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Lorsque nous avons récemment rendu visite aux Tchouvaches, ce peuple turcique vivant principalement le long de la Volga, notamment dans la République de Tchouvachie, mais aussi dans les Tatarstan et Bachkortostan voisins, nous avons été frappés par les bijoux de leurs femmes.
Il s’agissait de casques solidement recouverts de pièces de monnaie soviétiques et anciennes.
Il s’est ensuite avéré qu’il s’agissait de coiffes et de colliers assez simples. Les bijoux traditionnels des femmes tchouvaches, faits de pièces de monnaie, pouvaient peser jusqu’à 15-16 kilos !
Coiffe en argent
Les pièces de monnaie étaient utilisées comme bijoux par de nombreux peuples indigènes de Russie : elles étaient portées en Oudmourtie, au Tatarstan, au Mari-El et au Bachkortostan. Cependant, c’est en Tchouvachie que ces bijoux féminins ont pris une ampleur incroyable.
L’élément principal était la coiffe, que l’on fabriquait soi-même. La coiffe « toukhia » d’une jeune femme célibataire ressemblait à un casque de guerrier, tandis que celle d’une femme mariée, appelée « khouchpou », avait une couronne ouverte et une longue « queue ». La lourde queue permettait de maintenir le dos droit.
Les coiffes étaient généreusement chargées de lourdes pièces d’argent, et s’il en manquait, on utilisait des « jetons », c’est-à-dire des imitations de pièces de monnaie. Les meilleures pièces étaient placées sur les tempes, et c’est en marchant qu’elles tintaient le plus fort. Seules les pièces hors d’usage pour les transactions étaient utilisées à cette fin. Les musées et les photographies anciennes montrent clairement des pièces étrangères, qui sont apparemment arrivées en Tchouvachie le long de la Volga, principale voie commerciale du pays dans le passé. Outre les pièces de monnaie, les perles et les petits coquillages étaient utilisés dans les coiffes. Ils étaient eux aussi des indicateurs de richesse.
« Une fille revêtait la toukhia lorsqu’elle entrait en âge de procréer, montrant ainsi qu’elle était prête pour le mariage et la perpétuation de la lignée », explique Nadejda Selverstrova, directrice du musée de la broderie tchouvache à Tcheboksary, capitale de la République de Tchouvachie. La toukhia était portée en permanence et pouvait être accompagnée de colliers de pièces de monnaie (appelés « tchaptchouchka ») et de boucles d’oreilles (« alga »).
Lors de la cérémonie de mariage, la jeune femme portait la khouchpou et sa toukhia était transmise à ses sœurs cadettes. « La khouchpou était portée les jours de fête, explique Nadejda, et lorsqu’une femme était déjà âgée, elle la donnait à sa fille aînée, et elle-même se mettait à porter un châle "sourpane". Si la femme portait un khouchpou, c’était comme si elle disait qu’elle pouvait encore enfanter ».
Outre les coiffes, les femmes tchouvaches portaient également des colliers « chioulguémé ». Ils ressemblent à une bourse ou à une assiette entièrement constituée de pièces de monnaie, avec un accessoire décoratif au centre (un signe tribal y était souvent représenté). Les pièces de monnaie étaient également utilisées pour fabriquer des boucles d’oreilles (« alga »), également lourdes et sonnantes.
Tant talisman qu’investissement
Ces bijoux, comme le croyaient les Tchouvaches dans les temps anciens, étaient un talisman contre les forces maléfiques, précise Nadejda. « En règle générale, les filles étaient données en mariage au loin, de sorte qu’il n’y avait pas de mariages de parents proches, et en arrivant dans un nouvel endroit, il fallait à la fois montrer son statut et se protéger des esprits nouveaux et inconnus ». Selon la croyance traditionnelle tchouvache, tous les êtres vivants, des sources d’eau aux forêts, avaient leurs propres esprits.
Ce ne sont pas les pièces en tant que telles, mais l’argent dont elles sont faites qui, selon eux, a des propriétés protectrices. Il est d’ailleurs aujourd’hui scientifiquement prouvé que ce métal est capable d’éliminer les bactéries. En revanche, les pièces et jetons en or ne se trouvaient pratiquement jamais dans les bijoux tchouvaches.
Il existe cependant une légende fantastique sur l’origine du « casque » avec des pièces de monnaie. Il semblerait que parmi les lointains ancêtres des femmes tchouvaches se trouvaient des amazones réputées pour leurs qualités de combattantes. Les dernières représentantes se seraient installées dans la région de la Volga et leur cotte de mailles serait devenue le costume national des Tchouvaches. À propos, les hommes tchouvaches ne portent pas de pièces de monnaie dans leurs costumes.
Pourquoi ont-elles cessé de porter des pièces de monnaie ?
À première vue, les costumes traditionnels semblent dater de temps immémoriaux. Pourtant, les tenues modernes que les habitants de l’arrière-pays russe ont commencé à porter ne datent que de quelques décennies. Avant cela, tout était cousu (ou même tissé) par les habitants eux-mêmes.
Les Tchouvaches chérissaient leurs bijoux en argent, qu’ils se transmettaient de génération en génération. Toutefois, aujourd’hui, il n’en reste presque plus, car lors de l’industrialisation et de la dékoulakisation (dépossession des paysans riches) au début de l’ère soviétique, puis pendant la Seconde Guerre mondiale, les Tchouvaches ont remis leurs pièces de monnaie à l’État. Avec le produit de cette vente, celui-ci a acheté des machines, qu’il s’agisse de tracteurs ou de chars d’assaut. Pendant les années de famine, les pièces étaient également échangées contre de la nourriture.
Il est probable que les derniers bijoux historiques de ce type ne se trouvent plus aujourd’hui que dans des villages tchouvaches très éloignés et dans des musées ethnographiques. « Les gens nous apportent leurs bijoux de famille pour les mettre en sécurité », confie Nadejda.
Dans cet autre article, découvrez ce village tchouvache païen du Tatarstan résistant à l’islam et à l’orthodoxie et réalisant encore des sacrifices au dieu Toura.
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