Cinq raisons de découvrir Staritsa, l’une des plus anciennes villes de la région de Tver   

Ivan Kourinnoï
Les habitants de Staritsa soutiennent que, sans les carrières de calcaire proches de leur ville, il n’y aurait pas eu de constructions de pierre blanche dans la Russie du Moyen-Âge. Lorsque vous aurez cédé au charme de cette petite localité de province, dont on fait le tour à pied en deux ou trois heures, vous voudrez y retourner plus d’une fois. 

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Staritsa, petite ville qui se situe au confluent de la rivière Staritsa (ou Startchonka) et du fleuve Volga, est entourée de légendes. L’une d’elles raconte que seule une vieille femme survécut à l’attaque des Mongols qui rasèrent la ville à la fin du XIIIe siècle. Elle s’était réfugiée dans une des grottes de calcaire qui font la réputation de la ville. Un des sens du mot старицаstarista est vieille femme (avec une nuance de respect. Nous vous donnons ici cinq bonnes raisons de découvrir cette petite ville située à soixante-dix kilomètres au sud-ouest de Tver.

Carrières de calcaire

Staritsa est située dans une région calcaire. Les carrières qui se trouvent dans ses alentours ont fourni la pierre nécessaire à la restauration du Kremlin de Moscou, de la résidence de Tsaritsyno (également à Moscou) et de la cathédrale de la Dormition de Iaroslavl. La pierre blanche de Staritsa est réputée de longue date. Il était facile de la transporter jusqu’aux villes situées sur la Volga, durant les saisons où elle était navigable. Le calcaire de Staritsa était également acheminé, avec plus de difficultés , jusqu’à Smolensk, Saint-Pétersbourg et même Arkhangelsk.  

Le pont de Staritsa

Le calcaire de la région est tellement blanc qu’il était appelé « marbre de Staritsa ». Son exploitation et son commerce étaient l’affaire de familles entières. On extrayait des blocs des carrières. L’hiver, on les transportait jusqu’au fleuve sur des traîneaux ; du printemps jusqu’à l’automne, tant que l’état du sol le permettait, on les faisait glisser sur des rondins. Au printemps, on les chargeait sur des centaines de barges.

Église de Parascève Vendredi actuellement fermée pour restauration

Durant les périodes de guerre, la population se réfugiait avec son bétail et des réserves de nourriture dans les grottes et les galeries longues de plusieurs kilomètres. Elles servaient aussi de cachettes aux partisans. Si l’accès à certaines a été condamné à l’explosif, il est toujours possible d’en visiter d’autres accompagné d’un guide. La carrière de Seltsov est réservée aux amateurs d’émotions fortes qui ne craignent pas les chauves-souris. Celle du « passage du blaireau » (дыхлоБарсучье – dykhlo Barsoutché), peu haute, sera appréciée de ceux qui ont l’expérience de ce genre de sorties.

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Panorama et monuments

La vieille ville de Staritsa fut construite sur la rive gauche de la Volga. Érigée sur un remblai, elle domine aujourd’hui la ville dont elle forme le centre historique. De la terrasse panoramique s’ouvre une vue époustouflante sur le monastère de la Dormition, la Volga et les « portes de Staritsa ». C’est ainsi que l’on appelle le relief que la Volga a créé au fil des millénaires en lessivant le plateau calcaire de la région et en finissant par couler entre des rives semblables à des murs. 

Vue sur la rive droite de Staritsa prise du remblai

Bien que Staritsa soit construite sur un sol calcaire, ses remblais avaient toujours été consolidés avec des poutres de bois. Les forges construites en pierre calcaire à la fin du XVIIIe siècle participaient à maintenir les remblais.

La vieille ville de Staritsa. Le monastère Saints-Boris-et-Gleb

Avec ses carrières de calcaire, Staritsa devait sa renommée à ses forgerons. Il fut un temps où ils produisaient jusqu’à vingt-cinq mille serpes par an. Seules sept des cinquante forges qui furent construites sont toujours debout. Elles semblent enfoncées dans le remblai qu’elles continuent de soutenir sur l’un de ses côtés. Leur ouverture est en arc couronné de créneaux. Sur l’une de ces forges, on distingue encore la date de construction : 1798.

Il est prévu de remettre les sept forges restantes en état. Pourront alors s’y installer des artisans locaux. Les alentours seront également réaménagés. Tout cela se fera dans le cadre d’un programme de rénovation de la ville que l’on aura du mal à reconnaître dans cinq ans. Le quai qui s’étire sur la rive gauche de la Volga a déjà été réhabilité.

Les forges de Staritsa

Sur ce même quai s’élève l’église Saint-Nicolas-le-Thaumaturge (ou église de la Transfiguration ) construite il y a plus de deux cents ans. Elle est actuellement en cours de restauration. Dans les années 1930, elle avait été transformée en boulangerie : ses chapelles furent démolies, son volume divisé en un rez-de-chaussée et deux étages, sa décoration intérieure complètement détruite.

Vue prise du clocher de l’église Saint-Nicolas-le-Thaumaturge

Il est aujourd’hui possible de monter dans le clocher, d’y entendre les cloches sonner au plus près en jouissant du panorama qui s’ouvre sur la ville. À l’intérieur de l’église , on peut aussi admirer des fragments des fresques qui sont miraculeusement parvenus jusqu’à nos jours. On peut aussi commander une brique à son nom qui sera utilisée pour la restauration de l’église et ainsi soutenir financièrement cette entreprise.

Briques nominatives

Toutes les icônes de l’église Saint-Nicolas-le-Thaumaturge sont dans le même style : elles sont recouvertes d’un revêtement métallique peu habituel. Ces feuilles de métal furent ouvragées dans le village de Borissovka, dans le gouvernement de Belgorod, au XIXe siècle. Parmi ces images saintes, on en trouve une où le Christ est représenté deux fois : il se tient à côté de sa mère qui le tient, enfant, dans ses bras.

Icône

Monastère de la Dormition

La légende veut que deux moines du monastère  des Grottes de Kiev érigèrent en 1110 une église en bois sur la rive droite de la Volga, à peu près au niveau où se termine le coude du fleuve. Leur réputation attira d’autres moines. Puis un petit village se développa autour de leur fondation. Ce fut non loin de là, sur l’autre rive du fleuve , que le prince de Tver Mikhaïl Iaroslavitch (1271/72-1318) décida de construire une forteresse.

Vue sur le monastère de la Dormition prise de la rive gauche de Staritsa

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Le monastère pour hommes de la Dormition est ceint de remparts de calcaire. Il connut une histoire tourmentée. Au XIVe siècle, il fut rasé lors des luttes de pouvoir entre les princes pour le titre de grand-prince . Au XVIIIe siècle, sous Catherine II, ses terres furent sécularisées. En 1919, les constructions de bâtiments en cours furent arrêtées. Ses remparts furent démolis et les blocs de calcaire récupérés pour d’autres chantiers.

Le mur d’enceinte du monastère de la Dormition entièrement restauré

Dans les années 2010, le monastère fut entièrement restauré . Une nuit, après l’achèvement des travaux, des moines auraient vu sous une des coupoles le visage du Christ éclairé d’un rayon de lumière.

Le monastère de la Dormition est également célèbre pour avoir été celui où Job, le premier patriarche de Moscou et de toute la Russie, avait pris la tonsure . Ce fut là qu’il fut relégué après avoir refusé de reconnaître le dernier fils d’Ivan le Terrible en la personne du premier Faux-Dmitri. Il mourut le 19 juin 1607 . Avec Ermogène et Tikhon, Job est l’un des trois patriarches de Moscou à avoir été canonisés.

Le monastère de la Dormition de Staritsa

Quarante-cinq ans plus tard, en 1652, les restes de Job furent transférés en la cathédrale de la Dormition de Moscou. Le sarcophage dans lequel il avait été inhumé resta au monastère de Staritsa. On raconte que, pendant l’époque soviétique, des étudiants venaient en secret, avant leurs examens, prendre du sable qui recouvrait le couvercle du sarcophage de Job pour le verser sur la page de leur manuel qu’ils avaient eu le temps d’apprendre. C’était l’assurance qu’ils seraient interrogés sur ce qui était sur cette page. Aujourd’hui, les fidèles ne peuvent plus toucher la tombe de Job, qui se trouve au sous-sol du clocher pyramidal. Des adolescents continuent de venir le voir  avant de passer leurs examens de fin de scolarité.

Aujourd’hui encore, de jeunes fidèles demandent à Job de leur permettre de réussir leurs examens.

Ville appréciée d’Alexandre Pouchkine

Staritsa et ses environs sont également connus comme « le cabinet de travail de Pouchkine dans la région de Tver ». Le poète vint plus d’une vingtaine de fois rendre visite à ses amis Wulf qui avaient plusieurs propriétés dans le gouvernement de Tver. Ce fut dans leur résidence à Malinniki qu’il composa le septième chapitre d’Eugène Onéguine et acheva son poème Antchar.

Inauguration du monument à Pouchkine à Staritsa en juin 2024

Alexandre Pouchkine séjourna également dans la résidence des Wulf dans le village de Bernovo. On peut aujourd’hui y visiter le musée qui lui est consacré et qui organise une grande fête tous les ans à l’occasion de son anniversaire, le 7 juin , dans le parc vallonné du domaine.

 Chaque année, les collaborateurs du musée Pouchkine de Bernovo organisent une grande fête à l’occasion de l’anniversaire de Pouchkine

Lorsqu’il venait à Staritsa, Alexandre Pouchkine se rendait aux offices célébrés au monastère de la Dormition, se faisait faire des cannes par les forgerons de la ville, achetait du vin pour ses dîners et fréquentait les bals donnés par le marchand Filippov, que l’on reconstitue aujourd’hui.

Des soirées culturelles et des bals sont aujourd’hui organisés dans la résidence des Filippov

À l’occasion du 225e anniversaire de la naissance du poète, un monument qui lui est consacré a été inauguré dans la rue qui porte son nom, près du monastère de la Dormition. Il s’agit du plus haut monument à Alexandre Pouchkine dans la région de Tver. Les habitants en sont fiers et affirment déjà : « Pouchkine séjourna à Boldino pendant la quarantaine (décrétée durant une épidémie de choléra – ndlr) et à Mikhaïlovskoïé pendant son exil. C’était par amour qu’il venait dans le gouvernement de Tver ».

Spectacle dans les rues de Staritsa durant lequel les personnages d’Alexandre Pouchkine, de son ami Alexeï Wulf et la vieille femme restée en vie après le raid des Mongols racontent tous les secrets de la ville

Jusqu’à l’arrivée de l’automne, saison qu’aimait tant le poète, on peut prendre part à la promenade-spectacle  « nous sommes tous Pouchkine»  dans les rue de Staritsa proposée par le bureau d’excursion N°1. Il est aussi possible de visiter la ville seul muni de  l’аudioguide La Staritsa de Pouchkine.

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Gastronomie

La spécialité de Staritsa est le feuilleté aux pommes Wulf. La légende veut qu’Alexandre Pouchkine goûta ce gâteau à Pavlovskoïé, une autre propriété des Wulf, l’apprécia immédiatement et se mit alors à signer ses lettres à Anna Kern par « Votre gâteau aux pommes tout à vous ».

Feuilletés aux pommes de Wulf

La recette en aurait été apportée d’Allemagne par la femme de Pavel Ivanovitch Wulf. Le feuilleté crémeux et peu sucré laisse progressivement s’exprimer la pomme. La recette se perdit et fut retrouvée récemment. Les touristes, comme les habitants de Staritsa, aiment tellement ce gâteau qu’il n’est pas toujours facile d’en trouver dans les pâtisseries de la région.

Photo : Production de la fraiserie de Grigorievo

Une autre spécialité de la région de Staritsa est la fraise du village voisin de Grigorievo. On y trouve maintenant une éco-ferme où l’on peut ramasser soi-même des fraises au goût délicatement sucré.

Edouard Iastrebov faisant déguster les fromages de sa fabrication

Si vous préférez le salé au sucré, vous vous rendrez avec plaisir à la fromagerie des frères Iastrebov. Ils vous proposeront de profiter de leur maison d’hôtes avec son poêle et son sauna (баня/bania) et vous inviteront à aller vous promener dans les champs où paissent vaches, chèvres et chevaux. Ils vous expliqueront également comment se fabriquent les fromages. Le lendemain matin, au petit-déjeuner, ils vous serviront du lait frais et vous feront déguster leur quiche maison.

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