Légendes de la toundra: la vie des Samis, ce peuple éleveur de rennes du Grand Nord russe

Lifestyle
ANASTASSIA VALEÏEVA, VIOLETTA RIABKO
Le peuple indigène des Samis développe l'ethno-tourisme dans un village recréé du Grand Nord russe, et ce, afin de préserver leur identité ancestrale.

Russia Beyond désormais sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr

« Après avoir obtenu l'électricité, nous allons être affichés sur Google », explique Ivan Golovine, debout au milieu d'une rue pleine de tentes d'apparence similaire à des tipis temporaires, faites de peaux d'animaux sur des poteaux en bois.

Tout en parlant, Golovine exhale de petites bouffées de vapeur. Nous sommes dans la toundra près de Mourmansk, dans le Grand Nord russe. Le premier village touristique sami, Sam-Syt (qui signifie simplement « village sami ») est situé ici. Il est développé par le peuple sami lui-même, y compris Golovine, qui s’impose comme le président de la communauté samie de Russie.

Langue oubliée

Les Samis sont un peuple autochtone vivant dans la région de Mourmansk (Nord-Ouest de Russie) et que l'on trouve également en Norvège, en Suède et en Finlande. Selon les Samis russes, malgré la nécessité de visas, les longues distances et de nombreuses années d'isolement, ils comprennent encore aujourd'hui la langue parlée par leur peuple dans les autres pays.

Pendant l'époque soviétique, les Samis ont pourtant vu leur langue et leurs traditions mises à mal. Les enfants samis étaient obligés d'apprendre le russe à l'école et d'oublier leur langue maternelle, et ceux qui continuaient à parler sami étaient punis. Les autorités soviétiques craignaient en effet que les Samis n'essaient de créer leur propre État ou de rejoindre la Finlande.

Aujourd'hui, au contraire, il est même un peu à la mode d'être un Sami, bien qu'il n'en reste en Russie que 1 771, selon le recensement de 2010. Ils constituent l’une des plus petites minorités ethniques de Russie et sont concentrés autour du village de Lovozero et dans des bourgades voisines.

Lire aussi : La Tofalarie, ce recoin de taïga sibérienne où hommes et rennes vivent en harmonie

Nourrir ou manger un renne ?

La chose la plus précieuse que possède le peuple sami est le renne. Dans le village, il est possible de nourrir ces élégants animaux et de caresser leurs bois raffinés. La chose la plus importante à retenir lorsque vous nourrissez ces animaux est de ne pas lever le bras trop haut, sinon ils mettront leurs sabots sur vos épaules afin d’attraper la friandise. Les villageois encouragent les visiteurs à faire l’éloge de l'incroyable puissance de ces animaux du Nord : deux d'entre eux peuvent à eux seuls aisément transporter six personnes sur un traîneau à travers la toundra.

Après avoir développé un lien avec ces animaux, cela peut sembler un peu discourtois, mais les visiteurs se voient offrir de la viande de renne pour le déjeuner. La soupe traditionnelle viar est préparée à base de viande de renne, tandis que la production de saucisses de renne est également en cours. On peut aussi goûter au lim, une soupe de poisson typique, et au pakoula, une tisane servie dans une théière vieille de 200 ans avec de la confiture de plaquebière.

Ce menu peut sembler irrespectueux à l’égard des animaux, mais les Samis n'hésitent pas à expliquer l'importance de ces derniers dans leur vie.

« Le renne nous donne de la nourriture, des boissons, des remèdes, c'est notre moyen de transport et nos vêtements », déclare ainsi Vitali, un éleveur local, tout en ajustant son pantalon en peau de renne.

Il existe un mot spécial dans la langue samie qui décrit le calme profond qui règne avant l'arrivée des rennes. Les légendes parlent même de Miandach, l'ancêtre primitif totémique des Samis, un homme-renne qui a enseigné aux Samis l'art de la chasse. Tout le calendrier sami est structuré autour du renne et les hommes samis passent neuf mois de l'année dans la toundra afin de suivre les migrations de leur troupeau.

Trouver l'amour dans la toundra

Pendant les trois mois restants de l'année, les hommes locaux doivent régler tous les problèmes domestiques, y compris trouver une épouse. Ici, c’est un autre animal – l'ours – qui vient à la rescousse. Vitali, notre guide éleveur de rennes, porte en effet un pénis d'ours à sa ceinture. Il dit que grâce à cette amulette, il s'est marié pour la troisième fois.

« Quand je me suis marié pour la première fois, j'étais trop jeune, confie-t-il. J'ai passé des années dans la toundra et ma femme ne pouvait pas attendre aussi longtemps. Avec ma deuxième femme, nous étions juste trop différents l'un de l'autre. Ma troisième femme a marché 50 kilomètres pour me retrouver dans la toundra. C'est le véritable amour ».

Vous pouvez trouver l'amour (et pas seulement) dans le village sami. Là, se trouve en effet une allée enchantée d'idoles, et l’une d’entre elles correspondra forcément à vos besoins, tels que le bonheur, la chance, l'amour, le destin, la santé ou les quatre éléments. Vous pouvez gagner la faveur de l'idole en lui donnant une pièce jaune et en la serrant très fort dans vos bras. Pour être sûr de l’effet, achetez une amulette qu'une vieille chamane vivant en ermite depuis plusieurs années a ensorcelée.

Lire aussi : Les Maris, ce petit peuple de Russie encore adepte des rites sacrificiels païens

Les trois mondes samis

Les chamans ont encore aujourd’hui une influence considérable sur le peuple sami. Le chaman est le guide entre les trois mondes : le haut – le ciel, le bas – le monde souterrain et le milieu – la Terre. Selon les Sami locaux, ce sont des chamans tibétains qui les ont aidés à choisir l'emplacement du village.

Golovine affirment que les chamans tibétains ont, il est vrai, effectué une cérémonie pour cela.

« Trois heures de ma vie ont été effacées, relate-t-il. C'était un vrai sabbat de sorcières. Mais ils ont dit que l'aura était propre et que le village serait prospère et compterait de nombreux habitants. Donc notre village grandit dans un endroit avec une aura propre ».

Comment s'y rendre ?

Il existe des vols réguliers vers Mourmansk depuis Moscou et Saint-Pétersbourg. De Mourmansk, il faut parcourir 110 kilomètres pour se rendre à Sam-Syt par une route entourée de toundra.

La meilleure période pour visiter les environs est l'hiver et l'été. En hiver, il fait assez froid, mais il y a beaucoup de neige et d'aurores boréales, tandis que l'été permet d’expérimenter les nuits blanches. Durant la saison estivale, passer toute la nuit dehors est toutefois réservé aux plus résistants : la température dépasse rarement les 15 degrés Celsius.

Les auteurs tiennent à remercier le Forum germano-russe pour son aide dans la préparation de cet article. Cette publication est la propriété de Rossiyskaya Gazeta.

Dans cet autre article, faites la connaissance des Itelmènes, les « Indiens » du Kamtchatka.