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« Usine de Pierre », c’est ce que signifie le nom de la capitale de la Carélie, que j’ai choisie pour destination en février 2020. Contrairement au pogost de Kiji, considéré comme la véritable perle de cette république qui s’étend de la mer Blanche à la Baltique, Petrozavodsk, ville compactant quelques 270 000 habitants, ne présente presque aucune particularité architecturale. Fondée au début du XVIIIe siècle par Pierre le Grand, souverain dont elle porte fièrement le nom, elle avait en effet pour objectif initial de servir de fonderie destinée à la fabrication d’armes.
Étudiant depuis déjà plusieurs mois en Russie, je souhaitais voyager au-delà de Saint-Pétersbourg, seul, pour en faire une expérience unique. La Carélie était un lieu idéal pour sentir le dépaysement sans pour autant nécessiter un trajet trop long pour s’y rendre. Mon niveau de russe était déjà assez acceptable pour me débrouiller et être autonome et voilà qu’après avoir contemplé les forêts de bouleaux sous la pluie que mon train traversait sereinement pendant cinq heures, j’arrivais à Petrozavodsk, ville ne présentant à première vue rien de bien harmonieux.
Il tombait une forte pluie qui donnait un certain aspect apocalyptique à cette ville, peu animée par cette journée d’hiver. Après avoir déposé mes affaires dans un hôtel de fortune, je me suis décidé à longer l’Onega, le second lac d’Europe en termes d’étendue, sur la rive duquel se dresse la cité. S’étendant à perte de vue, telle une mer, il s’offrait à moi gelé et désert.
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En contraste avec le milieu urbain peu esthétique, le paysage le long des berges était absolument magnifique. Le lac apparait si vaste qu’on peut l’observer jusqu’au bout de l’horizon. J’ai beau avoir foulé des lacs gelés à des dizaines de reprises lors de mon séjour en Russie, chaque fois que j’en ai à nouveau l’occasion j’en tire la même satisfaction. Dans cet univers nuancés de gris et de bleus, c’est une sensation très spéciale que de se perdre dans l’horizon infini et de marcher sur les eaux figées. Dans le petit port de Petrozavodsk, le long duquel sont curieusement installées des dizaines de machines de musculation en plein air, des bateaux de pêche énormes semblent comme incrustés dans la glace, attendant que la vie reprenne son cours si cet éternel hiver prend un jour fin.
Malgré quelques structures et édifices sur les berges, rien ne me semble prévu à destination des touristes dans cette ville jumelée avec La Rochelle. Malheureusement, les deux seuls musées intéressants sur place étaient fermés le jour de mon arrivée. La réceptionniste de mon hôtel était même surprise qu’un Français fasse tout ce chemin pour visiter Petrozavodsk. En dépit de tout cela, il y a un certain charme à se promener le long de maisons vétustes et dans ces rues boueuses par une journée d’hiver. Après une pause dans un café local, j’avais un regain de motivation à visiter les églises locales et même regarder un entraînement de football de jeunes sur un terrain délabré. De par son climat doux et son absence d’activité, c’est un endroit très calme et reposant pour un séjour court. Le temps là-bas ne défile pas. La ville est comme suspendue indéfiniment dans cet hiver pluvieux, maussade, mais apaisant.
Expédition pour découvrir l’île de Kiji
Le lendemain m’attendait une journée davantage excitante. Avant même de me rendre à Petrozavodsk, j’avais projeté de visiter l’île de Kiji, située sur le lac Onega et dont la réserve naturelle ainsi que le musée figurent au sein du patrimoine de l’humanité établi par l’UNESCO. Initialement, je me voyais effectuer ce voyage en bateau, n’ayant pas pu penser qu’un lac de cette ampleur serait entièrement gelé en hiver. Un changement de plan qui allait m’entrainer dans une mémorable aventure.
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Avant d’entreprendre cette traversée du lac, j’ai ainsi dû me rendre à Velikaïa Gouba, un minuscule village de 1 000 habitants à 260 kilomètres de Petrozavodsk. Les conditions climatiques nous poussaient en effet à partir de cette lointaine bourgade accessible uniquement après avoir roulé près de 3h30 dans les forêts de Carélie. Dehors, sous le ciel gris, seul le calme régnait dans les paysages, à travers lesquels je cherchais la présence de faune sans jamais en apercevoir.
C’est donc en aéroglisseur que me voici finalement, en compagnie de deux touristes moscovites et du guide, sur les eaux gelées du lac. À bord, l’on ressent une sensation particulière de vaste liberté de mouvement sur une immense étendue glacée. On se sent aussi loin de tout danger tant la conduite de ce véhicule est facile et sûre. Durant ces trente minutes de glisse, l’on croise de maigres îlots vides sur lesquels se tiennent parfois quelques sapins enneigés. Le trajet semble comme interminable avec à l’horizon le pogost tant attendu dont on ne s’approche jamais. En dehors de cela, la route s’avère calme, reposante et sans souci, les conditions climatiques étant idéales mis à part un vent puissant soufflant dans le sens contraire du véhicule. Nous arrivons enfin sur l’île de Kiji, sur laquelle l’on contemple déjà de loin ses édifices religieux à l’architecture unique. Sautant du véhicule sur la glace, nous ne tardons donc pas à poser le pied sur la terre promise.
La splendeur de l’église de la Transfiguration nous frappe en premier lieu. Bâtie sans le moindre clou, elle est ornée de 22 coupoles et garde en ses lieux des dizaines d’icônes orthodoxes. Du haut de ses 37 mètres, elle se fond avec harmonie dans l’ensemble du paysage du fait de son architecture entièrement en bois. Il en va de même pour l’église de l’Intercession, plus petite mais datant aussi du XVIIIe siècle. Après avoir admiré cet ensemble religieux au style artistique aussi poussé, l’on ne peut que s’incliner devant le savoir-faire de la population de Carélie et devant l’harmonie de l’ensemble du lieu.
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La visite de l’île quant à elle, je dois avouer, m’a relativement déçu. Malgré le terrible froid et le vent qui s’abattaient sur nous, nous sommes rentrés dans peu de bâtiments. D’ailleurs, je pense qu’il est préférable de visiter cet endroit en période estivale durant laquelle un temps ensoleillé embellirait d’autant plus les envions. Sur l’île, se trouvait une garde militaire armée, probablement pour la protection des bâtiments, mais sa présence rendait l’atmosphère un brin anxiogène.
À mi-chemin du retour sur le lac de glace, notre guide local nous a proposé un arrêt en pleine forêt pour déguster son thé chaud Ivan Tchaï (épilobe) et converser. C’était l’occasion pour moi de m’égarer dans les bouleaux enneigés, thé à la main, admirateur devant la beauté naturelle de la Carélie. C’est aussi une sensation particulière dans le sens où je me sentais enfin réellement isolé, en harmonie avec moi-même et surtout très loin des problèmes ou autres sujets de la vie quotidienne.
Mon séjour en Carélie s’achevait malheureusement ce soir-là, à regarder la Ligue des Champions dans un bar en compagnie de supporters russes plus ou moins intéressés par la compétition, mais dans une ambiance chaleureuse, et dont je garde un excellent souvenir. Je repartais le lendemain matin à partir du modeste aéroport militaire de Petrozavodsk, à destination de Moscou pour y reprendre mes études.
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Certes, un séjour hivernal en Carélie et à Petrozavodsk ne marque pas l’esprit comme pourrait le faire un voyage au lac Baïkal, mais c’est pour moi une sorte de « rêve » réalisé. J’avais depuis des années une légère fascination pour la Carélie et ses environs, qui ont su être relativement à la hauteur de mes attentes. Pour des touristes de passage à Saint-Pétersbourg, c’est l’endroit idéal pour y retrouver calme et sérénité au sein d’une nature merveilleuse, à seulement quelques heures de train.
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