Pourquoi trouve-t-on en Russie des croix tombales avec un «toit»?

Domaine public
Appelées «kresty-goloubtsy», ces croix peuvent être encore aperçues dans les anciens cimetières de villages reculés du pays, plus souvent dans le Nord russe. Zoom sur leur signification.

Suivez Russia Beyond sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr

Comme le veut la tradition orthodoxe, une croix doit être installée sur une tombe. Si chez les catholiques elle prend en général la forme de deux planches croisées, chez les orthodoxes russes, il s’agit d’une croix à six ou huit pointes avec une barre diagonale en bas.

Croix surplombées d'un toit dans un cimetière de vieux-croyants dans la région d'Arkhangelsk

Néanmoins, vous trouverez également dans le « pays des tsars » des croix avec une sorte de « toit », connues ici comme « kresty-goloubtsy ». Que signifient-elles ?

Que veut dire « goloubets » ?

Dans la terminologie liée à l’architecture, le mot « goloubets » revêt deux significations. Primo, ainsi est appelé l’avant-toit qui protège des intempéries les icônes et les fresques ornant les façades.

Cathédrale de la Dormition de Moscou

Secundo – « goloubets » provient du mot « golbets », avec lequel dans les izbas russes l’on désignait l’extension en bois du poêle et dans laquelle il y avait une descente vers le sous-sol ou la fosse. Les gens croyaient que le domovoï, cet esprit qui protège la maison, y vit. Les « golbets » étaient donc considérés comme une sorte de portail vers l’au-delà.

Maison d'Ochevnev du village d'Ochevnevo

Ces extensions existaient en Carélie et dans la région d’Arkhangelsk, et de nos jours, nous pouvons les observer dans les musées consacrés à l’architecture en bois de Russie.

Ainsi, ces croix symbolisaient la maison du défunt. Elles étaient en bois et il n’était pas rare que le poteau et le toit soient richement sculptés. D’autres n’arboraient qu’une icône et les dates de la vie et de la mort du défunt.

Lire aussi : Où se trouvent les tombes des têtes couronnées russes? 

Comment ces croix ont-elles fait leur apparition ?

Ces croix renvoient en effet aux rites funéraires des païens slaves. Lorsque le défunt était enterré, l’on installait sur la tombe une sorte de « hutte de la mort » en rondins, et la remplissait de provisions censées servir dans le monde de l’au-delà.

Tombe du stariets Arseni

Ces huttes revêtaient également un sens plus pratique : il était difficile de creuser la terre gelée (et le climat dans ces zones s’avère aussi rude aujourd’hui qu’il y a un millénaire). En outre, cette installation protégeait la dépouille contre les animaux sauvages. Elle pouvait par ailleurs servir de cachette.

Dans le folklore russe, l’on rencontre souvent l’image de la cabane « sur des pattes de poule », où vit la sorcière Baba Yaga. C’est justement à ces huttes sur poteaux, symbole de la transition du monde des vivants au monde des morts, qu’elle doit son apparition. Il existe des installations similaires en Scandinavie.

Baba Yaga, représentation théâtrale dans la résidence du Père-Noël russe, dans le village de Nelja

Or, la krest-goloubets est une réplique en miniature de ces huttes, et elle était installée aussi bien sur la tombe même que sur la voie, pour indiquer le chemin vers le lieu de la sépulture. Comme l’indiquait l’architecte Lev Dahl, qui a étudié ce phénomène, « les habitants croyaient qu’elles protègent le village contre les mauvais esprits ».

Chemin menant vers la tombe d'un starets

Certains peuples slaves, dont les Viatitches les Krivitches, incinéraient les défunts, et les croix au toit protégeaient donc les urnes contre la pluie et la neige. La pratique de brûler la dépouille a par la suite été abandonnée, mais le symbole a persisté.

Lire aussi : Comment étaient enterrés les tsars avant Pierre le Grand? 

Interdite par l’Église

Après le baptême de la Rus’ en 988, l’Église a interdit les rites païens (ce qui ne les a pas empêchés d‘arriver sous une forme ou une autre jusqu’à nos jours – tel est le cas de Maslenitsa (Mardi gras russe) ou de Krasnaïa Gorka). Alors, l’on a commencé à placer des icônes ou des textes de prières orthodoxes à l’intérieur de ces huttes ou à installer des « toits » au-dessus d’une croix orthodoxe.

Scène sur une tombe par V. Perov, 1859

Aujourd’hui, ces installations tombales sont associées exclusivement aux vieux-croyants, qui n’ont pas accepté les réformes de l’Église au XVIIe siècle et ont été visés par des persécutions. 

Une croix avec un toit dans un cimetière de Pouchkine, près de Saint-Pétersbourg

Ils se retiraient dans des coins reculés du pays et vivaient dans des villages éloignés, où l’on ne pouvait pas les attraper. Sur leurs tombes, ils continuaient à installer ces croix, comme le faisaient leurs ancêtres. C’est pour cela que les kresty-goloubtsy sont les mieux conservées dans les agglomérations du Nord russe. Toutefois, l’on en trouvera également sur la Volga, dans l’Oural et en Sibérie.

Dans cet autre article, nous vous révélions la signification symbolique de la croix orthodoxe russe. 

Chers lecteurs,

Notre site web et nos comptes sur les réseaux sociaux sont menacés de restriction ou d'interdiction, en raison des circonstances actuelles. Par conséquent, afin de rester informés de nos derniers contenus, il vous est possible de :

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies