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L’histoire de la ville de Miass, située dans les montagnes de l'Oural, remonte à novembre 1773 lorsque le ministère russe des Mines (Bergcollegium) de Saint-Pétersbourg a émis un oukaze autorisant avec le consentement de Catherine II (la Grande) la création d'une fonderie de cuivre sur la rivière Miass, près du mont Ilmen.
À l'été 1909, le chimiste et photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski (voir l'encadré ci-dessous) a photographié Miass et le paysage environnant depuis le mont Ilmen. La visite faisait partie d'une vaste expédition dans les monts Oural. Voyageant avec le soutien logistique du ministère des Transports, il a réalisé des prises de vue allant de la nature imposante aux grandes usines sur une vaste zone qui s'étendait de Perm (du côté européen de l'Oural) à Ekaterinbourg puis à Tcheliabinsk (lien hypertexte vers mon article) du côté asiatique au sud de l'Oural.
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Histoire ancienne
La fonderie de cuivre d'origine a été créée par Larion Louguinine (1721-86), qui venait d'une famille de riches marchands de la ville de Toula. Louguinine a entamé dans les années 1760 l'expansion de son activité dans le sud des monts Oural, en achetant des usines et des forêts au plus grand propriétaire foncier de la région, le comte Alexandre Stroganov. Le centre des opérations de Louguinine était la ville de Zlatooust, mais les difficultés de transport vers l’est, jusqu’à la source de minerai de cuivre, près de la rivière Miass ont finalement débouché sur la décision de créer un nouveau complexe d’usines sur ce site.
Une pétition couronnée de succès de Louguinine en 1773 a représenté une nouvelle phase dans le développement de la métallurgie dans le sud des monts Oural. Les travaux de création du complexe de l'usine ont cependant été retardés par le soulèvement de Pougatchev rassemblant des paysans, des serfs d'usine, des cosaques et des Bachkirs qui a balayé le sud de l'Oural et le bassin de la Volga en 1773-1775. Le traumatisme lié à cette importante rébellion paysanne contre l’expansion du servage sous le règne de Catherine est à jamais resté dans la mémoire russe.
Suite à la répression du soulèvement, Louguinine reprit ses projets de construction de la fonderie de cuivre en 1776. La main-d'œuvre se composait principalement de paysans serfs amenés de provinces lointaines, mais il accepta aussi des serfs fugitifs d'autres usines. (Les usines de Louguinine étaient bien gérées et l’usine Miass avait un hôpital, une rareté à l’époque). Les premiers lingots de cuivre ont été produits en août 1777.
Après la mort de Louguinine, l’usine Miass a été héritée par deux de ses neveux en 1787, et une décennie plus tard, l’usine a été vendue à l’État. Sans les compétences de gestion de Louguinine et son dévouement à l’entreprise, la production de cuivre a décliné. Au milieu du XIXe siècle, son activité avait complètement cessé.
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Ruée vers l'or
Néanmoins, Miass a repris vie avec la découverte d'or le long de la rivière au début du XIXe siècle. L'or se trouve souvent à proximité du cuivre, et des dépôts se sont créés en direction de la rivière.
Au milieu des années 1830, la vallée voisine de la rivière Miass était devenue un centre de prospection aurifère de Russie, avec plus de 50 mines d'or primitives ainsi que plusieurs sites d'exploration. L'opération la plus rentable fut la mine tsar Alexandre, ainsi nommée en l'honneur de la visite d'Alexandre Ier dans la région dans le cadre de son long voyage à travers l'Empire russe en 1824. La plus grande pépite d'or, appelée « Gros Triangle », y a été trouvée en 1842 avec un poids d'un peu plus de 36 kg (les plus grosses pépites d'or connues au monde ont été trouvées en Australie au milieu du XIXe siècle et pesaient deux fois plus lourd).
La consolidation et les progrès techniques ont permis la poursuite du boom aurifère dans la seconde moitié du XIXe siècle et sont devenus le pilier de la ville. L'ampleur de sa prospérité était reflétée par la prolifération de maisons en briques richement décorées. Plusieurs sont encore debout, comme le montrent mes photographies de 1999.
La plus importante d’entre elle appartenait à Egor Simonov, qui de simple prospecteur est devenu le plus riche mineur et marchand d’or de la ville. Son manoir, ainsi que l'enceinte et le magasin attenants, accueillent maintenant le musée d'histoire régionale.
Une autre impulsion au développement a eu lieu en 1891, lorsque Miass a servi de point de lancement occidental pour la construction de la ligne d'origine (sud) du chemin de fer transsibérien, qui s'étendait de Miass sur environ 7000 km jusqu’à Vladivostok.
Au moment de la visite de Prokoudine-Gorski, la population de Miass avait atteint près de 20 000 habitants. La ville comptait trois églises, dont deux ont été démolies à l'époque soviétique. Miass avait également une mosquée, qui a également été détruites, mais dont le minaret en flèche est resté et est enregistré dans mes photographies de 1999.
Le cimetière de l'église de la Trinité, construit en 1886-89 dans un style néo-russe festif, a été fermé en 1936 mais rouvert en 1944 dans le cadre d'un rapprochement entre le régime soviétique et l’Église orthodoxe. Cette politique a joué un rôle particulier dans les villes-usines de la région de Tcheliabinsk, où il a été noté qu'une église qui fonctionnait entraînait une augmentation de la productivité des travailleurs.
Vue d'en haut
Plutôt que de photographier la ville, Prokoudine-Gorski et ses assistants ont emmené son appareil photo encombrant sur l'une des hauteurs de la chaîne de monts Ilmen. La vue la plus informative montre la vaste gare de Miass (maintenant connue sous le nom de Miass III). Des groupes de wagons couverts se dressent sur les voies, le long desquelles se trouvent les entrepôts et le bâtiment de la gare. Un grand château d'eau est partiellement visible sur la gauche. À l'extrême gauche se trouve une petite partie du lac Ilmen.
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En raison de son emplacement ferroviaire stratégique, Miass a servi pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale de point de réinstallation pour les entreprises évacuées des régions occidentales du pays. Les usines évacuées au début des années 40 ont servi de base à la diversification industrielle de la ville, notamment dans le domaine de la production de moteurs et automobile. L'exploitation aurifère a de son côté été relancée dans les années 1930.
Avec une population de quelque 150 000 habitants actuellement, Miass a également profité de son superbe cadre naturel (photographié par Prokoudine-Gorski) pour devenir un centre touristique avec plusieurs réserves naturelles entourant les lacs et collines du district. Dans le même temps, les défis écologiques ont débouché sur des campagnes visant à préserver la beauté naturelle de la région.
Au début du XXe siècle, le photographe Russe Sergueï Prokoudine-Gorski a mis au point un processus complexe pour la photographie couleur. Entre 1903 et 1916, il a voyagé au travers de l'Empire russe, et a pris plus de 2 000 photographies en utilisant ce processus, qui impliquait trois expositions sur une plaque de verre. Il a quitté la Russie en août 1918, et s'est finalement installé en France avec une grande partie de sa collection de négatifs sur plaque de verre. Après sa mort à Paris en septembre 1944, ses héritiers ont vendu la collection à la bibliothèque du Congrès américaine. Cette dernière a digitalisé la collection de Prokoudine-Gorski et l'a mise en libre-accès pour le public au début du XXIe siècle. Un grand nombre de sites internet russes en proposent désormais des versions. En 1986, l'historien de l'architecture russe et photographe William Brumfield a organisé la première exposition des photographies de Prokoudine-Gorski à la bibliothèque du Congrès américaine. À partir de 1970, Brumfield, travaillant alors en Russie, a photographié la majorité des sites visités par Prokoudine-Gorski. Cette série d'articles juxtaposera les vues de Prokoudine-Gorski sur les monuments architecturaux avec les photographies prises par Brumfield plusieurs décennies plus tard.
Dans cet autre article, William Brumfield vous propose l’incroyable récit de l’icône disparue de Smolensk.