« Presque nulle part ailleurs dans le monde on ne cueille les champignons, par peur de confondre les vénéneux et les comestibles. Ce n’est qu’en Russie que ce sport du champignon prospère », a écrit l’auteur contemporain Dmitri Bykov. « Même les monuments russes semblent être à la recherche de champignons ! Prenez Iouri Dolgorouki [prince médiéval considéré comme le fondateur de Moscou] : "En voici un !" crie-t-il joyeusement, pointant du doigt un imaginaire bolet marron », plaisante-t-il.
Peut-être exagère-t-il, la cueillette n’étant tout de même pas exclusive à la Russie. « Les peuples slaves en Bulgarie, en Slovénie et en République tchèque nous ressemblent beaucoup, et ils aiment cueillir des champignons », nuance en effet le mycologue Mikhaïl Vichnevski.
Toutefois, il faut avouer qu’en Europe de l’Ouest et aux États-Unis, il ne s’agit pas d’une pratique particulièrement populaire de nos jours. Les Russes, quant à eux, jouissent d’une incroyable abondance et d’une large variété d’espèces sur leur vaste territoire.
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Pour illustrer cet état de fait, Akhil Sharma, un écrivain américain ayant séjourné en Russie en 2013, cite le directeur exécutif de l’hôtel Ritz-Carlton de Moscou, qui a grandi dans une région française riche en champignons : « En Bourgogne, vous trouvez seulement un nombre limité de champignons. Ici, vous trouvez tout et en grandes quantité ».
Si vous avez l’occasion d’être en Russie entre avril et octobre (apogée de la saison des champignons), n’hésitez donc pas à endosser, vous aussi, le rôle de cueilleur : prenez la direction de la forêt la plus proche et ouvrez l’œil pour ne rater aucun de ces savoureux ingrédients, qu’ils soient au sol ou sur les arbres.
Soyez néanmoins prudent. Ramasser des champignons sans préparation est aussi dangereux que de traquer un ours. En effet, cela peut réellement s’avérer mortel, puisqu’il existe 30 espèces de champignons vénéneux en Russie, et ils peuvent gravement porter atteinte à votre santé. Le plus redoutable est d’ailleurs sans aucun doute l’amanite phalloïde, un seul petit morceau de ce champignon suffit pour tuer un homme adulte.
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Beaucoup de Russes, en dépit de leur amour pour la cueillette, se montrent à ce propos étonnamment mauvais pour ce qui est de distinguer les champignons comestibles de ceux qui ne le sont pas, admet Vichnevski. « Malheureusement, notre peuple aime ramasser les champignons en masse, mais il n’a pas la moindre culture dans ce domaine et met tout dans sa bouche ».
Ainsi, si vous partez à la chasse aux champignons, assurez-vous d’être accompagné d’un guide, un gribnik, cueilleur bien plus expérimenté qui vous dira aisément lesquels sont excellents, et lesquels sont à éviter comme la peste.
Akhil Sharma a toutefois été déçu de la façon dont les Russes cuisinent les champignons qu’ils cueillent dans la région de Moscou : « Le chef les a trop cuits, c’était horrible ». Cuir à l’eau, frire ou faire mariner les champignons sont des pratiques bien russes, et tous les Occidentaux ne le comprennent pas.
« Si vous avez des champignons d’une telle [haute] qualité, vous devez les servir crus dans une salade ou peut-être les rôtir un peu. En faire plus c’est du gâchis », a soutenu le chef Andrea Accordi au New York Times, critiquant les cuisiniers russes pour leur comportement « violent » envers chanterelles et cèpes.
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Toutefois, la façon de cuir nos champignons est ancrée dans l’histoire. En temps de famine et de crise en effet, cueillir les champignons était un moyen d’obtenir de la nourriture gratuitement, et cela n’était pas toujours aussi délicieux que des chanterelles et cèpes, il fallait donc masquer leur goût par la cuisson.
« Si vous traitez certains de nos champignons amers comme le font les Européens, en les blanchissant un peu, en les aspergeant d’huile, et en les mangeant, vous aurez des cloques sur la langue en raison de l’amertume », explique Mikhaïl Vichnevski.
Dans la Russie contemporaine, la cueillette de champignons n’est plus une question de survie. Généralement cela s’apparente plus à de la relaxation, à une manière de se détendre, de s’éloigner de ce monde fou dans lequel nous vivons, et de nous immerger dans la nature en errant dans les forêts sans se presser.
« Le champignon est comme un aimant, une connexion invisible et mystérieuse apparait entre lui et la personne qui le "chasse". Ce n’est même pas une chasse, c’est une partie de cache-cache sans gagnant ni perdant, sans victime »,a souligné l’écrivain russe Alexander Guenis, ajoutant que pour certains Russes ce loisir est la plus efficace des méditations.
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