaï et en Bouriatie.

Un grand nombre de Bouriates vivent également dans la région d’Irkoutsk (il y a même ici le district bouriate d’Oust-Ordyn), et vous pouvez y voir à la fois des temples traditionnels (datsans) et un grand nombre de cafés avec des pozy (ou buuzy, grosses ravioles mongoles), et vous familiariser avec les traditions de ce peuple sibérien.

Sagaalgan, qui signifie littéralement « mois blanc », est l’une des deux fêtes les plus importantes de la culture bouriate, avec Sourkharbaan en été.

Lire aussi : Les explorations russes d’Erwann: Archan, ce village sibérien propice aux retraites spirituelles

Une fête d’un mois entier

Nous avons pu constater par nous-mêmes que la nature reprend lentement vie après l’hiver. D’ordinaire, le mois de février à Irkoutsk est un mois froid, avec des températures de -20° et moins. Néanmoins, lorsque nous sommes venus célébrer le Mois blanc, le soleil éclatant du printemps est soudain apparu, et la température est restée aux alentours de +5° pendant quelques jours. Peut-on imaginer de telles métamorphoses au cœur de la Sibérie ?

Sagaalgan, tout comme le Nouvel An « officiel », est considéré comme une fête familiale en Russie. Pendant 30 jours, il est prévu de rendre visite aux parents et aux amis, de prendre le thé avec des boovy (petits beignets) et des pozy/buuzy, et de s’offrir de petits cadeaux (généralement des khadaki (écharpes traditionnelles en soie). 

Toutefois, aujourd’hui, elle n’est plus seulement célébrée à la maison. À Irkoutsk, elle est déjà devenue une fête municipale, à laquelle tout le monde peut participer. Elle est organisée par le Centre culturel des peuples autochtones de la région du Baïkal, avec le soutien du ministère de la Culture de la région d’Irkoutsk. « L’essentiel est de venir avec des pensées pures et une âme ouverte, et l’année portera chance », explique le centre.

Les lamas (moines bouddhistes) du datsan d’Irkoutsk ont d’abord adressé aux invités des vœux de prospérité et lu des prières. Des artistes traditionnels bouriates d’Irkoutsk ont ensuite répété ces vœux en interprétant des chants et des danses.

Les Bouriates ont en outre présenté à tout le monde leur jeu d’os traditionnel Chagaï Naadan et ont démontré leur capacité à briser des os spinaux à mains nues (nous avons également vu ces sports traditionnels lors de Sourkharbaan en été). 

Le point culminant de la fête est une gigantesque danse en rond, le iokhor. Imaginez : des centaines de personnes se prennent la main et tournent en rond en plusieurs rangées, en sautant, en accélérant et en ralentissant et en chantant « iokhor, iokhor ». Cette danse bouriate ancienne est associée au mouvement du soleil. L’on pense qu’il existe huit types principaux de iokhor, qui sont dansés dans les différentes régions où vivent les Bouriates. Lors des festivals urbains, les présentateurs tentent généralement d’enseigner à tous les participants les différents types de iokhor. Ils diffèrent par leurs mélodies et leurs types de sauts. Il est impossible de les mémoriser tous aussi rapidement ! 

« Notre iokhor a rassemblé le plus grand nombre de personnes des trois années depuis la pandémie. Il y a eu cinq rangées !, nous a confié Olessia Polounina, ministre de la Culture de la région d’Irkoutsk. J’ai dansé moi-même et j’ai éprouvé un plaisir colossal ! J’ai eu l’impression de décharger beaucoup d’énergie et d’en prendre deux fois plus. Quelle charge ! ».

Lire aussi : Vallée sibérienne de la Tounka: fascinante héritière des Mongols et observatrice des corps célestes 

Souhaitons-nous bonne prospérité !

Les Bouriates, comme nous l’avons appris au datsan d’Irkoutsk, associent le bouddhisme au chamanisme et aux rituels traditionnels. La fête traditionnelle de Sagaalgan est ainsi aujourd’hui indissociable de la partie religieuse.

Il est nécessaire d’accorder une attention particulière à la propreté, et il ne s’agit pas seulement du nettoyage de la maison, mais aussi de la pureté des pensées et du karma. Au datsan d’Irkoutsk, dans la nuit du 8 au 9 février, le rite de purification Dougjououb a eu lieu. Toutes les choses négatives ont été brûlées dans des feux pyramidaux appelés Sor (parfois écrit Soor), le tout accompagné de prières.

Quelques jours avant le Mois blanc, les lamas du datsan organisent par ailleurs des services spéciaux (khouraly). Nous avons visité le principal, qui a commencé à 22 heures le 9 février et a duré jusqu’à 6 heures du matin.

Le service était dédié à la déesse Baldan Lkhamo, qui est considérée comme une protectrice des humains et une divinité guérissant des maladies. À l’aube, elle fait le tour de la Terre et bénit tous les êtres vivants. Alors, la nouvelle année commence.

Dans cet autre article, découvrez quand les différents peuples de Russie célèbrent leur Nouvel An. 

Chers lecteurs,

Notre site web et nos comptes sur les réseaux sociaux sont menacés de restriction ou d'interdiction, en raison des circonstances actuelles. Par conséquent, afin de rester informés de nos derniers contenus, il vous est possible de :

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies