Vremia: l’histoire d’une émission d’information née en URSS et toujours populaire en Russie

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IOULIA AFANASENKO
Né sous l’URSS, Vremia est le plus ancien journal télévisé de la Russie moderne. Découvrez comment il a réussi à rester pertinent depuis l'époque de l'Union soviétique.

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L'évolution de la Télévision centrale, créée par Gosteleradio (Comité d'État de la télévision et de la radio) de l'URSS, a été remarquablement rapide, malgré des technologies peu développées, et à la fin des années 1960, elle comptait déjà quatre chaînes. Mais la diffusion des nouvelles posait toujours problème. La télévision soviétique n'offrait à ses téléspectateurs que de courtes séquences d'information. Il existait également un programme d’information hebdomadaire intitulé Estafeta novostieï (« Le relais de l’information ») qui perdait lentement mais sûrement en popularité.

Cependant, à la fin de l’année 1967, tout a changé. Quatre membres de Gosteleradio (Alexeï Petrochenko, le directeur général, Irana Kazakova, un observateur et deux rédacteurs en chef - Leonid Zolotarevski et Levan Dzaridze) ont tenu une réunion au centre de télévision Chabolovski (situé rue Chabolovka à Moscou) pour créer un tout nouveau programme de télévision d'information plein format destiné à remplacer les courts « blocs » de nouvelles. Ils ont inventé un nouveau format et un nouveau nom, ce qui ne fut pas une mince affaire. Leonid Zolotarevski se souvient : « Des dizaines de versions, toutes pires les unes que les autres, ont éclaté comme des coups de feu, quand soudainement, Petrovitch [Alexeï Petrochenko] a laissé échapper : Vremia ! [Le Temps !] ». Et Gosteleradio l'a accepté.

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Vremia a été diffusé pour la première fois le 1er janvier 1968. Par la suite, cette date serait célébrée comme l'anniversaire du programme. Au départ, il ne s'agissait que d'un speaker lisant des rapports en direct, les uns après les autres. Une composition de Georgui Sviridov intitulée Vremia, vpered ! (« Temps, en avant ! ») a été choisie comme musique du générique. Le célèbre compositeur l'avait en fait écrit pour le film du même nom du réalisateur Mikhaïl Schweitzer, mais très rapidement les téléspectateurs ont commencé à l’associer à Vremia.

Le début des années 70 a transformé l'émission. Toute la production a été transférée au centre de télévision d’Ostankino (situé dans le nord de Moscou). À l’époque, Iouri Letounov, fondateur de la station de radio Maïak (« Phare »), est devenu rédacteur en chef de l’émission et a décidé d’améliorer son format. Dès lors, deux speakers, un homme et une femme, animaient l'émission et lisaient à tour de rôle chaque actualité. Les présentateurs ont changé au fil du temps avec, par exemple, Igor Kirillov, Viktor Kotcherguine, Evgeni Balachov, Anna Chatilova, Nonna Bodrova, Galina Zimenkova et d'autres. Vremia donnait un éclairage sur la politique, l’économie, la culture, les sports ainsi que sur certains événements de la vie étrangère. À partir de 1971, il comprenait également un bulletin météo, et en 1972, Vremia a commencé être diffusé à 21 heures précises. Avant cela, il n'y avait pas de plage horaire fixe pour le programme dans le calendrier. Les seuls changements d'horaires tolérés par la suite ont eu lieu pour le feu d'artifice du 9 mai et certains événements sportifs. De plus, le nombre de diffusions est passé de trois à cinq fois par semaine.

Bien sûr, en tant que programme télévisé de Gosteleradio, Vremia devait constituer un outil de propagande soviétique, de sorte que les informations diffusées dans l'émission étaient unilatérales et officielles. De plus, le rédacteur en chef Iouri Letounov aimait beaucoup l'URSS et a toujours voulu montrer son pays sous le meilleur jour, en faisant la chronique de toutes ses réalisations. Dans le même temps, alors que la popularité du programme augmentait, Vremia commencé à être diffusé plusieurs fois par jour, aboutissant à dix programmes quotidiens diffusés partout en URSS et dans d’autres pays socialistes. Il était même rediffusé le lendemain matin de 1978 à 1987. En 1977, le personnel du programme a reçu le prix d'État de l'URSS pour son travail.

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Les années 1980 ont vu apparaître de nouvelles versions de Vremia. Les speakers se tournaient vers des journalistes pour obtenir une analyse politique ou un commentaire. De nombreux journalistes célèbres y ont pris part - par exemple Genrikh Borovik et Spartak Beglov. Le programme a commencé à être diffusé sur deux chaînes après que la Deuxième chaîne est devenue disponible dans toute l'Union soviétique. C’est aussi la période où la composition Vremia, vpered ! est tombée en disgrâce pendant plusieurs années avant d’être abandonnée.

L'armée soviétique avait commencé sa campagne en Afghanistan, et la composition était considérée comme trop martiale, rappelant une déclaration de guerre. Heureusement, le symbole musical de Vremia a été restitué par la suite. Mais les réalisateurs ont continué à le réduire pour gagner du temps, poussant Sviridov à écrire dans ses mémoires : « Finalement, il n’en restait qu’une portion pitoyable ». À la fin de la décennie, les journalistes de Vremia travaillaient dans 40 bureaux à travers le monde. Sur la Deuxième chaîne, la diffusion a commencé à être traduite en langage des signes.

En 1991, les speakers ont été remplacés par des journalistes de radiodiffusion. Vremia a été présenté par des personnalités renommées telles que Sergueï Dorenko, Janna Agalakova, Arina Charapova, Dmitri Kisdomov, Kirill Kleïmionov et bien d’autres. Dans le même temps, pendant le coup d'État d'août de la même année, le programme a subi le contrecoup d’une division idéologique au sein du personnel, qui conduisait souvent à des messages contradictoires dans le programme. La première moitié des années 90 a été une période difficile pour Vremia, le programme ayant pratiquement perdu son identité pendant plusieurs années.

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Après le coup d'État d'août, il a changé son nom en TV Inform, quelques mois plus tard - en Novosti Ostankino (« Ostankino information ») et en juillet 1992 a été baptisé ITA Novosti (ITA News). Le nom original n’a été restitué que le 16 décembre 1994. Ce jour-là, la présentatrice Tatiana Komarova s’est adressée à ses téléspectateurs ainsi : « Vremia est le nom qui reflète l’essence de notre travail. Le programme reflète l'époque. Nous sommes le miroir de notre temps ».

Comme Gosteleradio n’existait plus, Vremia faisait désormais partie de l’ORT (Télévision publique russe). À partir de 1994, le format est resté le même. L’émission d’information comportait un supplément appelé Voskresnoïe vremia (« Le Temps du dimanche »), qui a été introduit en 2003, et au cours duquel tout ce qui s’était passé au cours de la semaine était résumé et analysé. Il a été présenté par Irada Zeïnalova, Piotr Tolstoï, Piotr Martchenko et Andreï Batourine.

Quoi qu’il arrive dans le pays ou dans le monde, Vremia ne reste jamais les bras croisés. Dans toutes les situations, des conflits en Tchétchénie aux Jeux olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi, ses reporters ont toujours fait de leur mieux pour expliquer à des millions de téléspectateurs ce qui se passait. Aujourd'hui, trois journalistes audiovisuels expérimentés figurent dans le studio en tant que présentateurs : Ekaterina Andreïeva, Kirill Kleïmionov et Vitali Elisseïev. Et Vremia, vpered ! est toujours le thème musical principal. Le programme a au total reçu le prix annuel TEFI de la télévision russe à quatre reprises : en 2002, 2006, 2007 et, plus récemment, en 2017. 

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