Quelle tenue vestimentaire pour les musulmanes de Russie?

Paradoxe : des régions russes interdisent de certaines tenues alors que d’autres en obligent le port.

Paradoxe : des régions russes interdisent de certaines tenues alors que d’autres en obligent le port.

Ramil Sitdikov / RIA Novosti
La Russie est l’unique pays au monde où les femmes, selon la région où elles habitent, peuvent être obligées de respecter un code vestimentaire ou au contraire se voir interdire de le suivre.

Pendant que les musulmanes de France défendent leur droit au port du burkini, les femmes iraniennes ont lancé la campagne My Stealthy Freedom contre le port imposé du voile islamique. Les unes et les autres protestent. Les premières pour le droit de porter ce qu’elles veulent. Les secondes pour le droit de ne pas porter ce qui leur est imposé par la législation de leur pays.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces deux campagnes pourraient se rejoindre en Russie. Selon le rapport du centre analytique américain Pew Research Center, la Russie est l’unique pays du monde à compter des territoires où les femmes se voient imposer une tenue religieuse et d’autres où suivre le code vestimentaire est interdit.

Le code vestimentaire en Tchétchénie

La République de Tchétchénie est l’unique région russe où les femmes doivent obligatoirement porter le voile. Bien qu’aux termes de la législation elles aient le droit de ne pas se conformer au code vestimentaire, dans la pratique les Tchétchènes n’apprécient pas du tout l’apparition d’une femme dans un lieu public « cheveux au vent ».

« La Tchétchénie implante ces dix dernières années des normes conservatrices de comportement et de tenue. L’initiative appartient au pouvoir local, mais elles sont énergiquement soutenues par la société », a indiqué à RBTH Vladimir Sevrinovski, spécialiste du Caucase et auteur d’un guide de voyage à travers la Tchétchénie.

En 2006, Ramzan Kadyrov, aujourd’hui chef de l’administration tchétchène et à l’époque premier ministre de la république, a déclaré en public que les femmes tchétchènes devaient se couvrir la tête.

En 2008, le port du voile islamique est devenu obligatoire dans les structures publiques et les écoles supérieures. Qui plus est, les femmes qui gardent la tête découverte se voient interdire l’entrée de ces établissements.

Le pays a connu plusieurs affaires à retentissement lorsque des femmes tchétchènes dont la tenue n’était pas conforme au code vestimentaire de la musulmane étaient attaquées par des tirs de paintball.

Les opérations étaient organisées avec l’aval des hauts fonctionnaires de la république par des volontaires qui sillonnaient les rues de Grozny (le chef-lieu de la Tchétchénie) à bord de voitures et tiraient par les vitres ouvertes contre toute femme sans voile ou en minijupe.

En outre, la Tchétchénie organise de temps en temps des actions appelant les femmes à respecter la charia (loi islamique, ndlr). Au début de cette année, l’organisation publique Iman a lancé l’action Soumets-toi à la volonté du Créateur. Les membres d’Iman distribuaient gratuitement des robes longues et des voiles dans les rues de Grozny.

Toutefois, les experts sont unanimes à estimer qu’un code vestimentaire ne doit être imposé qu’aux adultes. « Celles qui sont enfants aujourd’hui sont élevées depuis la maternelle selon les lois de la charia : nous verrons de plus en plus souvent non seulement le hidjab, mais aussi des vêtements volontairement austères », a indiqué Vladimir Sevrinovski.

Lutte contre le voile en Mordovie et dans le territoire de Stavropol

La situation est diamétralement opposée dans deux autres régions russes : la République de Mordovie (à environ 600 kilomètres à l’est de Moscou) et le territoire de Stavropol (sud) où le port du voile dans les établissements d’enseignement est formellement interdit.

« Des scandales ont éclaté en 2013 dans le territoire de Stavropol et en 2014 et 2015 en Mordovie autour du port du voile dans les établissements d’enseignement, a raconté à RBTH Raïs Souleïmanov, spécialiste de l’islam.

Les administrations des écoles locales exigeaient que les fillettes portent une tenue laïque et ne mettent aucun voile. Les parents et la communauté musulmane des régions ont protesté, mais le département local du ministère de l’Éducation et la justice ont soutenu l’interdiction de porter des vêtements religieux dans les structures laïques ».

Lors du scandale de 2013, le président Vladimir Poutine a appuyé l’interdiction du voile dans une interview en direct à la télévision. « Je n’y vois rien de bien. Il existe des traits nationaux dans les républiques ethniques.

Or, ce n’est pas un trait national, c’est la démonstration d’une attitude bien définie envers la religion. Cette tradition n’a jamais existé dans notre pays, même dans les régions musulmanes », a indiqué le chef de l’Etat. La même année, le territoire de Stavropol a interdit le port des vêtements religieux.

Pour ce qui est de la Mordovie, l’affaire a été portée devant la Cour suprême de Russie qui en 2015 a reconnu légitimes les exigences définies par la résolution du gouvernement de la république envers la tenue des élèves et interdisant les vêtements religieux dans les établissements d’enseignement.

Le Tatarstan libéral

La République du Tatarstan à population majoritairement musulmane peut sans doute se vanter d’avoir trouvé une solution à ce problème pouvant servir d’exemple non seulement en Russie, mais aussi dans le monde entier.

Aucun code vestimentaire pour les femmes. En fonction de leurs convictions religieuses, elles peuvent travailler ou étudier aussi bien en voile et en jupe maxi que la tête découverte et en minijupe. Elles peuvent porter le voile sur les photos des documents officiels.

En un mot, les représentantes du sexe faible du Tatarstan n’ont rien à envier ni aux musulmanes françaises, ni aux femmes iraniennes.

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