Un désert de glace à perte de vue, un lac gelé sur des centaines de kilomètres, une glace tellement limpide qu’on peut y voir son reflet. Tel est le Baïkal, perle de Sibérie et mer sacrée des chamans de la région. À plus de 4 000 kilomètres de Moscou, non loin de la frontière mongole, ce lac est le plus ancien et le plus profond du monde.
L’idée de partir à la découverte de ces rives lointaines m’a en réalité été soufflée par le livre de Sylvain TessonDans les forêts de Sibérie, découvert il y a quelques années sur le conseil d’un ami. Désireux de renouer avec la nature, l’auteur effectue une escapade longue de plusieurs mois en Sibérie. Dans la solitude la plus profonde, il passera ses journées au bord du lac Baïkal à lire, écrire et admirer les paysages qui s’offrent à lui. La description de la quiétude de ce petit paradis caché au cœur des grandes forêts sibériennes m’a fascinée et m’a donné envie de mettre les voiles en sa direction. Plusieurs années se sont pourtant écoulées avant qu’une telle occasion ne se présente. Au printemps 2019, j’ai cependant profité des dernières semaines avant la fonte des glaces pour sauter dans un avion direction Irkoutsk, la plus grande ville sur les rives du lac, m’éloignant à 8 000 kilomètres de mon Maroc natal. Une première.
Irkoutsk: bienvenue en Sibérie
Dès mon arrivée, une tempête de neige recouvre Irkoutsk, le froid sibérien n’est donc pas un mythe. Fondée en 1661 par l'explorateur Iakov Pokhabov, cette ville de 600 000 habitants me surprend. À la différence de toutes les autres citées visitées dans ce pays, elle se distingue par un mélange d’architectures impériale et rustique. Le centre regroupe de somptueux bâtiments, hauts de deux étages seulement et abritant aujourd’hui encore théâtres, opéras et magasins. Non loin de là, des rues entières cachent de petites maisons russes en bois, restaurées et habitées jusqu’à nos jours. Il n’est que 20h00, mais les rues sont désertes, la tempête a dû chuchoter aux habitants de s’abriter chez eux. Nous rentrons, demain nous irons au lac, et il est impossible que le froid nous fasse changer de projets.
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Listvianka: premier arrêt au bord du lac
À peine montés à bord du bus qui nous emmène au petit village de Listvianka, nous plongeons dans la forêt sibérienne. La tempête de la veille semble s’être calmée et un beau Soleil fait scintiller la neige encore fraîche au pied des arbres. Au bout d’une heure, le paysage forestier cède sa place à une vaste étendue de glace. C’est donc ça, le Baïkal, ou Baïgal Nour comme l’appelaient ses premiers habitants.
À cinq fuseaux horaires de Moscou, le lac vit à son propre rythme. En effet, grâce à sa situation géographique, il gèle pendant une longue partie de l’année et ne fond qu’à la fin du printemps. La navigation est donc régie par les lois de la nature, mais l’Homme a réussi à les contourner en empruntant sa surface gelé comme une véritable route de glace : camions, voitures et aéroglisseurs cohabitent ici avec les traineaux de rennes et de chiens.
Nous marchons sur le lac pendant des heures sans pouvoir détacher notre regard des paysages. Le Soleil se couche et colore le ciel de mille et une nuances. Dès la tombée de la nuit, un vent glacial souffle, nous sommes en Sibérie ne l’oublions pas. « Vous venez de loin, reposez-vous. Le lac sera encore là demain », la réceptionniste devine notre émerveillement.
Rencontre insolite
Ce qui ne peut échapper à votre attention lorsque vous vous trouvez au bord de cette « mer » sibérienne, c’est l’abondance de rubans colorés ornant les troncs des arbres. Comme nous l’expliqueront nos nouveaux amis bouriates, il s’agit d’un rituel au cours duquel les représentants de ce peuple partagé entre croyances bouddhistes et chamaniques demandent aux puissances divines de protéger le lac ou le remercient pour le poisson qu’il leur donne, la pêche étant une activité importante pour les habitants de la région. Même en hiver, ils n’hésitent pas à creuser la glace pour en sortir le précieux omoul.
Résidant entre la Russie, la Mongolie et la Chine, cette ethnie milite pour la protection du lac et de la nature avoisinante, le Baïkal étant pour leur culture un point sacré autour duquel s’organisent des rites spirituels depuis la nuit des temps.
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Tout comme leurs aïeux, ils dansent autour d’un feu en chantant et récitant des prières rappelant les bruits de la nature et des cris d’animaux. Précédant d’habitude la saison de chasse, ces rituels peuvent durer toute la nuit. Au cours de cette danse ancestrale, les danseurs se tiennent par la main et tournent autour des flammes, envoyant un message de paix – en effet, en acceptant de danser ensemble, les habitants se pardonnent tous les conflits survenus par le passé.
Deuxième jour: le lac vu d’en haut
« Vous voulez monter à l’observatoire à pied ? C’est la première fois qu’on me demande ça. Grimpez la montagne, et vous le verrez tout au bout ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Nous gravissons la montagne pour rejoindre le centre astrophysique de la région. La montée aura duré 40 minutes et nous conduira à un point de vue imprenable sur le lac et les montagnes bouriates de l’autre rive.
Au plus près de la nature, nous prenons un moment pour contempler ce qui nous entoure. Le Soleil se glisse entre les arbres centenaires et fait fondre la neige sur leur feuillage. Nous apercevons les rails du Transsibérien qui longent le lac pour rejoindre Vladivostok. La rivière Angara s’offre également en spectacle, son fort courant l’empêchant de geler et traçant ainsi une ligne parfaite à sa frontière avec le lac.
Il suffit de tourner la tête pour apercevoir à quelques mètres de nous le plus grand télescope de la région. Il a élu domicile en 1980 au sein de l’observatoire astrophysique du Baïkal, en charge de l’étude du microclimat unique régnant par ici. Caché au milieu de la forêt, loin des villes et de la pollution lumineuse, il permet d’observer et de sonder les cieux dans toute leur splendeur.
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Olkhon: la plus grande île du lac
Notre prochaine destination est l’île d’Olkhon, à plus de 300 kilomètres au nord de Listvianka. Cinq heures de bus pour découvrir cette géante patinoire de toutes les nuances de bleu qui entoure l’île. La glace y est plus pure et plus limpide que tout ce que l’on avait vu auparavant. La plus grande île du lac abrite aussi plusieurs grottes gelées. Le tout, dans un silence nous laissant entendre les craquements de la glace. « N’ayez pas peur, le lac vous dit bonjour ! », nous crie une babouchka en voyant nos visages apeurés.
La quiétude, c’est sûrement ce que recherchent les milliers de visiteurs qui viennent ici chaque année, été comme hiver. Ce silence n’est troublé que par les grognements du lac, les chants des oiseaux ou les quelques 2 000 habitants de l’île qui sont toujours ravis d’accueillir des touristes et partager des moments chaleureux. L’île abrite également le rocher du chaman, symbole du lac que l’on retrouve sur les cartes postales. Si l’on observe bien le mariage du marbre et du graphite constituant le rocher, il forme un dragon semblant surveiller les vastes étendues aqueuses l’encerclant.
À région unique, savoir-faire uniques
Le soir, on nous propose de gouter du thé bouriate, du thé vert avec du lait … salé ! Surprenant mais délicieux. On visite également un petit atelier de joaillers. De jeunes artisans y polissent des pierres semi-précieuses, principalement des charoïtes qui se trouvent en abondance sur les rives du lac. Ensuite, en fonction de la taille de ces dernières, ils confectionnent des bijoux ou de petites figurines : statues chamanes, phoques ou oiseaux. Ils s’inspirent surtout de la nature qui les entoure.
Les jeunes artisans ne sont pas tous Bouriates, ils sont aussi Russes, Tatars et Kazakhs, mais sont tous nés dans la région. Ils viennent sur l’île à la recherche de petits boulots. Certains d’entre eux proposent même des excursions à pied ou en bateau dans les endroits les plus reculés du lac et nous confient qu’ils aiment observer les phoques au nord du Baïkal. Il n’y a pas beaucoup d’occupations pour les jeunes autour de ce réservoir d’eau, mais ces dernières années, de plus en plus de festivals sont organisés sur ses rives, à l’instar du festival de musique du Baïkal.
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Ce petit paradis perdu fascine par sa singularité, depuis plusieurs siècles, de nombreux peuples cohabitent autour du lac, essayant de ne pas briser son équilibre fragile.
Info box: partir au Baïkal sans se ruiner, c’est possible
Si vous êtes un-e habitué-e du voyage vous le savez déjà : un périple se prépare à l’avance. Bien entendu, il est préférable d’éviter les vacances scolaires russes et les jours fériés, les prix ayant tendance à doubler au cours de ces périodes. Le lac gèle de fin janvier à début avril, mais il est également intéressant de s’y rendre en été ou au moment de la fonte des glaces.
Irkoutsk :
- Les deux grandes villes à proximité immédiate du lac sont Irkoutsk et Oulan-Oudé. L’aéroport d’Irkoutsk est mieux desservi, les billets d’avion y sont nettement moins chers. Un trajet en taxi coûte entre 200 et 300 roubles (3 à 4 euros). Pour les très petits budgets, des bus desservent le marché principal de la ville (rue Baïkalskaïa).
- Irkoutsk est à l’heure de Pékin (5 heures de décalage avec Moscou, 7h avec Paris). Essayez donc de décaler votre sommeil à l’avance pour profiter un maximum de votre séjour. Des petites siestes de 20 minutes permettent également de se reposer sans perdre beaucoup de temps. Les nuits sans sommeil, vous pourrez ainsi admirer le ciel étoilé.
- Visites de la ville : Une ligne verte traverse la cité et mène aux sites d’intérêt les plus importants, il suffit de la suivre pour ne rien rater. Devant chaque monument, une pancarte explicative en russe, en anglais et en chinois vous détaille son histoire et ses particularités.
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Au bord du lac :
- Se rendre au Baïkal : Ne vous faites pas avoir par les nombreux taxis qui vous proposeront leurs services pour des sommes astronomiques. Des bus partent très régulièrement pour le petit village de Listvianka depuis la gare routière d’Irkoutsk ou la place du marché rue Baïkalskaïa (un trajet en bus vous reviendra à 2 euros à peine).
- Plus loin : Pour une parfaite immersion, vous pouvez rejoindre l’île d’Olkhon à 360 kilomètres de là. En hiver, des taxis proposent de traverser le lac (pour gagner du temps), attention encore une fois aux arnaques. Un bus peut vous y conduire pour 1 200 roubles (16 euros), le trajet durant cinq heures (il faut être patient).
Vous souhaitez plus d’informations pour organiser votre séjour à Irkoutsk et ses environs ? Retrouvez ici notre guide pour un week-end réussi sur les rives du Baïkal.