Mariage 2.0: en plein confinement, cette Russe et ce Français ont officialisé leur union sur Zoom

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ERWANN PENSEC
L’on se souviendra assurément de 2020 comme l’une des plus éprouvantes années de ces dernières décennies. Néanmoins, certaines histoires personnelles nous permettent, par leur positivité, de garder la tête hors de l’eau en ces temps difficiles. Le récit d’Anna et Keryan, jeunes mariés franco-russes, est définitivement de celles-là.

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C’est par une nuit de février dernier, sur un ferry de croisière reliant Stockholm et Helsinki, que Keryan Fitoussi a effectué sa demande en mariage à Anna Shakhrova, requête à laquelle la jeune Russe ne pouvait opposer de refus. Cet événement, quintessence du romantisme, à la veille de la Saint-Valentin et en date du 29e anniversaire de ce comédien, ne laissait présager la tournure ultérieure des événements et l’épopée qu’aurait bientôt à traverser le couple.

Désenchantement

En ces temps semblant déjà immémoriaux, l’Europe s’avérait en effet encore épargnée par ce fléau baptisé Covid-19. C’est donc avec insouciance, après une ultime étape de voyage à Saint-Pétersbourg, que les deux tourtereaux se sont séparés pour une courte durée ; du moins est-ce ce qu’ils imaginaient. Tandis que Keryan est rentré en France, Anna s’est rendue dans sa ville natale de Nijni Novgorod, afin d’annoncer l’heureuse nouvelle à ses parents et de prendre un peu de repos à leurs côtés. Toutefois, le Vieux continent ne tarde alors pas à plier sous l’assaut de cet ennemi invisible et le couperet à tomber : la fermeture des frontières russes est décrétée fin mars, tandis que les deux pays s’immobilisent rapidement, confinés.

« Initialement, le mariage a été prévu pour l’été 2020 chez moi, à Nijni Novgorod. On voulait faire venir la famille de Keryan pour qu’ils puissent voir la Russie, inviter ma famille et des amis des deux côtés. Malheureusement, l’épidémie a cassé tous ces projets », nous confie la jeune femme, fondatrice d’une école de français et de russe en ligne (Instagram : @parle_moi_francais).

Ce n’est finalement qu’en août que les deux âmes sœurs ont pu se retrouver à Nice. La question fatidique de la tenue de la cérémonie s’est à ce moment posée et deux options s’offraient à eux : un mariage organisé au plus vite en France, ou une union officialisée l’an prochain en Russie. C’est avec pragmatisme que les fiancés ont tranché.

« Vu qu’on venait de passer presque 6 mois éloignés l’un de l’autre et que mon titre de séjour étudiant se terminait au mois de septembre, reporter le mariage signifiait mon départ de nouveau chez moi pour Dieu sait combien de temps, l’attente d’un nouveau visa et la préparation pour une fête future assez floue. Alors, on a voté pour le mariage en France », explique Anna.

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Préparatifs et incertitudes

C’est dans les Landes, dans la bourgade d’Ychoux, lieu de vie du père de Keryan, que les futurs époux ont projeté de sceller leur amour. Un choix se justifiant par la plus grande facilité, dans les petites communes, à organiser rapidement un mariage, entre temps d’attente moindres et mairies plus flexibles. Union binationale oblige, Anna et Keryan n’ont toutefois pas échappé à l’entretien avec le chef du village, voué à certifier la sincérité de leur désir d’union.

« Heureusement, on se connait avec Keryan depuis l’éternité, donc, on n’avait rien à cacher puisqu’on connait chaque détail l’un sur l’autre. Pendant l’entretien, je sentais que le maire n’était pas à l’aise de nous poser toutes ces questions sèches et formelles écrites sur une feuille de papier. Il a été content quand la conversation a pris l’axe d’un échange amical de nos histoires de vie, relate notre interlocutrice. Il a été surpris de savoir que Keryan était déjà allé 3 fois en Russie, qu’on avait traversé les États-Unis ensemble, que nos parents s’étaient déjà rencontrés plusieurs fois. Bref, c’était facile. Même si on était obligés de passer l’entretien séparément, nos réponses correspondaient à 100% ».

Ainsi, si la date du mariage a été fixée au 7 novembre, une question demeurait : comment célébrer cet événement majeur avec les deux familles, alors que les frontières restaient désespérément fermées ?

« Pire encore, la France a été reconfinée à partir du 30 octobre 2020. Jusqu’au bout, ni nous, ni la mairie, n’étions même pas sûrs que le mariage ait lieu à la date prévue », se remémore Anna son inquiétude, accentuée par l’impossibilité de son meilleur ami, témoin et seule personne de son côté à être présente en France, d’être de la partie.

Bonne nouvelle néanmoins, le gouvernement a finalement autorisé les mariages en cercle restreint, et c’est avec les seuls proches de Keryan résidant à Ychoux que le couple a enfin pu entrevoir son salut.

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Une cérémonie pas comme les autres

Restant positive face à cette délicate situation, Anna a alors décidé, pour sa cérémonie, de s’inspirer de son expérience en tant que professeure de langues en ligne et de ses soirées organisées à distance avec des amis durant le confinement.

« J’utilise tout le temps des logiciels tels que Zoom, Microsoft team, Skype. Alors, rien n’était plus simple ! Si ma famille ne pouvait pas venir, rien ne les empêchait de se réunir en Russie, où il n’y avait plus de confinement, pour fêter ensemble avec nous en ligne, nous explique-t-elle. Alors, j’ai préparé de belles cartes d’invitation digitales pour chacun, en demandant d’être bien habillé comme pour une vraie fête, et les ai envoyées par email ou réseaux sociaux, j’ai ensuite planifié la conférence sur Zoom ».

Une solution on ne peut plus dans l’air du temps, qui n’a pas manqué de surprendre et de ravir les invités. « Vous avez bien fait de ne pas abandonner l’idée ! », « C’est une super idée très innovante, je n’ai jamais participé à un mariage en ligne ! », « Un mariage en ligne ? C’est une autre vie maintenant », telles ont été leurs réactions, évoquées par la mariée, qui a ainsi pu convier à l’événement ses amis du monde entier.

Leurs proches ont de cette façon pu suivre en direct la cérémonie depuis la mairie d’Ychoux, presque comme s’ils y étaient, et ce, grâce à l’ordinateur portable placé sur le bureau de l’élu local. La famille d’Anna, réunie chez ses parents, restera quant à elle toute la soirée connectée devant son écran, et prendra même part aux danses festives, à plusieurs milliers de kilomètres de là.

Par ailleurs, à situation exceptionnelle – solutions exceptionnelles, ce mariage a été organisé sous le signe du fait-maison. Anna s’est, il est vrai, chargée elle-même de la décoration (en conformité avec les couleurs de sa robe, achetée en Russie par sa mère et arrivée par la Poste à la dernière minute) et a endossé le rôle de son propre traiteur, préparant pour le comité restreint divers plats russes, mais aussi de sa maquilleuse et coiffeuse.

L’anecdote la plus amusante concerne toutefois les alliances. N’ayant eu le temps de s’en occuper avant le reconfinement, les deux amoureux en ont confectionné de ravissantes à partir de … muselets de champagne, de quoi faire rougir les plus grands orfèvres.

« J’ai mon mari, c’est le plus important. En plus, tout ce qui se passe est unique, beaucoup mieux qu’un mariage traditionnel et complétement prédictible. Je préfère à 100% cette histoire à tous les diamants de monde ! », s’enthousiasme Anna, qui a néanmoins, lors de l’échange tant attendu devant l’adjointe au maire, découvert que Keryan était en secret parvenu à se procurer de véritables anneaux.

Une cérémonie par conséquent hors-norme qui, en plus d’un coût défiant toute concurrence (300-400 euros tout compris), laissera un souvenir indélébile dans les mémoires.

« J’avoue que j’ai quand même envie de refaire le mariage en Russie pour qu’on puisse profiter de la présence réelle de toutes les personnes qui ont été invitées sur Zoom, du vrai matin des fiancés quand ce n’est pas moi qui cuisine, d’une vraie soirée dansante sans restrictions sanitaires, mais je suis sûre qu’on va se souvenir toute notre vie de ce mariage qui sort absolument du cadre et qu’on a organisé nous-mêmes », conclut, enchantée, la désormais nommée Anna Shakhrova-Fitoussi.

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