Dix excellents romans pour mieux comprendre l'histoire russe

Le Carrefour; Russia Beyond
Si vous pensez que lire des livres d'histoire est ennuyeux, peut-être vaut-il mieux essayer d'apprendre l'histoire russe par le biais de romans. Du XVIe au XXe siècle, voici 10 livres qui rendent compte de la réalité du passé russe.

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Le Prince Serebriany, par Alexis Tolstoï (1862)

Le Prince Serebriany, écrit par Alexis Tolstoï, est un roman sur l'époque du tsar Ivan le Terrible (1530-1584). Il est centré sur les exploits et les aventures de Nikita Serebriany, un prince russe fictif entouré de personnages réels de l'époque, dont le tsar Ivan lui-même, son cercle étroit d'opritchniki (une secte de guerriers mi-religieuse), et d'autres personnalités.

Basé sur des sources et la littérature historiques, le roman est loué pour sa grande précision historique et offre un aperçu dramatique de l'époque. L'image du tsar Ivan, à la fois cruel et pieux, est particulièrement saisissante.

Eugène Onéguine, par Alexandre Pouchkine (1833)

Ce roman en vers, écrit par Alexandre Pouchkine, est souvent qualifié d’« encyclopédie de la vie russe » pour une raison. Eugène Onéguine, un chef-d'œuvre de 5 446 lignes, contient une description exhaustive du monde d'un noble russe des années 1830, avec tous ses problèmes, ses inquiétudes et ses malheurs, des affaires financières et civiles à la vie amoureuse en passant par les questions d'honneur et les conflits existentiels.

Le roman est centré sur le parcours de vie du personnage éponyme, qui défie son meilleur ami en duel, transgresse cyniquement les normes de la société, mais finit par être arrêté dans son élan par le contrecoup de sa propre attitude.

Il s’agit d’un récit complexe et magnifiquement conçu de la chute d'un dandy. Alexandre Pouchkine l'a qualifié de son plus grand chef-d'œuvre.

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Le Revizor, par Nicolas Gogol (1835)

Pièce comique à la fois hilarante, tragique et perspicace, Le Revizor se focalise sur Khlestakov, un petit fonctionnaire qui décide de jouer un tour à l'administration d'une modeste ville de province en Russie : il se fait passer pour un inspecteur du gouvernement, alors qu'en réalité, il n'est qu'un escroc de passage.

Khlestakov est témoin de tous les niveaux de corruption et de flatterie pure et simple que les fonctionnaires locaux et les membres de la société pratiquent pour le mettre dans leur poche, pensant qu'il est celui qui définira leur destin futur. Dans une danse macabre de divers personnages dégoûtants et comiques, le génie fascinant de Nicolas Gogol montre au lecteur tous les aspects mystérieux de la vie provinciale russe du XIXe siècle.

Après avoir assisté à la première de la pièce, l'empereur Nicolas Ier a déclaré : « Quel spectacle ! Tout le monde a eu sa part [de critiques], mais moi – plus que tous ! ».

Un héros de notre temps, par Mikhaïl Lermontov (1840)

« Un héros de notre temps, messieurs, est en fait un portrait, mais pas d’un individu ; c'est l'ensemble des vices de toute notre génération dans leur expression la plus complète », a écrit Mikhaïl Lermontov dans l'avant-propos de son ouvrage.

Le roman est centré sur Petchorine, un personnage qui contredit mais complète l'image d'Eugène Onéguine de Pouchkine – il est lui aussi dandy, mais sombre, byronien, et l'histoire de sa vie est tragique et tordue. L'intrigue du roman n'est pas linéaire, ce qui ajoute au dramatisme.

Historiquement, le roman est une description fascinante de la vie des officiers russes dans le Caucase, et une histoire captivante sur le traitement par un noble russe de l'honneur et des relations avec les femmes. Il est écrit sur un ton unique et intemporel qui résonne encore aujourd'hui chez le lecteur.

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Récits de Sébastopol, par Léon Tolstoï (1855)

En 1854-1855, Léon Tolstoï, officier de l'armée russe, était présent lors du siège de Sébastopol, qui a eu lieu pendant la guerre de Crimée. Il a survécu à de nombreux bombardements et a participé aux combats. Les Récits de Sébastopol, première œuvre de Tolstoï largement diffusée, ne sont pas de la fiction mais plutôt les rapports d'un correspondant de guerre – le premier ouvrage de ce genre dans l'histoire russe.

Rédigés avec un grand souci du détail et sans aucune crainte ni remords, les trois « Récits » restituent exactement ce qu’a été la présence de Tolstoï lors de l'un des sièges les plus dramatiques de l'histoire de l'armée russe, qui a finalement été vaincue. Ici, Tolstoï montre l'horreur et le terrible gâchis de la guerre.

Les Douze chaises, par Ilya Ilf et Evguéni Pétrov (1928)

Roman satirique (et vraiment hilarant), Les Douze chaises s’inscrit dans les années 1920 en Union soviétique et suit le protagoniste, l'escroc Ostap Bender, dans sa quête pour trouver des bijoux cachés dans l'une des douze chaises d’un ensemble de meubles – mais il ne sait pas avec certitude laquelle !

Malgré le fait que le roman soit assez court, il parvient à montrer l'univers de la réalité soviétique primitive avec humour, esprit et détails captivants. Les personnages vivent des aventures dans une ville de province russe, se mêlent à la foule lors d'une vente aux enchères de meubles à Moscou, voyagent à bord d'un bateau touristique et se retrouvent à festoyer à la frontière russo-géorgienne...

Le roman était et est toujours très populaire parmi les Russes pour son énergie et son style d'écriture fluide. Les mêmes personnages poursuivent leurs exploits dans la suite du roman, Le Veau d'or (1931).

Le Premier Cercle, par Alexandre Soljenitsyne (1968)

En 1945, Alexandre Soljenitsyne a été condamné pour activités antisoviétiques et a passé près de huit ans dans des prisons, des camps de travail et d'autres institutions pénales. Pendant une partie considérable de sa peine, Soljenitsyne, mathématicien, a été emprisonné et a travaillé parmi d'autres scientifiques dans plusieurs charachkas – des laboratoires de recherche secrets au sein du système de camps de travail du Goulag.

Les dures expériences vécues par Soljenitsyne dans ces institutions sont à la base de ce roman largement autobiographique. Le nom même de cette œuvre implique que l'auteur n'a vu que le premier cercle de « l'enfer soviétique » qu'était le système du Goulag.

Soljenitsyne a écrit ce roman sans aucun espoir de publication, il est donc plein de détails de la vie réelle qui rendent à l'appareil d'oppression soviétique la justice qu'il méritait. La plupart des personnages sont inspirés d'autres condamnés que Soljenitsyne a rencontrés au Goulag.

Des exemplaires du roman, distribués par des canaux de samizdat (ouvrages auto-publiés) non officiels et illégaux, ont été traqués et confisqués par le KGB. Le roman a finalement été publié dans son intégralité en 1968 par Harper & Row, à New York, mais ce n’est qu’en 1990 qu’il le sera en URSS.

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Récits de la Kolyma, par Varlam Chalamov (1966-1978)

Varlam Chalamov a effectué un séjour en camp de travail beaucoup, beaucoup plus dur que Soljenitsyne – il a purgé deux peines, d'abord en 1929-1931, puis en 1936-1951. Il a en effet été condamné à deux reprises pour activités antisoviétiques. De 1937 à 1945, Chalamov a été emprisonné dans des conditions des plus difficiles dans les mines de charbon et d'or de la région arctique de la Kolyma (Extrême-Orient russe).

Les Récits de la Kolyma ont été publiés en partie en 1966 et 1967 aux États-Unis et en Allemagne, et dans leur intégralité en 1978 à Londres. Du vivant de l'auteur, aucune de ses œuvres n'a été publiée en URSS.

Les Récits de la Kolyma se composent de six volumes de nouvelles, parfois reliées entre elles par les mêmes personnages. Il s'agit en partie d'un documentaire relatant la réalité dont Chalamov a été témoin, mais il s'appuie également sur des histoires qu'il a entendues.

Le style de Chalamov, très frugal et précis, est quelque peu similaire à celui de Tchekhov. La matière factuelle des récits est surtout brutale, parfois horrible, pleine d'événements monstrueux de cruauté et d'inhumanité dont les détenus ont réellement souffert au Goulag. Cela laisse le lecteur essoufflé, mais Chalamov se retient de porter des jugements, laissant cela au lecteur.

Il ne serait pas exagéré de dire que sans la lecture des Récits de la Kolyma, on ne peut se représenter la véritable horreur du Goulag.

Moscou-sur-Vodka, par Venedikt Erofeïev (1973)

L'un des rares livres sur la réalité soviétique qui soit devenu largement connu et célèbre en dehors de l'URSS, Moscou-sur-Vodka a été qualifié par son auteur de poème, bien qu'écrit en prose. Il raconte l'histoire d'un intellectuel alcoolique qui voyage en train de banlieue de Moscou à la ville de Petouchki pour rendre visite à sa fiancée et à son enfant.

Selon l'intrigue du roman, le protagoniste est tout le temps ivre, mais il ne s'agit pas d'un moment joyeux – Moscou-sur-Vodka est l'histoire tragique de la vie d'une personne détruite dans la société inhumaine d'un État soviétique en faillite. Il aborde tous les aspects de la vie soviétique avec un humour amer, une franchise pince-sans-rire et l'attitude d'un paria social snob et très instruit qu'était Erofeïev lui-même.

Moscou-sur-Vodka est également considéré par beaucoup comme un manuel du langage obscène russe.

Homo zapiens, par Viktor Pelevine (1999)

Viktor Pelevine, l'un des écrivains russes modernes les plus secrets et les plus reclus, a probablement écrit Homo zapiens dans les années 1990. Le roman parle des Russes nés dans les années 1970, qui étaient déjà adultes au moment de l'effondrement de l'URSS, la première génération à avoir fait face à la nouvelle réalité économique et politique des années 1990.

Le protagoniste, Babylen Tatarski, un jeune homme instruit, diplômé de l'Institut littéraire Maxime Gorki, devient rédacteur, produisant des slogans publicitaires, puis « créateur » d'émissions de télévision. Tatarski comprend qu'il est l'un des manipulateurs qui peuvent nourrir les téléspectateurs de presque tout. En embrassant son pouvoir, Tatarski commence alors à chercher le vrai sens de la vie, pour ensuite réaliser que tout est gouverné par les sombres dieux mésopotamiens de l’ancien temps. Aidé dans sa quête par les drogues psychédéliques, Tatarski tente de résoudre les énigmes du consumérisme intellectuel.

Homo zapiens est un texte postmoderne et animé qui se concentre plus sur l'intrigue et le sujet que sur l'écriture elle-même, et en tant que tel, est légèrement différent d'un livre russe « habituel ». Néanmoins, comme l'a affirmé le critique littéraire Pavel Bassinski, le roman est très fiable et pourra, même dans cent ans, permettre au lecteur de comprendre la vie des Russes dans les années 1990.

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