À Courcy, le souvenir bien vivant des soldats russes tombés pendant la Grande Guerre

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MARIA TCHOBANOV
Dans la commune de Courcy (département de la Marne), le dimanche ensoleillé du 22 avril fut dédié à honorer la mémoire des soldats russes qui, il y a 101 ans, ont libéré le village de l’occupation allemande au cours de la Grande Guerre. La cérémonie commémorative a été suivie par l’action «Oursons Michka», une collecte d’oursons en peluche qui seront acheminés vers un orphelinat en Russie.

Des centaines d’ours en peluche ont été apportés ce dimanche 22 avril par les Courcéens et habitants des communes voisines de tous âges au pied du monument au soldat du Corps expéditionnaire russe érigé en avril 2015 au cœur de la commune. Ce geste de reconnaissance a conféré à la cérémonie commémorative franco-russe, devenue annuelle pour cette commune de la Marne, un aspect très symbolique.

« Notre monument représente un soldat russe qui, après la libération de la commune, réconforte une petite Courcéenne et lui offre un ourson en peluche. Cette année, pour le centenaire de la fin de la guerre, nous avons décidé d’organiser une opération de collecte d’oursons pour, à notre tour, apporter du réconfort aux enfants russes dans les orphelinats », explique Martine Jolly, Maire de Courcy.

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C’est l’ambassade de Russie qui assurera le transfert de ces jouets, collectés avec beaucoup d’enthousiasme par les Marnais, vers l’établissement d’Oufa (République russe de Bachkirie), une des villes où les soldats ont été recrutés pour les brigades du Corps expéditionnaire russe.

Madame le Maire a également noté qu’en 2014, quand les autorités françaises ont demandé si la commune accepterait un monument pour donner suite à la requête des Russes, les élus municipaux avaient une idée assez vague du rôle des brigades russes dans la libération de Courcy.

« Nous savions que les Russes étaient passés par là, mais nous n’avions pas conscience ni du nombre, ni de l’impact que ça avait eu. En se penchant sur l’histoire, le Conseil municipal a donné son accord et choisi comme emplacement le cœur du village près du lotissement. Nous avons demandé à l’ambassadeur russe un projet qui se projette dans l’avenir et provoque un sentiment de paix et de sécurité. Finalement, nous avons choisi cette statue du sculpteur Alexander Taratynov, que les habitants appellent aujourd’hui +notre soldat russe+», raconte Martine Jolly.

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Un rappel historique

Il y a un siècle, la Russie envoyait deux brigades dans le secteur pour combattre au côté des troupes alliées sur le Front de l’Ouest. En avril 1917, quatre régiments russes sous le commandement du général Lokhvitski, rattachés à la cinquième armée française du général Mazel, participent à l’offensive Nivelle.

Le 14 avril, les bataillons désignés pour l’offensive s’installent sur leurs bases de départ face à Courcy et à la butte de Brimont et son fort. Le 16 avril, les Russes attaquent les positions allemandes au nord-ouest de Reims. C’est la première brigade russe qui a pour objectif la prise du village de Courcy et des fortifications allemandes aux alentours. Sous le feu de l’artillerie lourde de l’ennemi, sans nourriture chaude, dans des uniformes et des bottes trempés par la pluie, sans aucune possibilité de se réchauffer et de s’abriter, les soldats résistent aux contre-attaques, faisant preuve d’un grand héroïsme. À l’issue de combats acharnés, les soldats russes reprennent le village aux troupes allemandes au prix de trop nombreux morts et blessés. Le secteur de Courcy a été particulièrement meurtrier : on a dénombré plus de 2 000 tués ou blessés parmi les Russes et plus de 450 disparus.

Seize ans plus tôt, en septembre 1901, le tsar Nicolas II avait assisté en compagnie du Président Emile Loubet aux grandes manœuvres de l’Est, organisées dans la plaine de Bétheny et près du fort de Frèsne-les-Reims. Il n’imaginait sans doute pas que ce secteur serait quelques années plus tard le lieu du sacrifice de nombreux soldats du Corps expéditionnaire russe en Champagne.

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« Il y a des journées qui ne sont pas comme les autres parce qu’elles font l’histoire d’une ville, d’une région, parce qu’elles font l’histoire non pas d’une, mais de deux nations. Les 16 et 17 avril 1917 à Courcy furent de celles-là » : c’est ainsi que Valérie Hatsch, sous-préfète de Reims, a défini l’importance de la victoire remportée par les Russes a Courcy il y a 101 ans, dans son discours lors de la cérémonie organisé le 22 avril.

Se souvenir pour construire l’avenir

Valérie Beauvais, députée de la Marne, a rappelé que les combattants russes qui avaient quitté les leurs pour venir combattre à Courcy étaient venus pour défendre le pays ami, sans tenir compte des contingences idéologiques. Cette bataille aurait causé la perte de 800 soldats russes venus délivrer un village de 1000 habitants à peine. Pour rendre hommage aux sacrifices des hommes qui ont combattu pour libérer les communes françaises occupées, le département de la Marne a érigé en partenariat avec la Fédération de Russie plusieurs monuments : au fort de la Pompelle, à Saint-Hilaire-le-Grand et à Courcy. « Entretenir ce souvenir, transmettre à celles et ceux qui considèrent que le passé n’a plus lieu d’être, que seul l’avenir importe, qu’un pays sans passé est un pays sans avenir. Pour nous qui vivons depuis plusieurs décennies en paix, ces moments sont là pour nous rappeler combien l’homme peut sombrer dans l’horreur », a insisté l’élue.

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Dans son intervention, Yves Détraigne, sénateur de la Marne, a également noté que la célébration du centenaire de la Première Guerre mondiale nous fournit des occasions de se remémorer l’horreur qu’a été la guerre et de renforcer la volonté de dialogue entre les peuples pour que plus jamais les Européens ne se fassent la guerre. « Ce qui nous ressemble est plus important que ce qui nous divise. Les intérêts de chaque pays peuvent être différents, mais les attentes des populations et particulièrement des jeunes de tous les pays, c’est de se rejoindre dans une volonté de paix pour une Europe en paix et de partager les mêmes rêves, libertés et échanges », a souligné le sénateur.

Le président du conseil départemental de la Marne, Christian Bruyen, a souligné pour sa part, en s’adressant aux participants du rassemblement, que la participation de la Russie aux initiatives locales de commémoration autour du centenaire « témoigne du lien entre les peuples par-delà quelques aléas diplomatiques qui ne sont que momentanés, car ce sont les peuples qui construisent l’humanité de demain ».

L’ambassadeur de la Fédération de Russie en France Alexeï Mechkov a exprimé sa joie de voir lors de la cérémonie au pied du monument au soldat russe autant de jeunes participants. « C’est la meilleure récompense pour les soldats, morts sur ce sol, de constater que la ville se développe et que de nouvelles générations de Courcéens grandissent ici. Dans deux semaines, nous allons fêter la grande Victoire dans la guerre (Seconde Guerre mondiale, ndlr.) où nos deux peuples ont aussi combattu ensemble. Nos prédécesseurs, par leur courage et leur héroïsme, nous ont assuré la paix et nous avons une tâche, pas moins importante, qui est de sauvegarder et de renforcer cette paix », conclut le diplomate.

Dans cette autre publication nous retraçons l'histoire passionnante du légendaire Corps expéditionnaire russe en France, engagé sur le front français de la Première Guerre mondiale.