Comment les Russes se protègent-ils des mauvais esprits?

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ANNA SOROKINA
Bien que la Russie ait été baptisée au Xe siècle, certains rites païens subsistent de nos jours au sein de la société.

Même après la Christianisation de la Russie kiévienne, les peuples slaves y résidant n’ont pas arrêté de croire aux « anciens dieux » et ont continué de penser que certains rites les aidaient à protéger leur foyer contre les esprits malins, le mauvais œil et l’énergie négative en général. Il s’avère que certaines de ces pratiques sont employées par des Russes même aujourd’hui.  

Amulette protégeant l’entrée

Chez les Slaves païens, il existait une coutume consistant à enterrer un proche sous le seuil de la maison afin qu’il protège la vie des autres membres de la famille. Ils croyaient que cet endroit précis était la frontière entre les mondes des morts et des vivants. D’autres encore plaçaient durant la phase de construction de la demeure des amulettes censées la protéger. Leur type variait d’une région à l’autre, mais habituellement il s’agissait d’un couteau ou de petites pierres sur lesquelles on gravait des symboles-protecteurs.

Une amulette était également accrochée à l’entrée : un fer à cheval, de l’ail, ou une branche d’armoise, mais on pouvait également y dessiner des signes spéciaux. Tous les objets trouvés près de l’entrée étaient par ailleurs perçus comme placés dans le but de jeter un mauvais sort sur les habitants de la maison, surtout lorsqu’il s’agissait de pièces d’argent, de fils, d’aiguilles ou de terre à l’intérieur d’un mouchoir. Il était donc interdit de les enjamber ou de les toucher à mains nues.

Même aujourd’hui, beaucoup de superstitions en Russie sont liées au seuil : on ne peut pas s’y embrasser, parler par-dessus, offrir un cadeau avant l’avoir franchi, etc...

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Le chambranle n’est pas qu’un élément de décor

Si vous avez déjà vu une maison russe traditionnelle, vous aurez remarqué que ses façades sont ornées d’une sculpture sur bois. L’objectif d’un tel style n’est pas qu’un amour pour la décoration – il ne faut pas oublier que, dans le passé, chaque symbole et dessin avait sa signification sacrée. Pour se protéger contre le mauvais œil, les Slaves plaçaient sur les fenêtres de leurs maisons des chambranles. Au centre, était placée un demi-cercle avec des rayons – le Soleil, principal symbole de la vie. Au sommet, on pouvait voir un cheval – symbole du dieu Péroun – ou un coq – oiseau qui, considérait-on, chassait les ténèbres habités par les mauvais esprits. En outre, les rideaux avaient eux aussi un rôle dans la lutte contre la malédiction, cachant aux regards étrangers les intérieurs de l’habitat.

La sculpture sur bois ornait en outre d’autres parties de la façade, notamment l’entrée et le toit. Dans les régions septentrionales, on sculptait des figurines de cygnes (patron de l’eau), de cerfs (protecteurs du clan), des têtes de cheval, mais aussi des bêtes fantastiques aux gueules ouvertes ou à cornes (protecteurs des frontières entre les deux mondes). Dans le Sud, les décors étaient moins exotiques, d’habitude des chevaux.    

Or, il n’est pas rare de voir ces symboles préchrétiens également sur les façades des maisons rustiques contemporaines.

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Vêtements-protecteurs

Pour protéger l’homme contre les mauvais esprits, on couvrait en outre ses vêtements de différents dessins et motifs. La broderie couvrait le col, les manches, la taille et il était considéré que les tenues cousues et brodées par les proches possédaient une force protectrice particulière.

Le cercle avec une croix à l’intérieur (contre le mauvais œil), des spirales (symbole de l’Univers), le croissant (fertilité de la terre), les épis (bien-être) étaient considérés comme des symboles sacrés chez les Slaves. Il n’était pas rare aussi qu’on brode des dieux slaves : Mokoch (maîtresse de la maison) avec une quenouille, Rojanitsa (protectrice de la perpétuation), Svarog (protecteur des artisans), Veles (protecteur des paysans). Brodés également sur des coussins, des symboles étaient censés protéger les gens contre les cauchemars nocturnes. Parmi toutes les couleurs, c’est le rouge, considéré comme le plus puissant, qui prédominait.

Mais des motifs protecteurs couvraient également les bijoux en bois ou métalliques portés par les femmes – bracelets, diadèmes avec bijoux de tempe...

Une poupée en renfort

Les Slaves considéraient que le plus difficile était de défendre les nouveau-nés contre le mal, si bien qu’outre avec les vêtements brodés, ils les protégeaient avec une poupée en tissu sans visage. Ces jouets étaient vêtus de tenues traditionnelles et leurs têtes étaient bandées avec des fils rouges.

Par ailleurs, on offrait des poupées-protectrices aux jeunes mariés et aux femmes enceintes. Au lieu du visage, une croix – symbole du Soleil – était souvent brodée.

Seules les femmes étaient autorisées à faire des poupées. Elles ne pouvaient être confectionnées qu’à partir de vêtements usés et il était interdit de couper le tissu avec des ciseaux.

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La nature contre le mal

Comme beaucoup d’autres peuples, les Slaves croyaient en la force protectrice de la nature et demandaient son aide. Le moyen le plus simple était de se baigner ou de se laver dans une rivière dont les eaux emportaient toute l’énergie maléfique. En outre, sauter par-dessus du feu permettait, croyait-on, de guérir, les flammes brûlant toutes les maladies.  

Le sel était un autre élément protecteur – placé à l’intérieur d’un sachet, on le gardait sur soi. Pour protéger la maison de l’intérieur, on y accrochait des branches d’armoise. Cette plante en outre était censée protéger les voyageurs et assurer leur retour à la maison.

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