Cadre du film "Voyage au bout de l'enfer" de Michael Cimino
Michael Cimino/Universal Pictures; EMI Films, 1978Russia Beyond désormais sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr
« Voulitch passa dans l’autre chambre et s’assit auprès de la table. Tous le suivirent. Il nous fit signe de nous asseoir tout autour. Ses lèvres pâles sourirent légèrement et, malgré son sang-froid, je lus comme l’empreinte de la mort sur son pâle visage. Je l’ai remarqué, souvent sur le visage de l’homme qui doit mourir dans quelques heures, il y a quelque étrange expression de sort inévitable.
– Vous mourrez aujourd’hui ! lui dis-je.
Il se retourna vivement vers moi et me dit lentement et avec calme :
– Peut-être oui, peut-être non ! Puis se tournant vers le major, il demanda :
– Ce pistolet est-il chargé ?
Dans sa préoccupation, celui-ci ne comprit pas bien. »
Illustration de V. Poliakov pour "Un Héros de notre temps"
Mikhaïl Lermontov/Martin, 2020Ce passage du roman classique Un Héros de notre temps du grand auteur russe Mikhaïl Lermontov décrit un pari entre deux officiers de l'armée impériale russe qui souhaitaient découvrir si le destin était prédéterminé ou régi par les hommes.
En l'absence de preuves empiriques suffisantes, ils se sont tournés vers un pistolet et la chance, menant une expérience très similaire à ce qui est largement connu sous le nom de « roulette russe », un « jeu » mortel et enveloppé de mystère.
Bien qu'aujourd'hui encore, des gens continuent de mourir à cause de cette pratique, on sait peu de choses sur ses origines et sur sa véritable ampleur.
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Cadre du film "13 Tzameti" de Gela Babluani
Gela Babluani/Paramount Vantage, 2010Ce qui est sûr, c'est que la roulette russe est une référence très populaire auprès des écrivains et des cinéastes du monde entier. D'innombrables intrigues ont été créées autour de ce thème particulier.
Selon une théorie répandue, Georges Arthur Surdez, auteur américain de récits d'aventures, a inventé le terme de roulette russe lorsqu'il a publié une nouvelle du même titre dans le magazine Collier's en 1937.
L'histoire fictive est racontée par un soldat français qui a eu l'occasion de voir comment les officiers russes – ceux qui avaient peu à perdre après la Révolution bolchévique de 1917 – jouaient à la « roulette russe » un peu partout : « À une table, dans un café, chez des amis ».
Curieusement, aucun écrivain russe ayant œuvré avant la Révolution ne mentionne cette pratique dans sa prose de fiction ou dans ses biographies. Même le passage susmentionné de Mikhaïl Lermontov décrit une situation où un pistolet à un coup était utilisé à la place d'un revolver (la question était simplement de savoir s'il était chargé ou vide).
Nagant M1895
Bratislav (CC BY-SA 3.0)Le revolver le plus commun dans l'Empire russe au moment de la Révolution était le revolver à sept coups Nagant M1895. Comme le personnage de Surdez décrit un revolver à six coups dans sa nouvelle, beaucoup s'interrogent sur la relation de cette histoire avec la réalité. Il pourrait donc bien s'agir d'un récit fictif créé au gré de l'imagination de l'auteur.
De nombreuses autres théories prétendent révéler l'origine réelle de ce jeu mortel, mais aucune d'entre elles n'a jamais été prouvée par des preuves tangibles. Certains pensent que la roulette russe est apparue comme un moyen pour la police de faire pression sur les suspects capturés ; d'autres disent que les gardiens de prison avaient l'habitude de forcer les détenus à jouer à la roulette russe pendant qu'ils faisaient des paris ; d'autres encore soutiennent que la roulette russe est née dans l'armée tsariste comme un tour relativement « sûr » qui impressionnait facilement les spectateurs.
Curieusement, les officiers russes fictifs de la nouvelle de Surdez n'ont retiré qu'une seule balle du barillet du revolver, laissant les autres dans leur chambre. Ainsi, ils réduisaient considérablement leurs chances de survivre au jeu. Pourtant, aussi choquant que cela puisse paraître, malgré le risque létal, les chances de survivre à la roulette russe sont relativement élevées si l'on joue avec une seule balle.
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Cadre du film "Colin-maillard" d'Alexeï Balabanov
Alexeï Balabanov/STV; groupe de diffusion cinématographique Naché kino, 2005La roulette russe suit les lois de la théorie des probabilités : la probabilité que l'arme tire augmente à chaque coup de feu, étant donné qu'il y a un nombre fixe de chambres vides dans le barillet d'un revolver et que le barillet n'est pas tourné après chaque coup.
La variante classique du jeu se joue avec un revolver à six coups, un revolver qui possède six chambres dont une seule contient une balle. Au tout début, le barillet est tourné et arrêté au hasard. Le jeu commence lorsque le premier joueur place le barillet contre sa tête et appuie sur la détente.
Toutes choses étant égales par ailleurs, la probabilité que l'arme tire dès la première tentative est de une sur six ou 16,6% ; la deuxième – 20%, la troisième – 25% ; la quatrième – 33,3% ; la cinquième – 50% ; le sixième tir est toujours fatal à 100%.
En d'autres termes, si les cinq premiers tirs sont à blanc, le sixième fait toujours feu.
Le joueur qui tire en second (si seulement deux joueurs participent au jeu) a un avantage : il n'aura pas besoin de tirer si le premier meurt.
Néanmoins, si le premier joueur survit, les chances de survie du second sont fortement réduites : sa probabilité de survie est maintenant de 66,6 %, contrairement aux 83,3% que le premier joueur avait lors de son premier tir, à moins que le deuxième joueur ne fasse à nouveau tourner le barillet du revolver.
Il est en effet toujours avantageux pour un joueur de faire tourner le barillet avant chaque coup, car de cette façon, il retrouve ses chances de survie à 83,3%. Cependant, cela reste uniquement statistique, car dans la réalité, un tel tour peut avoir des conséquences très macabres.
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La roulette russe connaît de nombreuses modifications dans le monde entier. Dans la ville russe de Perm, par exemple, les habitants ont créé des pistolets électroniques non létaux pour jouer à un jeu similaire.
Une application Facebook appelée Roulette sociale était également autrefois présente sur le réseau social : elle supprimait au hasard le compte d'un utilisateur sur six qui décidaient d'utiliser l'application.
D'autres cas plus horribles sont également connus. Au Cambodge, en 1999, trois hommes sont morts après avoir joué à une version modifiée de la roulette russe, en marchant sur une mine antichar au lieu d'appuyer sur la détente d'un revolver.
Il est en outre choquant de constater que des gens continuent de jouer à la version originale de la roulette russe aujourd'hui, comme le confirment de nombreux cas. Par exemple, une recherche médicale a étudié 15 cas de décès par roulette russe aux États-Unis rien qu'en 2008 et les a comparés à 75 cas de suicide commis en dehors de ce jeu brutal. Il est surprenant de constater que la plupart des victimes de la roulette russe étaient des Afro-Américains, alors que les Américains blancs étaient plus susceptibles d'être victimes d'autres formes de suicide. Selon l'étude, le portrait type d'un joueur de roulette russe dans ce pays est donc un jeune homme noir célibataire.
Une autre étude médicale datant de 1987 a révélé que les personnes qui risquaient de jouer à la roulette russe étaient nettement moins susceptibles d'être déprimées, mais plus susceptibles d'avoir des antécédents de toxicomanie et d'alcoolisme que les autres victimes de suicide.
Nous ne connaîtrons peut-être jamais la véritable origine de ce jeu mortel, mais nous pouvons supposer qu'il est très probablement beaucoup plus répandu que nous le pensions au départ, le nombre de victimes étant susceptible d’être sous-estimé.
Dans cet autre article, nous faisons la lumière sur le défi de la Baleine bleue venu de Russie et ayant fait de nombreuses jeunes victimes.
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