Miur et Mirrielees, deux Écossais devenus des rois du commerce en Russie

Kira Lisitskaïa (Photo: Andreï Arkoucha/Global Look Press; Domaine public)
Le TsOuM, un des grands magasins à la mode de Moscou, fut ouvert à la fin du XIXe siècle. Il fut le premier grand magasin où l’on pouvait pratiquement tout trouver et acheter sur place ou sur catalogue.

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1857. Saint-Pétersbourg. Alexandre II règne sur l’Empire russe. Dans quatre ans, il abolira le servage.

À cette époque, le commerce russe connaît son âge d’or. Des représentants d’une grande dynastie de marchands ouvrent le grand magasin d’alimentation des « Frères Elisseïev » où ils proposent des vins étrangers, du café, du thé, du riz, du fromage et bien d’autres produits de bouche. De nombreux étrangers font également du commerce en Russie et certains sont même devenus fournisseurs de la cour impériale.

Place Teatralnaïa. Magasin Miur et Merrielees. Fin du XIXe siècle

À cette même époque, les Écossais Archibald Mirrielees et Andrew Muir déposent la marque Muir et Mirrielees et vendent en gros des produits de mercerie et de draperie importés du Royaume-Uni. Ils ont aussi des activités de modiste et de fabrication de meubles.

En 1867, les deux Écossais ouvrent un magasin à Moscou, rue Kouznetski Most, où ils vendent des chapeaux pour femmes en gros et d’autres accessoires.  

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Le premier grand magasin

Après la mort d’Archibald Mirrielees, Andrew Muir se trouve un nouvel associé : Philipp Walter  avec qui il décide de tenter l’aventure du commerce de détail. En 1885, ils ouvrent sous l’enseigne Miur et Merrielees un autre magasin à Moscou, en face du théâtre Bolchoï. Cet établissement de deux étages est conçu sur le modèle du Bon Marché parisien, l’un des premiers grands magasins du monde.

Maison de commerce du partenariat Miur et Merrielees à Moscou

Les Écossais font le pari de proposer un très large assortiment de marchandises, non pas à la classe aisée de Moscou, mais à la classe moyenne et à la petite bourgeoisie.

Les Moscovites qui devaient jusque-là se rendre dans de nombreuses boutiques pour trouver tout ce qu’ils cherchaient, peuvent désormais tout acheter dans un seul magasin : vêtements, accessoires de mode, parfums, papeterie, porcelaine et meubles. La seule chose qu’on ne vend pas dans ce magasin, c’est de l’alimentation.

Miur et Walter sont les premiers en Russie à proposer un catalogue de leurs produits et à organiser des soldes. En dehors de ces périodes de réduction, les prix sont fixes et on ne peut marchander comme l’habitude l’autorise ailleurs.

En 1900, le magasin est détruit par un incendie. En 1908 est inauguré le bâtiment de six étages que l’on peut encore aujourd’hui admirer. Il est de style néo-gothique et est construit sur les plans de Roman Klein.

Incendie au magasin Miur et Merrielees. Dessin de 1900

Ce nouveau grand magasin connaît un immense succès. Les badauds sont époustouflés par l’abondance de marchandises et leur mise en valeur dans les rayons. Ils sont également impressionnés par l’ascenseur électrique et les portes à tambour, les premiers dans tout Moscou. Un suisse accueille la clientèle à l’entrée du magasin. Après avoir passé les portes, les visiteurs sont envoûtés par les odeurs agréables des parfums (le rayon parfumerie est toujours au rez-de-chaussée des grands magasins).

Un nom connu de tous

À Moscou, avant les Révolutions de 1917, tout le monde connaît les noms de Miur et Merrielees. Leur consonnance étrangère donne lieu à des confusions amusantes. Par exemple, l’écrivain Mikhaïl Prichvine notе dans son journal : « Toute ma vie, j’ai entendu "Miur et Merrieleesʺ et me suis figuré qu’il s’agissait d’un couple d’Allemands : Monsieur Miur et Madame Merrielees. Et bien non : Merrielees est un homme, un Anglais et un chasseur invétéré »

Avec le temps, les Moscovites en viennent à parler du magasin comme uniquement celui de Miur. Dans Cœur de Chien, Mikhaïl Boulgakov fait dire au personnage du professeur Preobrajenski : « Tiens, voilà seize kopecks pour le tramway et huit roubles. Va chez Miur et achète-lui un bon collier et une laisse ».

Maria, la sœur d’Anton Tchékhov, se souvient qu’ils avaient à Melikhovo deux chiens : Miur et et Merrielees. Lorsqu’il se repose en Crimée, l’écrivain se commande parfois chez Miur et Merrielees des chapeaux et des casquettes sur catalogue.

Plus de mille employés travaillent dans ce grand magasin. Les vendeuses sont affectueusement surnommées des « miurmerrieleezotchki » (le suffixe est le même que dans девочки, les fillettes). À Moscou, la marque Miur et et Merrielees possède également une « fabrique de meubles et d’objets en bronze » dont la production est écoulée au grand magasin. On doit également le bâtiment néo-gothique de la fabrique à Roman Klein.

De «Miur» à «TsOuM»

Après la Révolution de 1917, le grand magasin est nationalisé et reste fermé plusieurs années. Mikhaïl Boulgakov écrit : « L’immense bâtiment de Miur et Merrielees continue de noircir, vide et silencieux, de ses immenses fenêtres ». Mais, en 1922, au début de la Nouvelle politique économique (NEP) le grand magasin rouvre sous l’enseigne Mostorg. Il est alors le plus grand du pays. Seuls les clients qui ont des carnets spéciaux ou des tickets peuvent s’y approvisionner.

En 1933, le magasin change une nouvelle fois de nom pour devenir TsOuM, acronyme de Центральныйуниверсальныймагазин (Magasin universel central), nom qu’on lui connaît toujours. Après la Seconde Guerre mondiale, il redevient un magasin pour privilégiés. Aujourd’hui encore, se montrer avec un sac siglé TsOuM, c’est faire la démonstration de son aisance.

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