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Nous approchons d'un barrage routier dans les montagnes, nous arrêtant dans une légère confusion. Des hommes barbus en tenue de camouflage et armés de mitraillettes viennent alors à notre rencontre. L'un d'eux se penche près de la fenêtre et, entendant que nous sommes des journalistes, sourit largement et demande avec une curiosité enfantine : « C’est quoi comme voiture ? ».
Lorsqu'ils découvrent qu'il s'agit d'un tout nouveau SUV chinois Exeed VX, ils claquent d'admiration leur langue, demandent comment elle tient la route et si elle est chère. Après quelques minutes d'examen attentif, ils nous laissent partir, nous conseillant de faire attention car la chaussée s’avère glissante dans ces hauteurs.
Aéroport
Dès l'arrivée à l'aéroport de Grozny, la capitale de la Tchétchénie, l’on peut déjà sentir la couleur locale du Caucase du Nord. Sur le mur du complexe se trouve une immense photo du père de l'actuel dirigeant tchétchène Akhmad Kadyrov (tragiquement tué lors d'une attaque terroriste en 2007). L'aéroport porte d'ailleurs son nom, comme beaucoup d'autres choses en Tchétchénie. Les portraits de Kadyrov père, souvent côte à côte avec ceux de Ramzan Kadyrov et du président russe Vladimir Poutine, accompagnent en réalité le voyageur dans toute la république – on les trouve sur les bâtiments administratifs, sur les murs des universités et des écoles supérieures, partout.
À la sortie de l'aéroport, nous arrivons à la magnifique mosquée portant le nom de Ioussoup Sakkazov, un proche d'Akhmat Kadyrov. Elle a été inaugurée en 2011, mais a toujours l'air neuf et étincelant.
Les rues de Grozny
Les rues de Grozny étonnent également par leur allure moderne. Les façades des anciens bâtiments soviétiques sont méconnaissables car inhabituellement et magnifiquement recouvertes de verre et de carreaux colorés. Selon les habitants, ce goût pour la rénovation des vieux bâtiments n'est toutefois pas une fantaisie des autorités municipales. Ces édifices ont en effet gravement souffert de la guerre, qui, bien qu'elle se soit officiellement terminée en 2000, le régime d'« opération antiterroriste » n'a été levé qu'en 2009.
Grozny a été tellement ravagée qu'à un moment donné, il a même été question de déplacer la capitale vers une autre cité tchétchène, Goudermes. Ces témoins vivants de la tragédie auraient bien sûr pu être simplement rafistolés et peints, mais ils seraient alors restés de tristes monuments du récent conflit. Leur conception inhabituelle les a donc finalement transformés en éléments d'un nouveau temps, d'une nouvelle vie.
Un bon nombre de bâtiments délabrés étaient toutefois totalement impropres à la reconstruction et de nouveaux ont été érigés à leur place. Quelque part, sur l'avenue Vladimir Poutine, par exemple, des répliques exactes de bâtisses de l'époque stalinienne sont sorties de terre pour remplacer celles ayant été complètement détruites. Seule la pierre fraîche et brillante des façades trahit leur nouveauté.
Grozny compte également de nombreuses constructions dont la conception est entièrement nouvelle. Et ce n'est pas seulement le cas du quartier de Grozny-City, déjà bien connu, avec ses gratte-ciels, mais aussi de centres commerciaux et de stades modernistes.
Il n'y a pas beaucoup de passants dans les rues, et la ville semble parfois un peu trop grande pour le nombre de personnes qui y vivent (un peu plus de 300 000 habitants actuellement). Il se peut cependant qu’il s'agisse de l'impression d'une personne habituée à l'exiguïté des conditions de vie dans la mégapole moscovite.
Les rues sont parcourues par des flopées de jeunes femmes joyeuses, dont beaucoup d'étudiantes, certaines voilées, selon la tradition locale, d'autres non.
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Mosquées
Les bâtiments dominants de la Tchétchénie sont bien sûr les nouvelles mosquées, qui sont de nos jours construites en abondance dans la république.
La principale, d'un faste et d'une beauté incroyables, qui prétend être la plus grande mosquée d'Europe, est celle baptisée « Cœur de la Tchétchénie » et auquel le nom d’Akhmad Kadyrov a également été accolé. Son prototype a été le monument architectural mondial qu’est la légendaire mosquée bleue d'Istanbul. Malgré son ampleur, elle a été érigée en un temps record – en un peu plus de deux ans.
Elle peut accueillir plus de 10 000 personnes et est entourée d'un immense parc sur les rives de la rivière Sounja. Elle fait également partie du complexe dit « islamique », qui comprend l'Université islamique de Russie portant le nom de Kunta Hadji et la Direction spirituelle des musulmans de Tchétchénie.
La deuxième plus importante mosquée, tout aussi immense et belle, est celle de la « Fierté des musulmans » dans la ville de Chali. La troisième, à Argoun, est quant à elle entièrement différente. Elle a été exécutée dans un style moderniste et s'appelle « Cœur de la mère » (elle est dédiée à la mère de Ramzan Kadyrov).
Cependant, outre ces mosquées, qui sont remarquables à tous égards, de nombreuses autres, plus petites, sont en cours de construction à travers toute la république.
Les montagnes
Les montagnes anciennes sont probablement l'une des principales attractions de la Tchétchénie d'aujourd'hui. Elles n'entourent pas immédiatement le voyageur : Grozny même et l'aéroport se trouvent sur une vaste plaine plate, où rien ne rappelle les sommets des monts. C'est ici que l'agriculture est très développée, car le climat doux et les terres fertiles permettent non seulement l'élevage de bétail, mais aussi la culture végétale. Les hivers n'y sont pas rudes et les températures peuvent très rarement et brièvement descendre juste en dessous de zéro.
Cependant, il suffit d'une demi-heure de voiture en direction du lac Kazenoï-am (à la frontière avec une autre république du Caucase du Nord, le Daghestan) pour que les montagnes commencent à vous encercler et que des routes serpentines se dessinent. L’état de ces dernières est plutôt bon et mon tout nouveau véhicule y circule sans problème. Il n'y a cependant pas de glissières de sécurité, ce qui oblige le conducteur à être très prudent. L’on ne trouve pas non plus de marquage partout, ce qui est particulièrement frustrant la nuit, lorsque la voiture pourrait se contenter de le suivre toute seule.
Dans de nombreux endroits, l’on peut tomber inopinément sur une tour de taïp (clan). De telles structures sont caractéristiques de tous les peuples du Caucase du Nord.
Autrefois, ces tours offraient un abri aux hommes d'un clan en cas de menace de règlement de compte de la part d’une autre lignée rivale. Elles étonnent aujourd'hui le voyageur par leur puissance et leur solitude.
Le paysage montagneux tchétchène apparaît très diversifié. Les amateurs de beauté sauvage y trouveront des zones rocheuses dénudées, interrompues ici et là par de pittoresques lacs, mais aussi des montagnes dites humides, envahies de forêts, où les moutons paissent sur des pâturages verticaux couleur d’émeraude.
En hiver, le temps en altitude s’avère cependant capricieux et, le jour où j'ai entrepris l'ascension des montagnes « humides », il pleuvait tout d’abord des cordes, tandis qu’au fur et à mesure que je montais, cela s'est transformé en d’opaques chutes de neige offrant une visibilité nulle. L’on ne pouvait alors que deviner à quel point la vue était belle aux alentours. Dans de telles conditions, les routes de montagne deviennent instantanément dangereuses et difficiles à parcourir. Par conséquent, si vous décidez d'explorer de près la beauté tchétchène, assurez-vous de choisir une saison chaude et le bon véhicule.
Dans cet autre article, retrouvez le récit de voyage d’un Français dans une autre envoutante république russe du Caucase, l’Ossétie du Nord.