La Russie est-elle prête pour le pic de l'épidémie de coronavirus?

Lifestyle
NIKOLAÏ CHEVTCHENKO
Bien que le pays enregistre encore un nombre relativement faible de patients et qu’il ait entrepris assez tôt des mesures drastiques, une brusque propagation du virus ne saurait être totalement exclue. La Russie est-elle prête au pire?

Russia Beyond désormais sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr

Quand l'épidémie atteindra-t-elle son point culminant en Russie?

À Moscou, l'épidémie pourrait atteindre son point culminant au début du mois d'avril. Cette prévision a été donnée par Denis Protsenko, le médecin en chef de l'hôpital clinique № 40 de la ville, qui a été entièrement rééquipé pour recevoir les patients atteints de coronavirus.

Toutefois, comme les prévisions antérieures des spécialistes, la prévision de la date du pic épidémique en Russie est susceptible de changer en fonction de l'efficacité des mesures prises.

« [Auparavant] je pensais que [le pic de la maladie se situerait] à la fin de cette semaine », a déclaré Protsenko le 26 mars, mais le spécialiste a ainsi rapidement dû ajuster ses prévisions optimistes.

« Pour l’instant il y a une augmentation. Maintenant, je pense que le pic de contamination se situera au milieu ou à la fin de la semaine prochaine », a-t-il ultérieurement déclaré.

Dans le même temps, les conditions pour atteindre le pic de propagation du virus à Moscou et dans les autres régions du pays sont susceptibles de différer. Tout dépend du scénario dans lequel l'infection se développera en Russie.

Lors d'une conversation avec le président Poutine, qui s’est rendu à l'hôpital où sont traités les patients atteints de coronavirus, Denis Protsenko a déclaré que dans le scénario « asiatique », la situation se calmera rapidement, mais que dans le scénario « italien », au contraire, elle ne fera qu'empirer.

Le médecin a suggéré que, dans le cadre du scénario optimiste, la situation en Russie pourrait se stabiliser en avril ou mai, mais a conseillé de se préparer au scénario du pire, sans avancer de date du pic de l'épidémie dans ce cas.

Lire aussi : Comment l'Église orthodoxe russe lutte-t-elle contre le coronavirus?

Pourquoi y a-t-il moins d'infection en Russie que dans d'autres pays ?

En Russie, le nombre d'infections continue d'augmenter, mais par rapport à d'autres pays, la maladie se propage assez lentement.

Au 30 mars, 1 836 personnes y ont été diagnostiquées positives au Covd-19, soit beaucoup moins que dans de nombreux autres pays où l'infection s’est manifestée. Par exemple, aux États-Unis, qui représentent aujourd'hui le plus grand nombre de cas, plus de 150 000 cas de contamination ont été confirmés, et plus de 40 000 en Iran.

On ne sait pas précisément pourquoi le virus se propage plus lentement en Russie. Mais il existe plusieurs théories.

« Tout d'abord, nous avons moins de touristes qu'en Italie. Moins de gens vont à l'étranger. Le pays est plus réparti, la densité de population plus faible. Tous ces facteurs ont un impact », a déclaré Vladimir Koline, directeur général de DNK-Technologii, société ayant développé un test du coronavirus.

D'autre part, les mesures prises par les autorités russes ont pu réduire la propagation du virus dans le pays. Dès le 31 janvier, la Russie a en effet cessé ses communications ferroviaires avec la Chine et le 18 février, les citoyens chinois ont été interdits d'entrée en Russie. Les mesures récentes comprennent l'introduction d'un régime d'auto-confinement pour tous les résidents de Moscou à partir du 30 mars, l'annonce d'une semaine non travaillée du 28 mars au 5 avril, et la restriction quasi totale du trafic aérien international à partir du 27 mars.

Dans le même temps, certains experts suggèrent que le nombre de patients atteints de Covid-19 en Russie pourrait être beaucoup plus élevé que celui officiellement confirmé.

« Les gens peuvent tomber malades sans symptômes. Une personne peut ne présenter aucun symptôme, mais propager le virus. Ces cas asymptomatiques ne peuvent être détectés qu'après coup en analysant la libération d'anticorps. Mais au stade de la prophylaxie, rien ne peut être fait contre cela – ils ne seront pas détectés », a déclaré Valentin Kovalev, médecin spécialiste des maladies infectieuses.

Cependant, aucune preuve ne vient encore étayer cette théorie.

Lire aussi : Pourquoi certains Russes ne croient pas au coronavirus

La Russie pourra-t-elle faire face au pic de l'épidémie ?

Les avis divergent par ailleurs quant à savoir si la Russie est prête pour le pic de l'épidémie.

Selon certains, le système de santé russe pourrait être confronté à de graves difficultés si le nombre de patients augmentait fortement.

« La raison principale est le sous-financement des institutions médicales, qui entraîne une pénurie de personnel, des problèmes d'équipement, etc », a souligné Andrey Konoval, coprésident de l'Union interrégionale des travailleurs de la santé « Deïstvié ».

Selon l'expert, il y a quelques années, la Russie a réduit le nombre de départements et de lits d'infectiologie afin de réaliser des économies. Par conséquent, il sera plus difficile de trouver des places supplémentaires dans les hôpitaux si le nombre de patients atteints de coronavirus venait à augmenter, considère-t-il.

Mais il y a aussi ceux qui pensent que la Russie est mieux préparée que d'autres pays.

« Nous n'attendons pas un scénario à l’italienne, et pour une épidémie normale, nous avons suffisamment de matériel et tout le reste. Dans l'ensemble, nous avons l'air bien équipés en appareils respiratoires. Il y a quelques années, nous avons connu une panique en raison du manque d’appareils respiratoires mobiles pour les personnes souffrant de maladies palliatives, après quoi des commandes ont été passées et maintenant il y en a beaucoup. Et les principaux hôpitaux sont d'autant mieux équipés », assure Larissa Popovitch, directrice de l'Institut d'économie de la santé à l’École des hautes études en sciences économiques de Moscou.

Selon l'experte, le plus grand risque pour le système de santé russe est en réalité aujourd'hui posé par ceux qui cachent le fait d’être malades.

« Certaines personnes pensent que leur liberté personnelle est plus importante que leur responsabilité envers la société. C'est la catégorie la plus dangereuse de porteurs possibles », a-t-elle précisé.

Dans cet autre article, nous vous présentions le chantier de l’hôpital moscovite construit spécialement pour le traitement de la Covid-19.