Solikamsk, à la découverte d’un trésor architectural de l’Oural

 Solikamsk. Cathédrale de la Trinité, vue nord-est. À droite: clocher de la cathédrale.

Solikamsk. Cathédrale de la Trinité, vue nord-est. À droite: clocher de la cathédrale.

William Brumfield. 24 août 1999
L’historien de l’architecture et photographe William Brumfield est tombé sous le charme de Solikamsk. L’exploitation du sel a fait la fortune de cette ville du nord de l’Oural qui a su développer son potentiel minier et préserver son patrimoine architectural – l’un des plus impressionnants de Russie – presque intact.

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Au début du XXe siècle, le chimiste et photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a mis au point un procédé complexe permettant de réaliser des photographies en couleurs vives et détaillées. Sa vision de la photographie en tant que forme d’éducation et d’illumination a été démontrée avec une clarté particulière par ses photographies de monuments architecturaux dans les sites historiques du centre de la Russie.

Nyrob. Église Saint-Nicolas, vue nord-est.

La visite de Prokoudine-Gorski dans le nord de l’Oural, qui a vraisemblablement eu lieu au printemps 1913, à l’occasion du 300e anniversaire de la dynastie des Romanov, comprenait la ville de Tcherdyne et le petit village de Nyrob, qui étaient directement liés à l’histoire de la dynastie des Romanov. Le photographe connaissait personnellement Nicolas II et aurait volontiers entrepris un projet en son nom.

Solikamsk. Cathédrale de la Trinité, vue nord-ouest depuis le clocher de la cathédrale.

Origines de Solikamsk et commerce des minerais

Bien que Prokoudine-Gorski ait pris plusieurs photographies de ces régions reculées, il n’a pas laissé de traces de sa visite à Solikamsk, une ville historique plus importante située dans la même région, qu’il a probablement traversée en se rendant à Tcherdyne par le nord. Quoi qu’il en soit, Solikamsk possède l’un des ensembles d’architecture historique les plus impressionnants de toute la vaste région de Perm.

Solikamsk. Clocher de la cathédrale. Vue sud.

Située près de la rivière Kama, à quelque 370 kilomètres au nord de la ville de Perm, Solikamsk a été fondée en 1430, lorsque la famille marchande Kalinnikov (originaire de Vologda, dans le nord de la Russie) y a établi une saline. Le nom de la ville signifie d’ailleurs « sel de la Kama ».

Solikamsk. Église de l’Épiphanie, vue sud-ouest.

Aujourd’hui encore, l’économie de Solikamsk (population actuelle d’environ 90 000 habitants) dépend fortement de l’extraction du potassium et des sels connexes. À la fin du XVIIe siècle, Solikamsk servait également de point de transit majeur non seulement vers la Sibérie, mais aussi pour le commerce avec la Chine.

Solikamsk. Église de l’Épiphanie. Vue est avec des peintures sur les murs de l’abside.

La combinaison du raffinage du sel, de l’administration et du transport des marchandises vers les marchés a créé la base économique nécessaire à la construction de grands bâtiments à Solikamsk, en particulier d’églises. Malgré les graves pertes subies pendant les décennies de répression de la religion par l’Union soviétique, Solikamsk a préservé de nombreux édifices de son centre historique. Ces monuments architecturaux, ainsi que d’autres, se trouvent tous à proximité de la place du marché, qui définit aujourd’hui encore le centre de la cité.

Église de l’Élévation de la Croix, vue sud-est avec une décoration élaborée de la façade.

Influence orthodoxe

Église de l’Épiphanie. Iconostase.

Le principal monument de l’architecture religieuse de Solikamsk est la cathédrale de la Trinité, datant de la fin du XVIIe siècle, avec son clocher adjacent de 60 mètres et sa flèche qui ressemble à une étrange transplantation originaire de Saint-Pétersbourg – ce qui n’est pas étonnant, puisqu’elle a été construite en 1713, c’est-à-dire dix ans seulement après la fondation de la capitale impériale. Non loin de la cathédrale de la Trinité, se trouve la pittoresque église de l’Épiphanie, décorée de carreaux de céramique colorés. L’intérieur possède une superbe iconostase du début du XIXe siècle, miraculeusement intacte.

Maison du Voïvode (commandant d’une région militaire), vue sud-est. Construit entre 1673 et 1688, ce bureau administratif est le plus ancien bâtiment en maçonnerie conservé dans l’Oural. Le deuxième étage a été ajouté au début du XVIIIe siècle.

Le quatrième élément majeur de l’ensemble central de Solikamsk était la cathédrale de l’Élévation de la Croix, commencée en 1698 et consacrée en 1709. Située sur la rive gauche de la rivière Ousolka, cette église ancrait la vue de Solikamsk depuis l’ouest. De plan simple et de proportions inhabituellement larges, l’église possédait une grande coupole, recouverte à l’origine de bardeaux de bois. Pendant la période soviétique, lorsque le bâtiment a été transformé en brasserie, tous les éléments au-dessus du toit ont néanmoins été enlevés.

Couvent de la Transfiguration. À gauche: église de la Présentation, façade sud. À droite: clocher et église de la Transfiguration, vue sud-ouest.

Il existe d’autres églises et monastères à Solikamsk, dont la plupart sont regroupés à proximité de la place du marché central. L’extraordinaire ensemble architectural du centre de Solikamsk est l’une des composantes d’un élan créatif de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle.

Couvent de la Transfiguration

Église de l’Image Miraculeuse du Sauveur, vue sud.

À quelque 200 mètres à l’est de l’ensemble central, se trouve le couvent de la Transfiguration, doté en 1683 par Evdokia Chtchepotkina, la veuve d’un marchand moscovite qui s’était enrichi grâce au commerce avec Solikamsk. Malgré sa dotation, le couvent était pauvre et les récits contemporains indiquent qu’il ne possédait pas de champs ni de droits de pêche.

Le couvent de la Transfiguration dépendait donc des aumônes recueillies par les nonnes, qui vivaient dans de modestes habitations en rondins, typiques de la zone centrale de Solikamsk.

Église de l’Ascension (Trinité), monastère de l’Ascension-Trinité. Vue sud-est.

Toutefois, dès sa création, le couvent a reçu deux églises en briques, l’une pour l’hiver et l’autre pour l’été.

Monastère de l’Ascension-Trinité

Église Saint-Michel-Maleïnos, monastère de l’Ascension-Trinité. Vue sud.

À l’opposé, à l’extrémité ouest de Solikamsk, se trouve le monastère de l’Ascension-Trinité, qui existait déjà dans la seconde moitié du XVIe siècle. Reconstruit en 1608, il se composait de bâtiments en bois jusqu’à la fin du XVIIe, lorsque les travaux de l’église de l’Ascension (aujourd’hui cathédrale de la Trinité) ont commencé. Construite en 1698-1704 avec le soutien de la famille de marchands Sourovtsev, ce chef-d’œuvre distinctif possède une coupole et un toit simple au-dessus d’une structure aux murs blancs qui compte parmi les plus richement décorés de Solikamsk.

Une deuxième église en maçonnerie du monastère de l’Ascension a été construite en 1731-1734 et dédiée à Saint Michel Maleïnos (aujourd’hui, elle l’est à l’Ascension). Décorée de façon austère, l’église flanque la porte principale (est) du monastère et sert de base au clocher du complexe religieux.

En 1764, le monastère de l’Ascension a été fermé parce qu’il n’était pas viable économiquement dans le cadre des réformes monastiques de la Grande Catherine, et les locaux sont restés inutilisés pendant plusieurs années. En 1795, un transfert monastique a cependant conduit à sa reconsécration en tant que monastère de la Trinité, et les services ont repris.

Monastère de l’Ascension-Trinité. Photo historique de la procession de la croix depuis l’église Saint-Michel-Maleïnos pour reconsacrer l’église de l’Ascension-Trinité (à gauche) qui avait été utilisée comme prison à partir de 1938.

Fermé à la fin des années 1920, le monastère de l’Ascension-Trinité a été transféré en 1938 au NKVD pour servir de prison dans le cadre du système du Goulag. Les travaux de restauration des sanctuaires endommagés ont commencé à la fin des années 1980 et, en 1999, le monastère a été rendu à l’Église orthodoxe pour un usage actif.

Église de Jean-Baptiste

Église de la Nativité de Jean-Baptiste, vue sud-est.

L’église de Jean-Baptiste, située dans l’ancien village de Krasnoïé, est l’élément architectural dominant le plus éloigné des limites occidentales de Solikamsk. Se dressant près des rives de l’Ousolka, les formes élancées de l’église et son clocher à six niveaux pouvaient être vues de la rivière Kama et servaient ainsi de balise pour les bateaux se dirigeant vers Solikamsk via l’Ousolka.

Maison en bois (fin du XIXe siècle), 82, rue Naberejnaïa. À gauche: Maison du Voïvode.

Les formes hautes de l’église Saint-Jean-Baptiste sont apparues en deux étapes. La première, le « temple inférieur » dédié à Jean-Baptiste, a été initiée en 1715 et achevée en 1721 grâce à un don du marchand de sel Ivan Sourovtsev. L’église supérieure, dédiée à Saint Jean le Guerrier, a été achevée en 1772 grâce à un don du comte Alexeï Tourtchaninov, qui possédait le village de Krasnoïé ainsi qu’une grande usine de fonte de cuivre. Les façades de l’église Saint-Jean-Baptiste présentent des ornements typiques du style de Solikamsk.

Maison et magasin des Riazantsev.

Catherine la Grande et l’héritage du sel

Saline Riazantsev, maison et bureau du directeur.

Sous le règne de Catherine II, le développement minier et industriel de l’Oural s’est déplacé vers le sud, vers les nouvelles colonies de Perm et d’Ekaterinbourg, qui n’étaient pas desservies par la route de Babinov, mais par celle de Sibérie nouvellement ouverte.

Néanmoins, Solikamsk a connu une croissance modeste dans la dernière partie du XIXe siècle, un renouveau évident dans plusieurs bâtiments en brique dont la conception est typique des villes provinciales russes.

Saline Riazantsev, tour de pompage de la saumure Alexandre.

La principale raison de cette évolution positive a été la rénovation, dans les années 1870, des salines locales appartenant à la famille Riazantsev.

Saline Riazantsev, bac à sel. À droite: tour de pompage de la saumure de la Résurrection.
Saline Riazantsev. Bâtiment de la raffinerie de sel.

En effet, la production de sel s’est poursuivie dans les anciennes usines Riazantsev (sous propriété soviétique) jusqu’en 1972, et plusieurs des bâtiments massifs en rondins du XIXe siècle ont survécu – un exemple rare de structures industrielles en rondins sur leur site d’origine.

Saline Riazantsev. Grange à sel, façade sur la rivière Kama.

Au début du XXe siècle, le photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a inventé un procédé complexe de photographie en couleur. Entre 1903 et 1916, il a voyagé à travers l’Empire et pris plus de 2 000 photographies avec ce nouveau procédé, qui implique trois expositions sur une plaque de verre. En août 1918, il a quitté la Russie avec une grande partie de sa collection de négatifs sur verre et s’est finalement installé en France. Après sa mort à Paris en 1944, ses héritiers ont vendu sa collection à la Bibliothèque du Congrès américain, qui, au début du XXIe siècle, a numérisé la collection de Prokoudine-Gorski et l’a mise gratuitement à la disposition du public mondial. Un certain nombre de sites web russes en proposent désormais des versions. En 1986, l’historien de l’architecture et photographe William Brumfield a organisé la première exposition de photographies de Prokoudine-Gorski à la Bibliothèque du Congrès. Au cours d’une période de travail en Russie débutant en 1970, Brumfield a photographié la plupart des sites visités par Prokoudine-Gorski. Cette série d’articles juxtapose les vues de Prokoudine-Gorski sur les monuments architecturaux avec les clichés pris par Brumfield des décennies plus tard.

Chambranle de fenêtre décoratif d’une maison en bois (fin du XIXe siècle), rue Pervogo Maïa.

Dans cet autre article, William Brumfield vous emmène à la découverte de Taltsy, une oasis d’architecture en bois dans la région du lac Baïkal.

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