Comment le confinement a-t-il affecté les entrepreneurs étrangers en Russie?

Économie
ALEXANDRA GOUZEVA
Malgré le fait que les petites et moyennes entreprises en Russie reprennent peu à peu vie après le confinement, le coronavirus a réussi à leur causer de sérieux dommages. Un tailleur indien et un fromager anglais ont raconté au correspondant de la chaîne de télévision RTVI Nikita Roudakov comment leur entreprise a traversé la pandémie.

Russia Beyond désormais sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr

Sammy Kotwani, Inde

L'Indien Sammy Kotwani est arrivé à Moscou en 1990 avec trois cents dollars en poche et sans connaissance du russe. Cependant, il a réussi à créer une entreprise rentable – il a fondé le réseau d'ateliers « Tailleur Impérial » et habille maintenant l'élite politique et culturelle de la Russie. En outre, il a réussi à pénétrer le marché international et à coudre des costumes pour les chefs d'État des anciennes républiques soviétiques.

L'instinct d'entrepreneur de Kotwani au début de la pandémie en Chine lui a permis d’entrevoir que la situation serait grave : « Je travaille avec la Chine, j'ai mon propre bureau à Hong Kong. Nous savions ce qu'était le coronavirus en janvier ». Il a donc fait venir à lui ses enfants étudiant en Angleterre et a déménagé son atelier-bureau principal chez lui.

Ces deux derniers mois, l’atelier n'a pas pris de commandes et se concentre entièrement sur l’ajustement du travail dans cette nouvelle conjoncture, et seulement en Russie. En outre, Kotwani a introduit un nouveau service pour les clients – l'entretien régulier des costumes. Selon le tailleur, il est le seul au monde à offrir un tel service. Tous les six mois, Kotwani les nettoie, les repasse, remplace les fermetures éclair ou doublures, et adapte les costumes à la taille du propriétaire au cas où il aurait perdu du poids ou en aurait pris (après le confinement, c’est on ne peut plus d’actualité). Ce service est absolument gratuit, mais le coût élevé de la confection d'un costume couvre les frais.

La production et le travail se font désormais à domicile. Mais où trouver les tissus ? Avant la pandémie, il y en avait plus de 100 000 différents dans l'arsenal de l’Indien, dont les plus chers. Cependant, étonnamment, la pandémie n'a pas affecté la gamme. Le transport aérien par cargo avec l’étranger est toujours opérationnel, aussi Sammy commande-t-il des tissus en Angleterre et en Italie par l'intermédiaire des services de DHL ou d'UPS.

Pendant la pandémie, le gouvernement russe a par ailleurs accordé à tout propriétaire d'entreprise la possibilité de contracter un prêt sans intérêt – 12 000 roubles (environ 150 euros) pour chaque employé, que Kotwani a utilisé. En outre, le propriétaire de son logement a accepté de réduire le loyer de 50% pour les mois « d’arrêt ».

Sammy n’envisage pas de quitter le pays après 30 ans de travail. « Mes affaires vont se développer grâce au confinement, voit-il l'avenir avec optimisme. L'homme est déjà fatigué de porter ses masques. Combien de temps peut-on en porter ? Quand le confinement sera terminé, je pense que tout ira bien ! ».

Lire aussi : «Les Russes sont des collègues et des amis très fiables», une expatriée italienne raconte

John Copiskey, Angleterre

John Copiskey demande à être appelé à la manière russe – par son nom patronymique, c'est-à-dire John Ianovitch. Il ressemble plus à un Père Noël russe qu'à un Anglais guindé, et ses valeurs sont très proches de celles de l’homme russe – la richesse familiale et spirituelle par opposition à la richesse matérielle.

Il y a 25 ans, John a acheté un ancien kolkhoze (ferme collective soviétique) dans la ville de Petouchki, dans la région de Vladimir. Il y a quelques années, il a décidé de se lancer dans l'agritourisme, une activité totalement nouvelle pour la Russie – il a pour cela organisé une ferme laitière, la fabrication de fromage, un hôtel de 20 à 30 chambres et un restaurant. Les habitants ont d'abord pris tout cela comme un domaine d'oligarque.

L'hôtel et le restaurant ont dû fermer temporairement durant le confinement, mais il n'y avait pas moins de travail à faire – la ferme laitière ne pouvait du jour au lendemain cesser son activité. Au début de la pandémie, John avait en effet 4 000 vaches, qu'il appelle affectueusement « ses femmes ». Ces animaux, dit-il, doivent être protégés du stress et traités avec soin, tandis que des conditions confortables doivent être créées pour qu’ils donnent plus de lait de meilleure qualité.

« Les ventes de produits alimentaires ont chuté de 30% parce que plusieurs magasins ont fermé à Moscou, notamment dans les grands centres commerciaux », explique toutefois John. Les ventes en ligne ont légèrement augmenté, mais elles se font surtout à Moscou, et il n'est pas rentable de livrer depuis la région de Vladimir.

Le Britannique admet qu'il a sa propre vision du virus : « Chaque année, nous avons la grippe. Cette année, c'est un peu pire que d'habitude. Bien sûr, nous avons écouté les recommandations de notre État et du président, mais nous pensons qu'il s'agit plus de politique que de pandémie ».

John s'appuie sur sa foi en Dieu et pense que la situation en Russie n'est pas si mauvaise en matière de coronavirus, bien que ce soit une leçon très dure. Et même si, selon lui, « le capitalisme est à présent en faillite », sa famille aura toujours la chose la plus importante – du lait, du pain et de la viande.

Dans cet autre article, découvrez l’initiative sociale d’Auchan en Russie pour aider les consommateurs démunis à subvenir à leurs besoins.