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Né en Sibérie, Zviaguintsev a voulu concrétiser son ambition de devenir réalisateur de films depuis son enfance. Inspiré par Andreï Tarkovski, Robert Bresson et Michelangelo Antonioni, il a réussi à créer son propre langage cinématographique. Acteur de formation, il n'a jamais cherché à divertir les gens, mais plutôt à trouver des « partenaires de crime » avec qui partager ses peurs et ses faiblesses. Ses films sont presque universels dans leur attrait existentialiste, abordant les thèmes dostoïevskiens de l'injustice, de la souffrance et de la trahison avec une touche de modernité. Les films de Zviaguintsev présentent toujours une ambiguïté de sens, avec plusieurs couches de connotations à décortiquer.
Le Bannissement (2007)
Dans Le Bannissement, Zviaguintsev éclaire les coins les plus sombres et les plus reculés de l'esprit humain. Le réalisateur russe étudie les nuances, les subtilités et les complexités de l'âme humaine à travers les relations familiales. Alex, Vera et leurs deux enfants passent l'été dans un endroit perdu qui ressemble à une banlieue ordinaire. Vera est malheureuse avec Alex, et le jour où elle apprend qu'elle est enceinte, cela provoque en elle une tempête de sentiments contradictoires. Alex interprète la confusion et l'anxiété de sa belle épouse comme un témoignage de son infidélité. La jalousie ne sera que le premier défi d'une série d'épreuves qu’il devra affronter.
Le film se déroule n'importe où en général et nulle part en particulier, dans un pays pittoresque sans nom, cristallisé entre la Belgique, la France et la Moldavie (le tournage a en fait eu lieu dans ces trois pays). Le drame met en vedette l'actrice suédoise Maria Bonnevie et l'un des comédiens préférés de Zviaguintsev, Konstantin Lavronenko, qui a été nommé « meilleur acteur » par le jury de Cannes en 2007.
De nombreux critiques ont décrit ce long métrage comme étant époustouflant, tandis que d'autres ont déploré qu'il soulève des questions métaphysiques sans apporter de réponses directes. Or, de tout évidence, Le Bannissement ne porte pas tant sur les questions et les réponses que sur la solitude profonde et le désespoir dans certaines de ses formes les plus tragiques.
Léviathan (2014)
L’on y trouve des paysages saisissants, de brillants dialogues, une belle musique (dont la partition a été écrite par le célèbre compositeur américain Philip Glass) et un arrière-goût amer. Léviathan se déroule dans une ville provinciale russe de bord de mer (le tournage a eu lieu dans la localité septentrionale isolée de Teriberka, au bord de la mer de Barents, dans l’Arctique). L'un de ses infortunés habitants, Nikolaï (interprété par Alexeï Serebriakov), affronte un maire grotesquement corrompu après avoir découvert que sa maison s’apprête à être démolie pour laisser place à une église. Le protagoniste mène une bataille perdue d'avance contre le fonctionnaire et sa vie entière est en lambeaux. En tentant de résister à l'anarchie et au désordre, Nikolaï devient un « héros de notre temps ». Selon Zviaguintsev, la résistance au mal est douloureuse, dangereuse, condamnée, mais inévitable. Or, c'est, entre autres, l'idée chrétienne qui se cache derrière ce drame social.
Le quatrième long métrage de Zviaguintsev a remporté le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère, une première pour la Russie en près de cinq décennies ! Le film a été présenté en avant-première au Festival de Cannes, où il a également remporté le prix très convoité du « meilleur scénario » en 2014.
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Le Retour (2003)
Andreï Zviaguintsev est instantanément devenu une célébrité après avoir remporté le Lion d'or de Venise en 2003 pour Le Retour, son premier long métrage.
Les adolescents Ivan et Andreï ont vécu paisiblement sans leur père pendant douze longues années, jusqu'au jour où leur mère leur demande de se calmer, car celui-ci est soudainement à la maison, en train de dormir. Pour rattraper le temps perdu, l'homme autoritaire emmène les deux frères pour une partie de pêche sur des lacs lointains. Ce voyage épique va changer la vie de chacun, leur conflit intérieur s'intensifiant jusqu'à un point de non-retour.
Le style de narration de Zviaguintsev est direct, énergique et simple et pourtant il vous frappe comme une balle. L'histoire aurait pu se dérouler à peu près n'importe où, n'importe quand, avec n'importe qui. Le Retour est une parabole puissante sur les pères et les fils et les conséquences du destin, qui reviennent comme un boomerang. L'atmosphère accablante de suspense est dépeinte par le réalisateur et son remarquable directeur de la photographie Mikhaïl Kritchman avec une telle poésie que l'on oublie presque de respirer entre les pensées.
Un spectateur attentif remarquera par ailleurs certainement que le jour de l'arrivée de leur père, les garçons examinent une illustration de la Bible : « Abraham sacrifie [son fils] Isaac ». En fait, le film de Zviaguintsev se déroule pendant les sept jours « bibliques » de la Création – du dimanche au samedi. Ivan et son frère voient pour la première fois leur père endormi lorsqu'il rentre à la maison après 12 ans d'absence – et dans cette scène, ainsi que dans la scène finale du film, il ressemble exactement au Christ mort du célèbre tableau de 1480 du maître italien Andrea Mantegna. Le Retour est rempli de parallèles mythologiques et de connotations bibliques, mais vous pouvez très bien vous en passer et apprécier ce film comme un thriller psychologique étonnant.
Elena (2011)
Alors que les deux premiers films de Zviaguintsev étaient vaguement liés à la réalité, son troisième long métrage, Elena, illustre le style réaliste du réalisateur et ses observations sans faille des complexités du caractère humain. Il s'agit de l'histoire de la relation dramatique d'une femme de la classe ouvrière moyenne avec son riche mari âgé et son fils adulte marginalisé issu d’une première union. Elena, à la fin de la cinquantaine, se retrouve entre Charybde et Scylla, coincée quelque part entre le paradis de l'appartement de son époux dans le centre de Moscou et l'enfer de la banlieue pauvre de la famille de son fils, dont les habitants aspirent sans vergogne l'argent de leurs riches parents. Pour rendre la vie de tous plus « facile », Elena (brillamment interprétée par Nadejda Markina) devra faire un choix moral fatidique.
Le tour de force de Zviaguintsev a été présenté pour la première fois au Festival de Cannes, où il a été récompensé par un « prix spécial du jury » en 2011. En 2019, ce drame familial est devenu la seule œuvre russe à figurer dans la liste des 50 meilleurs films de la décennie, établie par le magazine Rolling Stone.
Faute d’amour (2017)
Dans Faute d’amour, Zviaguintsev place sous le microscope un couple moscovite empêtré dans un divorce difficile. Bien qu'ils soient toujours officiellement mariés, ils sont désormais de parfaits étrangers l'un pour l'autre. Tous deux commencent à fréquenter quelqu'un d'autre : Boris vit avec sa nouvelle petite amie enceinte, tandis que Jenia a des relations sexuelles avec son nouvel amant fortuné. Sans même se soucier de l'impact de leur séparation sur leur fils Aliocha, âgé de 12 ans, les parents égoïstes continuent de vivre pleinement leur vie et font preuve d'une indifférence criminelle à l'égard de la souffrance de leur enfant. Leur refus d'affronter la réalité se retournera contre eux lorsque le garçon, dont personne ne se soucie, disparaîtra soudainement. Il sera trop tard pour restaurer ce qui a été perdu. Faute d’amour vous laissera un sentiment d'impuissance et de désespoir. Mais c'est ce puissant sentiment de détresse qui pourrait aussi servir de réveil brutal pour beaucoup.
Andreï Zviaguintsev a reçu le prix du jury lors du 70e Festival de Cannes pour son magnum opus. Faute d’amour a également remporté la plus haute distinction cinématographique française, le César, en tant que meilleur film étranger. Ce drame de 127 minutes a en outre été nominé aux Oscars dans la catégorie des films en langue étrangère.
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