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Avez-vous déjà essayé de lire les forums féminins après la Saint-Valentin ? Je vais vous en parler. La brûlante discussion commence par : « Les filles, c’est blessant à en pleurer », et s’ensuit une tirade sur le fait qu'il y a si peu de fêtes dans la vie, et sur comment cette internaute s'est préparée, et que son compagnon a oublié. Bientôt, un individu anonyme fait irruption dans la conversation, avec son opinion impopulaire selon laquelle « toute cette obligation d’offrir quelque chose est pénible ». Cette personne se fait alors moralement détruire et la conversation regagne le droit chemin, celui du « pour moi ça a été encore pire ». Bref, l’arrière-goût de cette fête est plus que moyen. Ce qui se passe sur les forums masculins, je ne l'ai pas lu, mais quelque chose me dit que ce n'est pas ce dont ils traitent.
Dans une boutique de Vladivostok
Vitali Ankov/SputnikCependant, si je vous dis que la plupart des Russes ne savent même pas qui est ce saint catholique prénommé Valentin, vous ne serez guère surpris. Peut-être ne le savez-vous pas non plus. Mais cela n'a pas d'importance. Nous avons tous vu beaucoup de films américains où le thème de la Saint-Valentin est aussi chanté que celui des invasions extraterrestres. En Russie, nous achetons également des fleurs, des cœurs en chocolat, des tasses avec des ours en peluche et des bijoux. Nous faisons tout dans les meilleures traditions d'une fête dont nous ne savons rien. C'est tellement russe.
Il y a deux ans, des analystes de Yandex ont dévoilé ce que les Russes achètent à la veille de la Saint-Valentin et pour combien. Il s’est avéré que les hommes dépensent plus que la gent féminine. En moyenne, 49,5 euros contre 30,5. Les cadeaux sont des plus divers, allant des téléphones, stylos onéreux, tasses, T-shirts et produits de beauté, au thé et – ce qui n'est pas le plus évident – aux sets de pique-nique. Les dépenses des Russes sont toutefois bien inférieures à celles des Britanniques ou des Américains (en moyenne 110 euros). Mais nous sommes plus pauvres, désolée. Le rituel en lui-même est beaucoup plus important. Même si l'on vous présente des déchets (une rose rabougrie dans un emballage hermétique et non recyclable ou une carte avec des poèmes trouvés sur Internet), il s'agit de déchets rituels. On les attend, et ces attentes gâchent toute la fête. Parce que les attentes coïncident rarement avec la réalité, tout le monde le sait. Il arrive beaucoup plus souvent que le sentiment d’après-fête soit cette frustration totale décrite au début de ce texte.
Un jeune couple à Moscou
Artiom Gueodakyan/TASSLire aussi : Célibataire pour la Saint-Valentin: ces films russes dédiés aux ruptures amoureuses et à la solitude
Mais ceux pour qui l’on ressent véritablement de la compassion, ce sont les célibataires. Pour eux, la Saint-Valentin est impitoyable. Surtout si vous êtes une femme. Surtout si vous avez plus de 30 ans. En Russie, être une femme seule est moins agréable que d'être un homme seul. Bien sûr, ce n'est pas la même chose qu'en Chine, où les femmes non mariées sont soumises à l'ostracisme tant public qu’étatique, et appelées « sheng nu » (« femmes qui restent ») – une femme célibataire arrivant à la fin de la vingtaine. Mais ici aussi, nous avons notre propre terminologie humiliante pour chaque cas. Cependant, au quotidien, seuls votre mère ou vos proches s'en souviennent lors d'un dîner familial mensuel. Le jour de la Saint-Valentin, le premier à s’en souvenir, c’est par contre vous. Tout cela commence à vous piquer au cœur, surtout si vous avez essayé si fort de trouver l’âme sœur cette année. Alors vous vous enivrez du Journal de Bridget Jones, vous faites défiler en fermant les yeux le flot de photos de pétales de roses sur les réseaux sociaux, vous ne regardez pas les stories sur Instagram, vous n'allumez pas la radio (là-bas des déclarations d’amour sont diffusées en continu entre les prévisions météo et les chansons de Rihanna), vous ne regardez pas autour de vous, et Dieu vous garde d'aller seul au cinéma ou au restaurant ce jour-là.
Cadre issu du "Journal de Bridget Jones"
Sharon Maguire/Little Bird, 2001Le 15 février, c'est la fin. Vous êtes à nouveau une personne autonome qui n'a besoin de personne pour être entière. La question est de savoir si cette fête vaut réellement une telle pression. Ce jour devait à l'origine soutenir les cœurs solitaires, auxquels un simple compliment anonyme donnerait un peu de joie. Mais tout a changé : en Russie, la Saint-Valentin est la journée tant des couples tout juste formés que de ceux qui sont depuis déjà longtemps mariés. C’est aussi un hybride de la fête des mères et des enfants (parce que les mères et les enfants s’échangent aussi des cadeaux et se disent qu'ils s'aiment). De manière générale, c'est le jour des gens heureux et prospères en amour. Ceux qui n’ont personne à aimer, s'il vous plaît, sortez.
Une seule chose est en vérité réconfortante : tout cela perd de sa popularité.
« La moitié de la population russe rejette la Saint-Valentin », une telle nouvelle est apparue en 2019. L'application Mamba avait alors mené une enquête qui a démontré que 41% des citoyens préféraient l'équivalent russe de cette fête – la Journée de la famille, de l'amour et de la fidélité. Elle est célébrée le 8 juillet et coïncide avec le jour des saints orthodoxes Pierre et Févronie. Leur histoire est la suivante : le prince Pierre contracte la lèpre, et seule la fille d'un apiculteur peut le guérir ; il l'épouse, mais pas la première fois, seulement lorsque la lèpre le touche à nouveau. C'était au tournant des XIIe et XIIIe siècles. Désormais, notre jour de tous les amoureux est célébré en leur honneur.
Statue de Pierre et Févronie à Kazan
Maksim Bogodvid/SputnikLire aussi : Sept raisons de ne jamais tomber amoureux d’une femme russe
Ainsi, le 8 juillet semble plus logique en Russie que le 14 février, ne serait-ce que parce qu'il s'agit de nos saints. « Ce n'est pas notre fête, pourquoi nous célébrons comme des singes celle d'un autre ? », est l'objection la plus populaire de ceux qui s'y opposent. Chaque année, le 14 février, un des représentants de l'Église orthodoxe russe demande inévitablement que soit mis fin à cet outrage. Apparemment, la tendance actuelle de retour aux valeurs traditionnelles en Russie a également un certain effet. À en juger par l'analyse de Medialoguia en 2016, le « pic » de mention de la Saint-Valentin dans les médias de masse a été atteint en 2012 et l'attention portée à cette fête n'a cessé de diminuer depuis. On pourrait alors supposer que les Russes se sont tournés vers le 8 juillet, mais ce n'est pas non plus le cas. Personne ne se souvient de cette fête et pour moi, la raison est évidente : aucune comédie romantique n’est tournée à propos du 8 juillet, à cette date, les magasins ne décorent pas leurs vitrines avec des cœurs en plastique, personne ne révèle ses sentiments à la radio. En bref, sans ces oripeaux que nous détestons tant, les fêtes ne fonctionnent pas. C'est une arme à double tranchant.
Mais ce qui est intéressant est que la baisse de l’intérêt pour le 14 février semble en dire long sur nous. La Saint-Valentin en Russie a perdu de sa valeur, et selon moi la situation ne va pas s’inverser. Car si son but est uniquement de ne pas être seul ou de ne pas être laissé sans cadeau, si tant de gens se sentent lésés, ne serait-ce qu’une fois par an, c'est une fête inutile. Et il faut soit reconsidérer notre attitude à son égard, soit la rejeter parce qu'elle n'est pas pertinente.
Un couple au parc de Tsaritsyno, en banlieue de Moscou, lors de la Journée de la famille, de l'amour et de la fidélité
Vladimir Fiodorenko/SputnikMa meilleure Saint-Valentin s'est passée en troisième année (9 ans). J'ai ramené de l'école sept cadeaux de la Saint-Valentin, et je n'avais aucune idée de qui ils étaient. C'était inattendu, excitant et très agréable. Ma pire Saint-Valentin ? Elles ont été si nombreuses que ma mémoire a effacé tous les détails. C'est le bonheur quand on est jeune et qu'on n'a pas eu assez de temps pour créer des couches d'attentes. Lorsque vous êtes adulte, il vous suffit de télécharger une application de rencontres. Quelques profils consultés, et un partenaire est trouvé pour la soirée. Mais comme il serait triste de se retrouver avec un étranger dans un appartement avec un verre de vin et de s'avouer mutuellement que l'on y est pour une seule raison : ne pas se sentir mal ce soir. J’ai été dans cette position. Et ce n’est pas la meilleure sur Terre.
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