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C'est probablement le trou le plus célèbre de Russie. Cette carrière n’est ni la seule, ni la plus grande au monde, mais elle a déjà effrayé les internautes et fait l’objet de milliers de commentaires inquiets tels que : « J'adore l'aéroport qui se termine juste au bord de la mine. Vous dépassez un peu de votre piste ? Oui, c'est la fin de vos vacances ».
Au bord de cette carrière géante, qui étonne l'imagination, se trouve en effet la ville de Mirny. Elle est située dans la région la plus vaste et l’une des plus désertes de Russie, la Iakoutie, qui représente un cinquième de tout le territoire russe (six fois la France métropolitaine) et est habitée par un peu moins d'un million de personnes. Mirny compte de son côté 35 000 âmes, et ces dernières sont ici principalement pour une raison : les diamants. En fait, c’est précisément pour eux que la cité a été fondée.
La carrière « Mir » (« Paix ») est en effet l'un des plus riches gisements de diamants au monde. 525 mètres de profondeur, 1,2 kilomètre de diamètre, cet abîme artificiel coupe le souffle.
Creusé durant 50 ans
On dit que c’est un renard qui a aidé à découvrir ce gisement. Il aurait creusé son terrier sous un arbre dont les racines avaient été exposées par un glissement de terrain. En juin 1955, des géologues qui cherchaient de la kimberlite diamantifère auraient alors remarqué la teinte caractéristique de la terre retournée par l’animal. Des échantillons ont ensuite démontré qu'il y avait ici une forte concentration de diamant.
La même année, un village est par conséquent né en ce lieu, et quelques années plus tard, il a reçu le statut de ville. Des équipements et des citoyens y sont venus après avoir parcouru près de 3000 km de hors-piste et au cours des 10-12 premières années, la population de Mirny a été multipliée par 4. Puis, il a fallu près de 50 ans pour creuser un trou de cette taille dans le sol. De 1957 au début des années 2000, on y a extrait des diamants pour une valeur totale de 17 milliards de dollars. Le trajet d’un camion chargé de roche depuis le fond jusqu’à la surface de la carrière se faisait en spirale sur une longueur de huit kilomètres.
La carrière appartient à la société d'extraction de diamants Alrosa (en 2018, elle représentait environ 26% de la production mondiale). Mirny apparait comme une mono-ville classique, c’est-à-dire une ville économiquement concentrée sur une seule activité, en l’occurrence l’industrie diamantaire, qui emploie la majorité des habitants. Pourtant, la « capitale russe du diamant » ne ressemble pas à une ville riche et prospère. Selon la population locale, il n'est pas facile d'y vivre, surtout depuis que la mine a été mise en sommeil.
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Cela s'est produit en 2017 à la suite d’une tragédie. L'eau accumulée au fond de cette excavation géante s'est soudainement précipitée dans la mine souterraine. À cette époque, des travaux étaient en cours sous terre, car la carrière à ciel ouvert n'était plus adaptée à l'exploitation, ses limites ayant été atteintes. Il y avait alors 151 individus dans la mine, et si la plupart d’entre eux ont été évacués, huit n'ont pu être sauvés.
La vie au bord de l'abîme
La première chose qui attire l'attention quand on se trouve à Mirny, c'est la proximité de la ville avec la carrière. Sur les photographies les plus réussies, il semble même que les immeubles résidentiels se dressent juste au bord du gouffre. Toutefois, un glissement de terrain et le fait que toute la ville pourrait un jour être « aspirée » dans ce trou sont les éléments qui font le moins peur ici. « Ce n'est pas si difficile de vivre près de la carrière, la photo est juste prise sous un bon angle », affirment les habitants.
Sur Internet, court une rumeur quant au fait que les hélicoptères seraient constamment aspirés dans la carrière par les courants d'air. « J'ose noter que ce n'est pas vrai », assure Anna, qui vit à Mirny depuis 20 ans. Les hélicoptères et les avions ne survolent effectivement pas cet abîme, mais aucun appareil n'y a encore jamais été entraîné par des flux tourbillonnaires. De plus, le territoire de l’aéroport commence presque immédiatement en haut de la carrière. Tout est très proche ici – on peut accéder à la mine depuis la ville en 10 minutes à pied sur un chemin de terre. « Sur votre droite, il y aura la carrière », annoncera sans aucun doute le pilote de votre avion avant d’atterrir, sachant que c'est la principale et presque la seule attraction de la ville. Il existe des vols réguliers et directs depuis Moscou, Saint-Pétersbourg et plusieurs autres grandes villes de Russie, même si les touristes à Mirny sont très rares.
En réalité, l’on venait ici surtout pour travailler, pour beaucoup sans s’installer toutefois dans la ville : l’on s’y rendait pour quelque temps dans un logement temporaire, avant de regagner son domicile et profiter un peu de ses proches et de repartir, comme il est commun de le faire dans le Grand Nord, où la température en hiver tombe à -55-60 degrés. La plupart des édifices de Mirny sont conçus sur pilotis, le sol étant ici constitué de permafrost et surélever les constructions étant donc nécessaire pour assurer leur isolation (si la chaleur des logements venait à accroître la température du sol et à faire fondre le permafrost, cela pourrait créer des instabilités et conduire à l’effondrement du bâti). Ici, comme dans d'autres villes du Nord, les façades des bâtiments sont peintes de couleurs vives pour réduire la dépression due aux longs hivers.
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« En été, À Mirny on a de véritables nuits blanches [lorsque le Soleil ne se couche pas]. Mais en hiver, il fait nuit très tôt, à 4 heures de l'après-midi, tandis que le matin, le Soleil ne se lève pas avant 11 heures. Et c'est un peu déprimant », témoigne une habitante nommée Alexandra.
Même les escaliers sont adaptés à leur manière au froid et aux longs hivers. Dans chaque institution publique, qu'il s'agisse d'une polyclinique ou d'un lieu de culte, les escaliers sont recouverts d'un tapis iakoute. « Pourquoi ? Parce que tous les escaliers sont recouverts de carrelage glissant, qui est généralement utilisé en intérieur. On est donc obligé de jeter un tapis par-dessus pour que les gens ne se blessent pas. Pour une raison qui nous échappe, il semble impossible de faire cela de manière judicieuse et d'appliquer dès le début un revêtement antidérapant », explique le populaire blogueur Ilia Varlamov, qui a effectué une visite à Mirny. En fait, le problème des carreaux glissants en hiver se retrouve partout dans le pays et il est résolu par l'aspersion de sable, de sel ou d’agents chimiques. Cependant, la population de Mirny a opté pour cette solution plus originale.
La ville possède deux cinémas, des piscines, un stade, un théâtre, un jardin botanique, plusieurs restaurants, un bar à chicha et le seul hôtel de la ville, Azimut, propose des prix débutant à 5 900 roubles (65 euros) pour une chambre d’une place, ce qui équivaut approximativement au coût d'une nuit dans un bon établissement à Moscou. Dans les rues, les véhicules tout-terrain sont majoritaires.
« Le coût des produits alimentaires est deux fois plus élevé que sur le continent [c’est ainsi que dans les lieux isolés de Russie on appelle la partie « civilisée » du pays]. Cela s'explique par le fait que Mirny se trouve dans un endroit inaccessible où toutes les denrées alimentaires sont amenées de Novossibirsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk via Oust-Kout ou en été via Iakoutsk, bien sûr, par cette route déglinguée non asphaltée », décrit-on sur les forums locaux.
Les habitants se consolent grâce au fait que la ville dans son ensemble est « verte, avec une bonne situation écologique », au salaire, qui est, si vous travaillez pour Alrosa, suffisant pour vivre décemment, à la tranquillité, à l’absence presque totale de criminalité, et, bien sûr, à la présence de ce trou surréaliste dans le sol, « presque comme le Grand Canyon ». Le seul inconvénient est l'odeur de sulfure d'hydrogène, qui enveloppe parfois la ville.
Qu'adviendra-t-il de l'immense carrière ?
Après que la mine a été mise en sommeil, il n'y a pendant longtemps pas eu de projets la concernant. En ligne, est toutefois apparue l’idée d’y bâtir une éco-ville sous un dôme recouvrant la carrière et pouvant abriter 100 000 habitants. Ce projet a été développé par le bureau d'architecture russe AB Elis, cependant, en Iakoutie, il n'a jamais été pris au sérieux par qui que ce soit et l'avenir de la carrière Mir est probablement beaucoup plus prosaïque.
En janvier 2020, il est apparu clairement que la mine avait encore une chance de s'animer : Alrosa y a entamé une opération de prospection géologique. Cela coûtera à la société deux milliards de roubles (21,89 millions d’euros) et répondra à la question de savoir s'il serait rentable d’y rétablir l’extraction.
« Si l'étude confirme la faisabilité économique et la sécurité de la poursuite de la production à Mir, les travaux de restauration de la mine commenceront en 2024 et dureront 6 à 8 ans », indique le journal Vedomosti.
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