Cinq films classiques qui ont changé l'industrie cinématographique russe

Leonid Gaïdaï/Mosfilm, 1968
Richard Wess, créateur de Russian Film Hub, une collection en ligne de centaines de films russes sous-titrés en anglais, nous fait part de cinq classiques qu'il aime et que vous ne connaissez peut-être pas, mais qui englobent l'éclat éternel du cinéma russe.

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De grands cinéastes ont prospéré en Russie et en Union soviétique, créant des œuvres singulières qui ont continuellement fait avancer cette industrie. Parmi eux, les réalisateurs les plus connus en dehors du pays sont Tarkovski, Eisenstein et Vertov, cependant, il en existe d'innombrables autres qui ont joué un rôle essentiel dans l'histoire du cinéma russe et qui méritent votre attention. Voici mon top 5 des grands classiques moins connus.

La Revanche du caméraman (1912)

Pour dire les choses simplement, le cinéma russe n'a pas commencé avec Eisenstein. Avant la Révolution russe, les cinéastes étaient occupés à expérimenter des films documentaires et artistiques. Un réalisateur néanmoins, Ladislas Starewitch, était en train de donner le coup d'envoi de l'illustre tradition d'animation russe.

Starewitch a été le pionnier d'une forme d'animation en stop motion utilisant des insectes morts et conservés. Son œuvre la plus célèbre, La Revanche du caméraman, mettait en vedette des insectes si réalistes que le public était convaincu que Starewitch en avait dressé des vivants. Cela prouve que la façon dont il a anthropomorphisé ces animaux et leur a donné des caractéristiques humaines était complètement en avance sur son temps. Pour s'en convaincre, il suffit de voir comment La Revanche du caméraman surpasse de loin les premiers travaux d'animation que Disney a entrepris une décennie plus tard.

Le film raconte l'histoire des aventures extraconjugales d'un couple, M. et Mme Coléoptère. Après que le mari a attrapé et pardonné « gracieusement » à sa femme un rendez-vous galant avec un artiste caméraman, ce dernier, délaissé, montre alors des images de la propre liaison de M. Coléoptère à tout le monde, au cinéma local des insectes. De toute évidence, le mari lui-même n'a pas pu respecter les normes morales élevées qu'il attendait de sa femme.

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Aelita (1924)

Les années 1920 sont sans aucun doute la période la plus vénérée de l'histoire du cinéma russe. À cette époque, le cinéma était le grand art de la Révolution : politiquement explosif et très intellectuel. Ainsi, les innovations révolutionnaires russes qui ont alors été mises en œuvre ont influencé la cinématographie dans le monde entier. Les Russes ont notamment développé la théorie et la technique du montage – la sélection, l’édition et l'assemblage des différentes sections d'un film.

Une autre grande innovation soviétique, menée par Aelita du réalisateur Iakov Protazanov, a été le développement du genre de la science-fiction. Aelita a été le premier film à dépeindre un vol spatial et une société extraterrestre. De plus, ses décors et ses costumes martiens constructivistes, ainsi que sa bande sonore unique, ont ouvert la voie à l'esthétique et à la musique que les gens du monde entier attendaient de la SF.

Dans ce classique, un ingénieur soviétique nommé Los rêve de construire un vaisseau spatial pour se rendre sur Mars. Dans le même temps, il soupçonne sa femme de le tromper et la tue. Poursuivi par des détectives, il s'échappe de la ville à bord de son vaisseau spatial. Sur Mars, Los tombe amoureux de la princesse Aelita, qui ressemble à Cléopâtre, et organise un soulèvement de type bolchévique au sein de la classe populaire martienne. Cependant, la révolte révèle les vraies couleurs non-communistes d'Aelita.

Tchapaïev (1934)

Dans les années 1930, une révolution culturelle a conduit au réalisme socialiste, qui est devenu le mode dominant de la réalisation de films en URSS. Le réalisme socialiste était officiellement approuvé par le gouvernement et soutenait que l'art devait représenter la vie quotidienne. La seule réserve était toutefois que la vie et l'avenir devaient être montrés sous un jour positif : quelque chose qu’il fallait attendre avec impatience.

Sous ces directives strictes, la qualité de la réalisation des films en a souffert. Pourtant, certaines œuvres intéressantes de l'époque ont été très bien accueillies. La plus populaire d’entre elles a été Tchapaïev. Ce long métrage a conservé son statut de film culte jusqu'à nos jours, en grande partie grâce à ses dialogues accrocheurs et à ses citations.

Le personnage, Tchapaïev, est un homme analphabète qui est devenu un brillant commandant de l'Armée rouge pendant la guerre civile. Il meurt en héros à l'écran, cimentant ainsi la réintroduction du héros individuel dans le cinéma russe. Alors que dans les films soviétiques des années 1920, comme Le Cuirassé Potemkine, les masses anonymes étaient les héros, dans Tchapaïev, nous retrouvons en effet un individu charismatique et courageux occupant le devant de la scène.

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Le Bras de diamant (1969)

Après la mort de Staline en 1953, une nouvelle période de la vie soviétique a commencé – le dégel. Cette époque, marquée par le premier mandat de Khrouchtchev, a conduit à une plus grande ouverture de la vie culturelle. Des œuvres auparavant interdites ont été diffusées et, au lieu du réalisme socialiste, les cinéastes se sont efforcés d'être crédibles. Cependant, les espoirs suscités pendant le dégel ont été progressivement anéantis une fois que Khrouchtchev a quitté le pouvoir.

Dans l'ère de répression artistique qui a suivi, appelée période de « stagnation », les comédies sont devenues le genre le plus populaire d'URSS et une nouvelle voie de subversion. Le roi des comédies à cette époque était le réalisateur prolifique Leonid Gaïdaï, dont le film le plus populaire s’est avéré Le Bras de diamant. Lorsqu'un modeste comptable soviétique nommé Semion part en croisière touristique à Istanbul, une histoire folle débute lorsque des contrebandiers lui enveloppent par erreur le bras avec un faux plâtre plein de diamants. Bientôt, Semion travaille avec la police pour déjouer ce réseau de malfaiteurs, qui tentent de récupérer leurs pierres précieuses dans une série de scénarios farfelus.

Le fait est que Semion est un personnage complètement terrorisé, incapable d'agir de son plein gré. Même son voyage à l'étranger n'a eu lieu que parce que sa femme l'a forcé à partir. Nous ne voyons Semion se libérer qu'avec l'aide de l'alcool. Saoul dans un restaurant haut de gamme, il s'empare par exemple de la place du groupe musical et exécute un numéro absurde appelé Une Chanson sur les lièvres. Dans cette chanson, des lièvres lâches, qui vivent dans une forêt dangereuse, sortent le soir pour chanter qu'ils ne se soucient de rien et qu'ils « deviendront braves comme un lion courageux ». En chantant cela, Semion appelait en réalité les spectateurs de films soviétiques à être indifférents à l'autorité et à devenir ce qu'ils étaient censés être.

La Commissaire (1967/1986)

La Commissaire est un film de 1967 tellement assailli par les problèmes de censure qu'il n’a été présenté qu'en 1986, sur ordre de Gorbatchev. De ce fait, il est malheureusement la première et la seule œuvre de son réalisateur, Alexandre Askoldov. Le principal problème que les autorités ont eu avec lui était sa représentation non héroïque de la cause bolchévique dans la guerre civile.

Le rôle principal du film, Vavilova, est une femme commissaire impitoyable qui a servi dans l'Armée rouge pendant ce conflit. Sa carrière militaire a cependant été interrompue lorsqu'elle est tombée inopportunément enceinte. Pendant sa grossesse, elle séjourne chez une famille juive aimante et gentille, les Magazanik. Toutefois, des problèmes se posent. Il est clair que les enfants des Magazanik sont affectés par le monde violent qui les entoure et le jour où Vavilova arrive, ils sont occupés à reproduire un pogrom avec des poupées.

Or, les enfants des Magazanik ne sont pas les seules victimes. En raison de son zèle idéologique, Vavilova abandonne elle-même son nouveau-né pour rejoindre son unité. Tout cela, juge clairement le film, est un gâchis. Comme le montre une scène mémorable, c'est comme si on récoltait le désert avec des faux. Ainsi, La Commissaire remet en question le mythe classique du héros soviétique de la guerre civile.

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