Une centaine d'événements ont eu lieu dans le cadre du projet L’année franco-russe du tourisme culturel, qui s’est déroulé sur la période d’un an et demi : expositions, conférences, tables rondes, séminaires, spectacles, visites de presse... L'accent a été mis sur le développement de nouveaux itinéraires touristiques thématiques consacrés à l'histoire séculaire de la coopération entre la Russie et la France et à l'établissement de contacts directs entre les institutions culturelles des deux pays.
« Cette année aura vraiment permis de renforcer les liens entre nos deux populations sur des aspects souvent méconnus de nos cultures respectives, a ouvert de nouvelles perspectives pour la coopération et nous avons déjà commencé à travailler sur des projets nouveaux pour l’année qui s’ouvre », a souligné dans son intervention au Forum Florence Mangin, directrice de l’Europe continentale au ministère français des Affaires étrangères.
Bilan d’une année et demie de coopération fructueuse
L’ambassadeur de la Russie en France Alexeï Mechkov a cité parmi les grandes réussites de l’année écoulée l'exposition la plus visitée en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, Icônes de l'art moderne. La collection Chtchoukine à la Fondation Louis Vuitton de Paris et une exposition conjointe du château de Versailles et du musée d’État de l’Ermitage,Pierre le Grand, un tsar en France. 1717.
Il a également rappelé, qu’en cette année du tricentenaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Russie et la France, la personnalité de Pierre le Grand a fait l'objet de nombreux projets russo-français, parmi lesquels on retrouve le Congrès pétrovien international et la cérémonie solennelle de remise du buste de Pierre le Grand à l’Académie française.
De son coté, Alla Manilova, vice-ministre de la Culture de la Fédération de Russie a remarqué que la réalisation de cette année croisée a donné une impulsion très puissante pour le développement de nos relations humaines et notamment pour la relance des flux touristiques entre les deux pays, ce qui profite au renforcement de nos économies.
« Selon les données officielles, pour la première moitié de l'année, la croissance du flux des touristes français en Russie est de 4,8%, le flux des touristes russes en France a augmenté de 28% par rapport à la même période de l’année dernière. Depuis 2014 c’est la première fois qu’on observe enfin une croissance des flux touristiques. Selon les données des professionnels du tourisme (basés sur les nuitées réservées), au cours des 9 derniers mois, le nombre de touristes français venant en Russie a augmenté de 9,5%, et celui des Russes en France de 29,8%, par rapport à l’année précédente. Ces résultats nous indiquent que nous sommes sur la bonne voie avec nos partenaires français », a noté Alla Manilova.
Jumelage entre des monuments
Une attention particulière a été portée au jumelage tout à fait inédit entre quatre monuments français et quatre monuments russes, représentatifs du patrimoine des deux pays, dont l’accord a été signé par le Centre des Monuments Nationaux (CMN) en 2016.
Ce sont la Nécropole royale de la basilique de Saint-Denis et la forteresse de Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg, le château de Champs-sur-Marne et le manoir de Kouskovo à Moscou, la maison de George Sand à Nohant et la maison de Tolstoï à Moscou, la villa Savoye construite par Le Corbusier à Poissy et la maison de l’architecte Melnikov à Moscou.
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Dans le cadre de ces jumelages, les partenaires se sont engagés à développer la collaboration entre ces monuments par des activités variées dans la promotion réciproque de leurs sites en Russie et en France, à des fins de connaissance scientifique et de développement du tourisme, d’échanges de bonnes pratiques et d’élaboration de projets culturels partagés.
Depuis le lancement de cette opération quelques projets ont déjà vu le jour. Dans le cadre de la convention signée avec le Musée national d’histoire de Saint-Pétersbourg, la Nécropole impériale de la cathédrale Pierre-et-Paul a accueilli une exposition de photographie de Jean-Christophe Ballot, intitulée Les dormeurs de Saint-Denis.
L’ambiance mystérieuse de l’église gothique y a été présentée à travers 40 photos en noir et blanc de vues panoramiques et de fragments de sépultures prises à l’intérieur de la Basilique.
« L’ensemble des portraits des souverains gisants de la basilique Saint-Denis nous a donné le sentiment que François Ier et Catherine de Médicis étaient arrivés presque vivants à Saint-Pétersbourg à l’automne 2016 », a noté Anne-Isabelle Vignaud.
En retour, la basilique cathédrale de Saint-Denis accueille en ce moment-même l’empreinte impressionnante de la main du tsar Pierre le Grand dans le cadre de l’exposition Les Romanov à Saint-Pétersbourg, d’une nécropole à l’autre.
Au printemps dernier la villa Savoye de Poissy, construite par l’architecte Le Corbusier accueillait une exposition, consacrée à l’architecte Konstantin Melnikov. Ce jumelage avec le musée Chtchoussev de l’architecture de Moscou et la maison Melnikov s’est établi en écho à l’amitié qui liait Le Corbusier (1887-1965) et Melnikov (1890-1974).
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Les deux architectes se sont en effet rencontrés en 1925, alors que Konstantin Melnikov achevait la construction du pavillon soviétique de l’exposition internationale des Arts décoratifs et industriels de Paris en 1925. À l’occasion de cette rencontre, Le Corbusier a ainsi fait visiter dans un grand tour en voiture à son homologue russe chacune de ses constructions réalisées.
L’exposition a permis de faire découvrir l’œuvre de Melnikov – pavillons d’exposition, maisons du peuple, garages et quelques projets non réalisés, en regard de la villa Savoye, à travers une série de reproductions exposées en extérieur, et de présenter la maison Melnikov à travers une série de dessins et photographies projetées à l’intérieur même de la villa Savoye.
En outre, au printemps dernier le manoir de Kouskovo de Moscou accueillait un ensemble de costumes du XVIII siècle de la collection de Nathalie Harran, préalablement présenté au château de Champs-sur-Marne.
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En échange, l’exposition Kouskovo dresse la table à Champs : Un service impérial d’exception a été inaugurée le 8 décembre au château de Champs-sur-Marne avec des objets issus du manoir des comtes Cheremetiev, également musée national de la céramique.
« Les conservatrices du département des céramiques sont arrivées il y a quelques jours avec dans leurs bagages le service fleuri de la tsarine Catherine II. 126 pièces de porcelaine et de verrerie à quelques jours de Noël, c’est l’invitation aux arts de la table et un beau symbole de l’amitié franco-russe », a souligné la représentante du CMN.
Cette exposition présente le Service de Chaque Jour, destiné à l'usage personnel de Catherine II. Ce service de table, créé à l'Usine impériale de porcelaine de Saint-Pétersbourg entre 1770 et 1790, a ensuite fait l’objet de compléments jusqu'aux années 1830.
La boutique du château se joint également à cette grande manifestation en proposant aux visiteurs des objets festifs fabriqués en Russie.
La maison de George Sand à Nohant et la maison de Tolstoï à Moscou prévoient quant à elles un échange d’expositions de photographies portant sur les recherches historiques et littéraires, dans le but de mieux saisir les liens entre Georges Sand et ses contemporains russes.
Ces jumelages portent une grande diversité de projets : histoire, patrimoine, architecture contemporaine, beaux-arts, arts décoratifs, photographie, littérature, arts de la table.
Les reliques de la Sainte-Chapelle au Kremlin, Fabergé au Grand Palais
Les participants de ce Forum, qui clôturait l’Année franco-russe du tourisme culturel, ont également évoqué le succès de l’exposition Saint-Louis et les reliques de la Sainte-Chapelle présentée dans les musées du Kremlin à Moscou, qui a accueilli près de 120 000 visiteurs en 2017.
Les intervenants ont prêté une attention particulière aux préparatifs du bicentenaire de Marius Petipa, le danseur, maître de ballet et chorégraphe français qui a vécu et travaillé en Russie de l’âge de 29 ans jusqu’à sa mort. Par le décret du président russe, l’an 2018 en Russie sera dédié à ce grand homme qui a créé, en soixante ans de carrière, presque tout le répertoire du ballet classique russe. À 72 ans il a mis en scène son chef-d’œuvre majeur – le ballet La Belle au bois dormant. Une série d’évènements, liés à la danse classique et aux itinéraires des Ballets russes est prévue en Russie et en France pour célébrer cet artiste hors du commun.
« Nous avons une année qui a jeté de nouvelles bases pour notre coopération et nous espérons vraiment que sur ces liens qui ont pu être renouvelés au cours de cette riche année, on va pouvoir continuer d’avancer sur cette voie. On a déjà des projets en route avec la rétrospective du peintre Chaïm Soutine au Musée Pouchkine et l’exposition Fabergé au Grand Palais. Je suis convaincu que la richesse de notre patrimoine, nos cultures, les échanges humains qui existent entre nos deux pays doivent nous permettre de trouver encore d’innombrables et nouvelles invitations au voyage », a résumé dans son intervention Laurent Bili, directeur général de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international du ministère français des Affaires étrangères.