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Dans le paganisme russe ancien, l'image de la femme-oiseau revêtait plusieurs interprétations et possédait des racines remontant loin dans le passé. Certains pensaient que c'était une grande chance de rencontrer ces créatures, tandis que d'autres croyaient que le malheur était alors imminent. Sirine, Alkonost et Gamaïoun sont les noms qui leur sont attribués dans la mythologie slave. Elles ressemblent toutes à des oiseaux à visage féminin, mais jouent des rôles différents. Quelle est exactement la différence entre elles ?
La Sirine, début du XIXe siècle, artiste inconnu / L'Alkonost, début du XIXe siècle
Domaine publicSelon la légende, la Sirine et l’Alkonost sont des oiseaux d’Iriï, nom donné au paradis mythologique slave, où habitaient les dieux supérieurs. Elles sont capables de se déplacer entre les mondes, et se retrouvent donc parfois dans celui des hommes. Ces deux créatures ont une voix magique et enchanteresse, apte à induire une personne en transe et même à la rendre folle.
La Sirine et l'Alkonost, gravure datant environ de 1840
Legion MediaPour les Slaves, la Sirine et l’Alkonost étaient l'incarnation du dieu Veles – le deuxième plus puissant du panthéon des divinités slaves. Au fil du temps, la Sirine est cependant devenue l'incarnation du côté obscur de la divinité, et l’Alkonost celle du côté lumineux. C'est pourquoi la Sirine et l’Alkonost sont souvent représentées ensemble comme des oiseaux inséparables de tristesse et de joie.
La Sirine et l'Alkonost. Oiseaux de la joie et de la tristesse, 1896, par Viktor Vasnetsov
Galerie Tretiakov/Domaine publicLes oiseaux se distinguaient par leur apparence : très souvent, l’Alkonost est représentée avec des bras féminins (au-dessus de la taille, elle est de forme humaine, mais avec des ailes et des pattes d'oiseau). La Sirine est quant à elle représentée comme un oiseau, seulement avec un visage féminin.
Baba Yaga et les vierges-oiseaux, 1902, par Ivan Bilbine
Domaine publicL’on pensait également que leur chant était d'une nature différente. Alors que celui de l'Alkonost ne faisait aucun mal et donnait de la joie, les ritournelles de la Sirine pouvaient parfois être dévastatrices pour une personne. En écoutant sa voix, l'homme oubliait tout ce qui existe dans le monde et perdait sa volonté, tombait en transe et pouvait effectuer une transition vers un autre monde, c'est-à-dire perdre tout simplement la raison, ou mourir. Pour cette raison, les croyances populaires disent que Sirine a peur des bruits forts, capables de rompre son charme, et pour l'effrayer, les gens faisaient donc sonner les cloches et jouaient de la trompette.
L'Alkonost, 1905, par Ivan Bilibine / La Sirine, première moitié du XIXe siècle
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Les chercheurs pensent que la sirène de la mythologie grecque était le prototype de la Sirine, car la description de cette dernière ressemble fortement au comportement des créatures qui attirent les marins vers la mort. Cependant, avec l'avènement du christianisme, l'image païenne a reçu une signification plus adaptée au nouveau paradigme religieux.
La Sirine, illustration datant d'avant 1928, Sergueï Solomko
Domaine publicA survécu un petit nombre d'images de cet oiseau paradisiaque arborant des seins nus. Cette image est considérée comme plus archaïque, associée aux temps où l'animisme – le culte des forces de la nature – était répandu. Sous cette forme, la créature était interprétée comme l'incarnation de la féminité et de la nourrice de toute la race humaine. Cependant, l'influence de la Grèce antique l'a transformée au fil du temps.
La Sirine par Ivan Bilibine
Domaine publicDe son côté, l’image de l’Alkonost serait empruntée à un autre mythe grec, celui d’Alcyone. Selon cette légende, le mari d'Alcyone s’est tué au cours d'une tempête, la poussant à se jeter à la mer, accablée par le chagrin. Cependant, les dieux ont eu pitié d'elle et l’ont transformée en un oiseau courageux. L'apparition du mot Alkonost est attribuée à une erreur de traduction de la légende d'Alcyone.
L'Alkonost, 1881
Domaine publicLes représentations de la femme-oiseau magique étaient répandues dans l'art traditionnel. Son image se retrouve sur tous les objets du quotidien, des coffres aux rouets, en passant par les traîneaux. Cependant, dans ce contexte, les créatures agissaient plutôt comme des amulettes contre la malchance.
Cuillères en bois peintes de la collection de la Moscovite Lilia Rikhter
Alexeï Boïtsov/SputnikLa Sirine et l’Alkonost rappellent en outre fortement un autre oiseau de paradis – le Gamaïoun. En Rus’, il était qualifié d'oiseau prophétique et l’on croyait qu'il était un messager des dieux. Les gens étaient persuadés que le Gamaïoun savait tout sur le passé et l'avenir, mais que seuls ceux qui comprenaient sa langue d’oiseau pouvaient saisir le sens de ses prédictions. Dans tous les cas, les Slaves jugeaient que le cri même du Gamaïoun était déjà un bon présage.
Illustration d'Ivan Bilibine
Domaine publicLes origines de cette créature se trouvent quant à elles dans le folklore iranien, notamment dans l'oiseau mythique Homa.
Gamaïoun, l'oiseau prophète, par Viktor Vasnetsov
Musée des arts figuratifs P. Gamzatova du Daghestan/Domaine publicGamaïoun doit l’image que nous lui attribuions principalement aujourd’hui à Viktor Vasnetsov, qui l’a représentée dans son tableau de 1897 Gamaïoun, l'oiseau prophète. Elle y apparaît comme un oiseau aux ailes noires avec un visage féminin endeuillé « dépourvu de toute royauté » et aux traits enfantins.
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