Polémique du burkini : et en Russie ?

Une femme en burkini joue avec ses enfants dans une piscine à Berlin, le 20 août 2016.

Une femme en burkini joue avec ses enfants dans une piscine à Berlin, le 20 août 2016.

DPA/Vostock-Photo
Le burkini, ce costume de bain qui enveloppe le corps, n’est pas très répandu parmi les musulmanes russes. Elles préfèrent se baigner soit dans leurs vêtements quotidiens qui recouvrent le corps, soit en maillot de bain.

Le burkini est en passe de devenir le grand sujet de l’été en Europe, surtout après l’adoption, par plusieurs villes françaises, d’arrêtés interdisant cette tenue de plage. Certains soutiennent l’interdiction, estimant que le burkini est un symbole dextrémisme religieux et de violation des droits de la femme. D’autres, au contraire, estiment cette interdiction révoltante et la qualifient de manifestation d’intolérance et d’irrespect envers les groupes religieux.

Bien que la Russie compte plus de 20 millions de musulmans (15 millions de citoyens de Russie et de 4 à 7 millions de migrants des pays d’Asie ayant fait partie de l’Union soviétique) et bien que de nombreuses femmes de cette religion portent les vêtements traditionnels islamiques, le burkini est très rare en Russie. Ainsi, les musulmanes pratiquantes vont à la plage et se baignent dans leur costume quotidien, tandis que les non-pratiquantes préfèrent les maillots de bain traditionnels.

Les musulmanes russes et le burkini

Maria Zagriadskaïa, 30 ans, spécialiste des relations humaines, vient de rentrer du Daghestan (république majoritairement musulmane) où elle a passé des vacances avec sa famille au bord de la Caspienne. Lors d’une interview à RBTH, elle a indiqué n’avoir jamais vu de femme en burkini. « Les musulmanes locales nageaient dans leurs vêtements quotidiens. Je pense que le burkini serait le bienvenu puisque c’est un costume spécialement conçu pour se baigner le corps entièrement enveloppé. C’est mieux que des vêtements mouillés qui moulent le corps sans pour autant cacher quoi que ce soit. Il y avait également des vacanciers d’Ingouchie (une autre république musulmane du Caucase russe), mais leurs femmes se baignaient en maillots de bain ordinaires », a-t-elle raconté.

Vous ne risquez pas non plus de vous heurter à des femmes en burkini dans les piscines de Moscou ou de Saint-Pétersbourg. Deux grands centres sportifs de Moscou ont déclaré n’avoir jamais vu de femmes en burkini chez eux. « Les femmes ne viendront pas elles-mêmes, car elles devront nager à côté d’hommes en short ou slip de bain. Ce qui est intolérable pour une femme musulmane », a souligné Nassima Bokova, ex-rédactrice de la revue Musulmane.

Les musulmanes portent le burkini en Tchétchénie, qui a adopté il y a plusieurs années un code vestimentaire obligeant les femmes à couvrir leur tête et les parties ouvertes de leur corps. « En Tchétchénie nous constatons la tendance suivante : le nombre de femmes portant le voile islamique se réduit, tandis que celui de musulmanes couvertes de la tête aux pieds est en croissance, a constaté Vladimir Sevrinovski, spécialiste du Caucase et auteur d’un guide de voyage à travers la Tchétchénie. Ce qui fait que les Tchétchènes – par respect des principes de la charia ou par peur d’ébruitement – se baignent uniquement en vêtements ou en burkini ».

Porter le hijab au quotidien

De nombreuses musulmanes russes portent le voile traditionnel sur la tête en laissant le visage apparent. « Le niqab, voile intégral couvrant tout le visage à l'exception des yeux, interdit dans les lieux publics dans nombre de pays européens, n’est pas propre aux musulmanes russes, a poursuivi Nassima Bokova. Si une femme est vêtue d’un niqab, c’est qu’elle prend ses distances par rapport à la société. Elle ne peut plus être socialement active ».

En Russie, les régions peuplées majoritairement de musulmans sont la Bachkirie, le Tatarstan, la Crimée, les républiques du Caucase du Nord – Karatchaïevo-Tcherkessie, Ingouchie, Tchétchénie, Daghestan et Kabardino-Balkarie –, ainsi que les régions orientales du territoire de Stavropol et la République des Adyguéens.

« Dans les régions russes peuplées de musulmans le port du hijab est un phénomène répandu qui ne rencontre aucun obstacle », a fait remarquer Raïs Souleïmanov, expert de l’Institut de stratégie nationale, spécialiste de l’islam qui habite le Tatarstan.

« Aucun problème ne surgit ces derniers temps avec le port du hijab dans les lycées et les écoles supérieures des républiques musulmanes : les étudiantes portent librement le voile, a-t-il dit. Au Tatarstan les musulmanes ont défendu, dans le cadre de plusieurs procès en 2002 et 2003, leur droit à se couvrir la tête sur la photo du titre d’identité. Au début, les photos de femmes en hijab n’étaient pas tolérées sur une carte d’identité ou un passeport, mais les activistes musulmanes ont réussi à annuler ces règles en s’adressant à la justice ».

Le voile dans les grandes villes

Nombreux sont les musulmans qui habitent la partie européenne de la Russie, surtout les deux plus grandes villes du pays, Moscou et Saint-Pétersbourg. Leur population est cosmopolite et fait preuve de plus de tolérance que celle des régions éloignées. Nassima Bokova porte le hijab (voile couvrant la tête en laissant apparent le visage, ndlr) à Moscou depuis plus de quinze ans. « Je peux dire avec assurance que ces derniers temps, l’opinion devient de plus en plus tolérante vis-à-vis du costume musulman. En quinze ans je ne me suis jamais heurtée à quelque comportement agressif que ce soit envers moi », a-t-elle constaté. Selon ses observations, les plus tolérants envers les femmes en hijab sont les moins de 30 ans, alors que les plus de 50 ans le sont moins.

Toutefois, poursuit-elle, il suffit de se retrouver à une centaine de kilomètres de Moscou et la réaction au port du hijab deviendra plutôt négative. « Dans les petites villes, les gens seront étonnés, voire choqués par la vue d’une femme en hijab, ce qui est dû en partie à ce qu’ils n’en rencontrent presque pas chez eux. D’ailleurs, en parlant des terroristes islamistes, la télévision dessine malgré elle une image négative des musulmans dans leur ensemble, ce qui fait que l’islamophobie est en hausse ».

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