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Grands et redoutables, les bœufs musqués font partie des animaux les plus anciens du monde. Ils sont arrivés en Sibérie il y a 3,5 millions d’années, descendant des montagnes de l’Himalaya, et se sont progressivement déplacés vers le nord du continent. Il y a environ 190 000 ans, ils ont traversé la Béringie (le pont terrestre qui existait encore il y a quelques millénaires à la place de l’actuel détroit de Béring entre l’Alaska et la Russie) pour entrer en Amérique et se sont installés en Alaska et au Canada.
Ils ont survécu à plusieurs changements climatiques mondiaux et à de nombreux autres animaux, dont les mammouths. Cependant, il y a 3 000 ans, il n’y avait plus de bœufs musqués en Eurasie. La raison en est l’homme, qui le chassait. Seuls des scientifiques soviétiques ont pu ramener le bœuf musqué au Taïmyr.
Soit un taureau, soit un bouc
Les scientifiques ne s’entendent toujours pas sur la nature du bœuf musqué. Certains pensent qu’il s’apparente aux taureaux, d’autres aux chèvres (comme, par exemple, les boucs de montagne). Un troisième avis avance qu’il s’agit d’un genre à part entière, car tous ses autres parents sont éteints depuis longtemps. Il est en vérité assez difficile d’établir des liens génétiques entre cet animal ancien et les espèces modernes. Jusqu’à présent, l’on considère que l’un de ses seuls parents vivants est le takin, bovidé caprin que l’on trouve dans l’Himalaya.
Il est intéressant de noter que, malgré son nom, il ne dispose pas de glandes à musc. Cette appellation viendrait en réalité d’un mot désignant, dans la langue des Indiens du Canada, une « zone marécageuse ».
Il paraît plus grand à cause de son pelage
Grâce à sa laine longue et épaisse, le bœuf musqué paraît deux fois plus grand qu’il ne l’est. Il atteint 1,5 mètre au garrot et jusqu’à 2,5 mètres de long. Le mâle pèse environ une demi-tonne, soit presque deux fois plus que la femelle. La nature a pris soin de cacher les oreilles et la queue du bœuf musqué sous la laine.
Son sous-poil est très chaud, 8 fois plus que la laine de mouton, et il protège son propriétaire des gelées et des vents. Lors de la mue de printemps, un grand bœuf musqué perd trois kilos de duvet.
Cela peut paraître surprenant, mais pendant l’hiver rigoureux, les bœufs musqués paissent dans les endroits les plus venteux. En effet, la neige y est moins abondante et il leur est plus facile de déterrer de savoureuses plantes.
Ermites de l’Arctique
En général, un troupeau de bœufs musqués se compose de quelques femelles et de leurs petits. Lorsque les mâles grandissent, ils peuvent partir pour la toundra forestière – ils ont besoin de penser à leur propre vie, d’acquérir de l’expérience. Comme les humains.
Les zoologues ont même calculé que les bœufs musqués mâles peuvent s’éloigner de 700 kilomètres de leur troupeau reproducteur ! C’est pour cette raison qu’on les surnomme les « ermites de l’Arctique ».
Cependant, pendant le rut, ils rejoignent les troupeaux avec les femelles et chassent parfois les jeunes. La période la plus active pour eux se situe entre la fin du mois de juillet et la fin septembre, lorsqu’ils sont à la recherche d’une partenaire. Si plusieurs mâles revendiquent une femelle, ils s’affrontent. Le combat est rarement fatal ; en règle générale, le mâle perdant s’enfuit.
Ils se rassemblent en demi-cercle pour survivre
Il n’est pas rare de voir sur les photos des bœufs musqués rassemblés en demi-cercle, comme pour prendre la pose. En fait, c’est leur stratégie pour protéger leur troupeau. Les plus petits se tiennent au centre, les plus grands sur les côtés. Ils ne se contentent pas de se tenir immobile ainsi, ils peuvent aussi se déplacer dans la toundra de cette façon.
Ils le font aussi pendant les tempêtes de neige, en se tenant dos au vent. Ils se rassemblent également en demi-cercle lorsqu’ils voient un ennemi – dans l’Arctique, ce sont les loups.
Retour dans l’Arctique
Des paléontologues ont trouvé des restes d’anciens bœufs musqués dans les territoires arctiques russes. Les plus « jeunes » avaient 3 000 ans. Néanmoins, certains scientifiques pensent que les derniers animaux ont disparu bien plus tard, peut-être il y a seulement 400 ans.
L’on sait qu’au début du XXe siècle, les bœufs musqués ne vivaient qu’au Canada et que leur population a été placée sous protection. Au milieu du siècle dernier, des troupeaux de bœufs musqués ont également été reconstitués en Alaska. Des scientifiques des pays scandinaves ont aussi essayé de les ramener, mais ces tentatives ont échoué.
Dans les années 1970, un programme de réacclimatation des bœufs musqués a été lancé au Taïmyr soviétique. En 1971, une délégation de haut rang du Canada, conduite par le Premier ministre Pierre Elliott Trudeau, s’est rendue à Norilsk, dans le Grand Nord sibérien. C’était la première fois que le chef d’un autre État visitait cette ville industrielle. Les Canadiens ont alors été immensément surpris que le peuple soviétique ait pu construire dans l’Arctique une si belle cité dotée d’une infrastructure développée. Or, au cours de cette visite, les scientifiques soviétiques ont dit au Premier ministre qu’ils aimeraient reproduire une population de bœufs musqués, et Trudeau a promis de les aider. En 1974, les 10 premiers bœufs musqués âgés de 15 mois (autant de femelles que de mâles) ont ainsi été relâchés sur la péninsule du Taïmyr, après avoir été spécialement capturés sur l’île Banks.
En 1975, 40 autres bœufs musqués ont été amenés en URSS, cette fois depuis l’île de Nunivak (Alaska). La moitié d’entre eux a été envoyée au Taïmyr et l’autre sur l’île Wrangel, en Tchoukotka. Au début des années 1990, les bœufs musqués se sont répandus sur l’île Wrangel et dans le nord de la Iakoutie, avant d’être introduits sur la péninsule de Iamal.
Aujourd’hui, plus de 16 000 bœufs musqués vivent dans l’Arctique russe, soit le plus grand nombre après le Canada (qui en compte plus de 100 000). Ils vivent principalement au Taïmyr, et environ 4 000 en Iakoutie. L’île Wrangel compte 1 100 bœufs musqués. Sur Iamal, ils sont environ 400, dont la moitié dans une réserve naturelle.
Partout où les bœufs musqués vivent aujourd’hui, ils sont suivis par des spécialistes.
La prochaine tâche des scientifiques russes est de déterminer comment domestiquer le bœuf musqué. Ils s’intéressent particulièrement au duvet de ces animaux arctiques.
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