La gent féminine sur le devant de la scène du 26e Festival du cinéma russe de Honfleur

Kinopoisk
Du 20 au 25 novembre 2018 se tiendra à Honfleur, en Normandie, la 26e édition du Festival du cinéma russe, sous les projecteurs duquel sera cette année placée la femme, avec notamment l’actrice Gabrielle Lazure à la présidence du jury. Critique de cinéma et invité d’honneur de ce rendez-vous annuel des russophiles, Valeri Kitchine vous propose aujourd’hui un aperçu de ce que vous réserve cet événement d’exception.

Le 20 novembre, à Honfleur, sera donné le coup d’envoi du 26е Festival du cinéma russe. Pour son inauguration a été sélectionnée la comédie d’Evgueni Cheliakine La vie éternelle d’Alexandre Christoforov, d’ores et déjà présentée en Russie comme l’un des meilleurs films de la saison. L’intrigue s’articule autour d’un acteur d’un certain âge travaillant dans un parc d’attractions et ayant perdu tout espoir d’une vie meilleure. Il fait cependant la rencontre d’une femme, qui le force à croire en un bonheur encore possible. Ce rôle est joué par nul autre qu’Alexeï Gouskov, déjà bien connu des spectateurs de Honfleur (La Concert, La Trouvaille (Criminel), Polina, danser sa vie).

La vie éternelle d’Alexandre Christoforov

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Cette influence de la femme sur nos vies, mais également dans l’art et le cinéma, sera justement le thème central de cette édition 2018. S’inscrivant dans cette tendance globale, Honfleur présentera ainsi un large panorama d’œuvres récentes de réalisatrices russes. Contrairement à Hollywood, la Russie ne semble en effet pas souffrir d’une discrimination à l’égard des femmes dans l’industrie cinématographique, et si au début du XXe siècle cette dernière y était l’apanage des hommes, depuis plusieurs années, parmi les personnes à se lancer dans la réalisation, les représentantes de la gent féminine dominent. Avec leur expérience, une palette de thèmes nouvelle pour le cinéma, leur regard sur la vie, souvent plus sévère et impitoyable, que ce qui animait auparavant le cinéma russe, autrefois considéré comme un échantillon d’humanisme.

Comme partout dans le monde, leur cheminement vers cette activité n’a toutefois pas été sans obstacles et nuages. Oksana Karas en est bien la preuve. Cette jeune femme a, après avoir tourné son premier film Répétitions, envisagé de changer de carrière.

Répétitions

En effet, aucun distributeur, aucune chaîne de télévision ne s’y intéressait, aucune information la concernant n’était publiée dans la presse. C’est alors tout à fait par hasard que ce long métrage a été repéré par la personne en charge de la sélection des œuvres pour le festival en ligne Take Two (Дубль дв@), qui l’a intégré au concours, où Karas a finalement été la lauréate de l’un des prix. Répétitions a ensuite été programmé à la télévision, puis Oxana a obtenu un contrat pour le tournage d’Un bon garçon, lui-même récompensé par le prix principal du Festival national Kinotavr, permettant à sa carrière de prendre un véritable élan. À Honfleur, elle présentera un mélodrame en noir et blanc intitulé L’Ange a une angine.

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L’Ange a une angine

L’action se déroule au sein de la jeunesse de Leningrad avant l’invasion nazie en URSS : la vie dans le pressentiment d’une catastrophe, l’amour condamné ou impossible, les destins brisés en plein vol, tels sont les thèmes principaux de cette œuvre qui a été reçu le prix du Jury lors du festival russe « Une fenêtre sur l’Europe », à Vyborg.

Histoire d'une promotion

C’est autrement que s’est construite la carrière d’Avdotia Smirnova, fille du célèbre réalisateur soviétique Andreï Smirnov. Après plusieurs œuvres à succès, elle a récemment présenté son meilleur film à ce jour, Histoire d'une promotion, dont l’un des héros n’est autre que le futur écrivain Léon Tolstoï, apparaissant ici en tant qu’avocat prenant la défense d’un accusé innocent. Ce long métrage a joui d’une considérable résonnance en Russie et reçu différents prix lors du festival Kinotavr.

Les Hirondelles mortes

Faisant ses débuts dans la production de longs métrages, Natalia Perchina proposera aux cinéphiles normands Les Hirondelles mortes, film d’horreur s’inspirant du folklore russe. La sorcière Kikimora, résidant dans une forêt interdite peuplée d’esprits, tombe amoureuse d’un comédien de théâtre s’aventurant dans les bois pour une partie de chasse et s’avérant être un coureur de jupons égocentrique. Bien entendu, Kikimora lui réserve une amère leçon.

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L’Argilière

Le public de Honfleur aura également l’occasion de visionner le dernier film de l’actrice et réalisatrice Vera Glagoleva, décédée l’an dernier à l’âge de 61 ans, L’Argilière. L’œuvre se compose de fragments de la vie russe au cours des années qu’il convient aujourd’hui de maudire : la terrible décennie 1990, lorsque le pays, débarrassé du pouvoir soviétique, a pu goûter à la liberté mais a sombré dans la pauvreté, la criminalité et le désespoir. N’étant pas parvenue à conquérir le beau monde moscovite, une jeune fille retourne dans sa petite ville auprès de sa mère, où l’attendent de nouvelles expériences, et notamment le mariage de sa sœur avec un bel homme venu d’Asie centrale.

Des réalisatrices, mais également des actrices marquantes

La nouvelle production d’Ivan Tverdovski, Jump, mérite elle aussi une mention spéciale. Jeune cinéaste et fils de réalisateur, Tverdovski est connu du public international grâce à ses films Classe à part et Zoologie, il a reçu diverses distinctions dans le cadre du Festival international du film de Karlovy Vary, notamment pour cette récente œuvre. Adepte du cinéma d’auteur, il apprécie les « déviations des normes », qui font office de baromètre de l’état moral de la société. Cette fois, son héros est insensible à la douleur, ce qui le conduit naturellement vers des aventures à hauts risques. Dans cette œuvre, le rôle de la figure maternelle s’avère des plus importants.

L'Homme qui a surpris tout le monde

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Réalisateurs et époux, Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov, qui ont déjà participé au festival de Honfleur avec Parties intimes, tentent cette année de lever en Russie le tabou sur le travestissement. L’Homme qui a surpris tout le monde met ainsi en scène un individu aux forces déclinantes et condamné à mourir, qui s’efforce de duper le destin en devenant littéralement une autre personne. Beaucoup interprètent cette œuvre comme une métaphore de notre société, détestant furieusement tout ce qui est différent, hors normes ou hors de compréhension. Lors de l’édition 2018 du Festival de Venise, ce film a reçu le prix du meilleur rôle féminin (Natalia Koudriachova).

La Guerre d’Anna

Enfin, Alekseï Fedortchenko, sélectionné à Venise et lauréat à Rome du prix Marc Aurel du futur, a quant à lui entrepris une expérience audacieuse. En effet, son drame La Guerre d’Anna est exempt de tout dialogue et présente la guerre à travers les yeux d’une fillette juive qui, traumatisée par la mort de ses parents, se cache dans la cheminée de l’école, transformée par les nazis en kommandantur. Dans les limites du monde perceptible par elle, cette œuvre exacerbe l’ensemble de nos sens, lorsque chaque rayon de lumière, bruissement, fragment de conversation étrangère devient un signal de danger ou d’espoir. Le scénario, la réalisation, le travail de cadrage, et le jeu de Marta Kozlova, âgée de 6 ans seulement, font de ce film un véritable chef-d’œuvre, qui a d’ores et déjà été nominé pour le prix de l’Académie européenne du cinéma.

L’Été

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Parmi les films figurant aux programmes parallèles se démarquent en outre L’Été de Serebrennikov, qui met en avant la scène musicale underground des années 80 à Leningrad et l’un de ses leaders, le légendaire Viktor Tsoï, ainsi que l’éternel et illustre mélodrame de Vladimir Menchov Moscou ne croit pas aux larmes, récompensé en 1981 d’un Oscar.

Moscou ne croit pas aux larmes

L’année dernière, Russia Beyond avait interrogé le réalisateur Safy Nebbou, qui avait alors présidé le jury de ce festival, au sujet de ses liens avec la Russie.

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