Art confiné: comment des Russes recréent en photo des œuvres d’art célèbres

Lifestyle
MARIA GRIGORIAN
Notre rédactrice a également participé à un défi populaire. Elle raconte son expérience…

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Si le coronavirus oblige beaucoup de monde à rester à la maison, il permet dans le même temps de révéler ses talents artistiques. En Russie, les amateurs d'art ont lancé un défi qui devient de plus en plus populaire dans le monde entier - les gens mettent en ligne des copies de peintures célèbres faites à partir de matériaux improvisés. Tout y passe - pâte à modeler, peintures, papier hygiénique, sous-vêtements, animaux de compagnie.

Comment une Russe s’est transformée en Mexicaine

Copier une photo à la maison n'était pas chose facile. J’ai longtemps cherché un personnage approprié. En conséquence, j’ai arrêté mon choix sur un autoportrait de l'artiste russe Zinaïda Serebriakova.

Pour recréer l'image, j'ai dû peindre des serviettes de table bleues et y insérer des aiguilles à tricoter avec des boules de pâte à modeler. Les aiguilles à tricoter tombaient constamment, alors j'ai mis une tarte au citron fraîche sous une serviette.

Mon mari et moi avons pris des photos plusieurs fois par jour pour capter la lumière parfaite. Le plus difficile a été de répéter le look de l’héroïne, mais finalement tout a fonctionné, et notre chef-d’œuvre a collecté 10 000 likes dans le groupe thématique Izoisolatsia (que l’on pourrait traduire par « confinement créatif »).

Le résultat m'a inspiré et j'ai choisi le lendemain le tableau Señorita de l'artiste mexicain Jesus Helguera. Pour le recréer, j'ai dû teindre le collier de perles de ma mère en rouge (je n’ai finalement pas réussi à enlever la couleur…), mouler des perles en pâte à modeler orange, puis les teindre avec de la peinture acrylique dorée. Dans le jardin, j'ai grimpé sur un arbre pour cueillir des glycines. Cette copie a été encore plus populaire - 36 000 likes.

Nous avons contacté d'autres participants au projet et découvert quels objets inhabituels ils utilisaient pour recréer les peintures.

Bottines de l'épouse pour une copie de Napoléon

Les membres de la grande famille Okhotnikov prennent des fou-rires à chaque fois pendant leur séance de travaux pratiques à domicile pour Izoisolatsia.

« On a beaucoup ri de Napoléon, car on n’arrivait pas à mettre mes bottes sur mon mari, j'ai dû découper les collants puis lui entourer les jambes avec des serviettes blanches. Tout le temps, quelque chose tombait, quelqu'un risquait de casser quelque chose. J'ai également peint du papier peint pour en recouvrir le verre, car nous avons des chutes de neige dans la rue, et la photo devait rappeler un été chaud », explique Ioulia Okhotnikov.

Mais une fois, la préparation de Ioulia pour la séance photo a tourné à la crise de nerfs pour son époux.

« J'ai réalisé un oiseau pour Pirosmani, et je me suis peint le visage. Il était 2 heures du matin, mon mari s'est réveillé et il a eu une sacrée peur ».

Ciel en draps et parapluie fait avec le peignoir de la grand-mère

Ioulia Nemtchinova est devenue célèbre pour sa copie de la peinture de Rafal Olbinski Parapluie rouge.

« Incarner le travail des surréalistes est le plus drôle et le plus intéressant, dit-elle. Le ciel bleu a été remplacé par une literie du même ton et le drap a été collé au mur avec du ruban adhésif. Ensuite, on a décoré un parapluie noir avec une écharpe rouge de grand-mère, découpé des gouttes sur du papier pendant longtemps, étiré les fils, réalisé de la pluie et on l’a cousue au parapluie. C'était peut-être l'élément le plus difficile ».

Les administrateurs ne croyaient pas que quelqu'un arriverait à copier une peinture avec des tomates

Marat Kim a vu un tableau de Roy Lichtenstein et a décidé d'en faire une copie à partir de légumes. Il avait des aubergines et des tomates dans son réfrigérateur.

« J'ai étalé des serviettes de cuisine en papier sur le sol. J'ai d'abord fait les yeux avec les "fesses" de l'aubergine, puis j'ai commencé à répandre les tomates-cerise, mais il s'est avéré que je n’en avait pas assez », raconte Marat.

« Du coup, j'ai dû aller au magasin deux fois, et pour la copie entière, il a fallu 800 tomates cerises. Mais au final, après deux jours de travail sur la copie, les administrateurs du groupe #izoisolatsia l'ont rejetée. Ils ont décidé qu'aucun idiot n’était capable de répandre des tomates cerise-coupées comme ça. Manuellement. Alors je leur ai expliqué que ce n'était pas du Photoshop, et mon travail a finalement été publié », plaisante l'auteur.

Après la séance photo, Marat a préparé son agneau préféré avec des légumes, en utilisant ses ingrédients pittoresques.

Constructeur et Adele Bloch-Bauer

Pour Tatiana Gorilovski, la partie la plus difficile afin de préparer sa copie a été de faire asseoir son chat. Elle a créé l'ornement à l'aide d'un genre de Lego magnétique et des gommes. La mère et la fille ont collé les bijoux autour du cou du modèle avec du ruban adhésif de l’autre côté, et ont mis un pantalon noir sous les cheveux pour obtenir la forme correcte, ce qui les a aidées à obtenir un contour clair.

« Il n’était pas possible d'obtenir une ressemblance complète, il s'est avéré que Klimt avait considérablement étendu le cou de son modèle et plié ses bras de manière anormale. Pourtant, les artistes ont des avantages, ils peuvent faire ce qu'ils veulent avec leurs modèles. Les photographes, surtout s'ils ont l’interdiction d'utiliser Photoshop, ont moins de possibilités », explique Tatiana.

Babouchka, star du « confinement créatif » 

La « chouchoute » des membres du groupe est la grand-mère créative de Karina Melkoumova. « Il n’a pas fallu convaincre grand-mère longtemps. La seule chose, c'est qu’il était physiquement difficile pour elle de changer de vêtements plusieurs fois de suite, pendant que nous sélectionnions les éléments du costume. J'ai dû lui laisser du temps pour s'allonger et se reposer », explique Karina.

Grâce au projet, toute la famille de Karina s'est impliquée dans le processus de création, le plus dur ayant été de coudre un couvre-chef appelé en Russie tcheptchik et chapeau de cuisinier.

« En téléchargeant les travaux sur le groupe Izoisolatsia sur Facebook, je ne pensais pas que les œuvres réalisées avec ma grand-mère iraient au sommet et battraient tous les records. Le nombre de commentaires avec des souhaits bienveillants, de la gratitude et des éloges est juste incroyable. J'essaie d'en lire quelques-uns à voix haute à ma grand-mère. Elle est aux anges ! », raconte Karina.

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