Gros plan sur l’accouchement des impératrices russes

Musée russe
Découvrez les traditions, les particularités et les présages liés à la naissance des enfants dans la famille impériale russe.

Suivez Russia Beyond sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr

Maria Miloslavskaïa, 45 ans, est décédée cinq jours après son dernier accouchement en 1669 ; sa fille, Evdokia, est également morte en couches. C’était la treizième fois qu’elle enfantait. Avant Pierre le Grand, les tsarines donnaient naissance très souvent - presque chaque année -, et tous les enfants ne survivaient pas. La santé des souveraines, bien sûr, se ressentait de ces accouchements à répétition.

Les tsarines de Moscou et impératrices de Saint-Pétersbourg connaissaient toutes des problèmes similaires (et somme toute naturels) en lien avec l’accouchement. Les femmes des souverains russes devaient avoir une importante progéniture. En 1832, les médecins ont même interdit à l’impératrice Alexandra Feodorovna, épouse de Nicolas Ier, d’avoir des relations intimes avec son époux : Mikhaïl, né en 1832, était son septième enfant, et la santé fragile de la tsarine de 34 ans ne pouvait pas supporter une autre grossesse.

Lire aussi : Comment célébrait-on la naissance des enfants des tsars russes? 

En quoi l’accouchement des impératrices était-il différent ?

Le grand-duc Constantin (fils de Nicolas Ier), années 1820, Piotr Sokolov

Contrairement à l’Europe, où les accouchements des reines étaient publics depuis le Moyen Âge, la plus haute aristocratie y étant présente, le processus était beaucoup plus intime en Russie en raison des traditions locales. Cependant, à l’époque impériale, l’accouchement des souveraines a commencé à se dérouler en présence non seulement de l’époux, mais aussi du beau-père. En 1714, Pierre le Grand a assisté à l’accouchement de Charlotte-Christine Sophie de Brunswick-Lunebourg, épouse du tsarévitch Alexis.

La naissance de Pavel Petrovitch (le futur Paul Ier) a eu lieu en présence du mari de la grande-duchesse Ekaterina Alexeïevna (la future Catherine II), alors en couches, du grand-duc Piotr Fiodorovitch et de l’impératrice Elisabeth Ire. Contrairement à l’accouchement des tsarines de Moscou, où la future mère était entourée de chaleur et de soutien avant et après l’enfantement, le traitement des mères était très dur pendant la période impériale. Catherine, après donné naissance à Paul, a été littéralement livrée à elle-même pendant plusieurs heures. « Dès qu’il fut emmailloté, l’impératrice fit venir son confesseur, qui donna à l’enfant le nom de Paul, après quoi l’impératrice ordonna immédiatement à l’accoucheuse d’emporter l’enfant et de la suivre », écrit Catherine dans ses mémoires.

Alexeï Bobrinski, années 1760, Feodor Rokotov. C’est le fils illégitime de l’impératrice Catherine II de Russie et de Grigori Orlov.

« Dès que l’impératrice fut partie, poursuit Catherine, le grand-duc se retira également dans sa chambre, et je ne vis personne jusqu’à trois heures précises (la naissance avait eu lieu vers midi, ndlr). Comme je transpirais abondamment, je demandai à Mme Vladislavova de changer mes sous-vêtements et ma literie, mais elle répondit qu’elle n’osait pas le faire. Elle envoya plusieurs fois chercher l’accoucheuse, mais cette dernière ne vint pas. Je demandai à boire, mais la réponse fut la même. » Pour la première fois, Ekaterina a vu son fils seulement 40 jours (!) après sa naissance, et pendant quelques minutes seulement. Cependant, plusieurs années plus tard, Catherine arracherait de la même manière les nouveau-nés Alexandre et Konstantin à sa belle-fille, Maria Feodorovna.

Un exemple d’époux tendre et prévenant était Nicolas Ier, qui a été présent à tous les accouchements de sa femme, tenant l’impératrice Alexandra Feodorovna par la main malgré sa très grande inquiétude. « J’ai mal à la tête et au cœur, je me sens mal », a écrit Nicolas après l’accouchement d’Alexandra en 1822 (Olga Nikolaïevna est alors née : « la petite hurle comme une grenouille », a écrit Nicolas). Nicolas a vomi à quatre reprises. Mais il fut néanmoins présent à tous les accouchements ultérieurs de l’impératrice, restant à ses côtés même quand l’enfant était né.

L'empereur Nicolas Ier et son épouse Alexandra Fedorovna, années 1830, Franz Krueger

Les empereurs suivants assistaient eux aussi à l’accouchement de leurs épouses et belles-filles. En 1868, Alexandre II et Marie Alexandrovna ont assisté à l’accouchement de Marie Feodorovna, épouse de l’héritier d’Alexandre II (le futur Alexandre III). L’empereur et son fils tenaient Maria par la main lorsque le futur empereur Nicolas II est né. « Dieu nous a envoyé un fils que nous avons nommé Nicolas. Quelle joie c’était, c’est impossible à imaginer, je me suis précipité pour serrer dans mes bras ma femme chérie, qui est tout à coup devenue enjouée et était terriblement heureuse. J’ai pleuré comme un enfant », a écrit le fils du tsar dans son journal.

Il convient cependant de noter que Marie Fedorovna n’appréciait guère que son beau-père assiste à un tel événement : sa présence, écrit Zimine, citant le journal de la grande-duchesse, « l’embarrassait terriblement ». Par la suite, elle s’efforçait de n’informer personne de l’accouchement à venir. Le 22 novembre 1878, déjà en proie aux contractions, elle est restée au dîner en présence de l’empereur : « Les douleurs continuent et deviennent plus fréquentes, écrit-elle ce jour-là à sa mère. Je devais absolument tenir le coup pendant qu’il était là ! » Une heure et demie après la fin du dîner et le départ d’Alexandre II, Marie a eu un troisième fils, le grand-duc Michel.

Lire aussi : Citations authentiques des tsars de Russie, vérifiées par des historiens 

Quelles traditions étaient observées lors de l’accouchement des impératrices ?

Chambre de l'impératrice Alexandra Fedorovna dans le Plais d’Hiver, Eduard Hau

Outre la présence obligatoire du mari et d’une personne régnante, les Romanov observaient lors de l’accouchement plusieurs autres traditions.

Depuis l’époque du tsarat de Moscou, une coutume avait cours : après l’accouchement, le mari offrait de riches cadeaux à son épouse. Toujours en 1822, Nicolas Ier a offert à sa femme un diadème turquoise avec des perles en forme de poire. Il a en outre planté « un chêne pour Olga » dans le jardin du palais Anitchkov, écrit l’historien Igor Zimine.

Une autre tradition a été décrite par le grand-duc Alexandre Mikhaïlovitch : « À chaque naissance, je considérais qu’il était de mon devoir de suivre une ancienne coutume russe. Selon celle-ci, au premier cri de l’enfant, le père devait allumer les deux bougies que lui et sa femme tenaient pendant leur cérémonie de mariage, puis envelopper le nouveau-né dans la chemise qu’il portait la nuit précédente. »

De plus, écrit Zimine, il existait une tradition consistant à préparer les affaires pour le bébé bien avant la naissance – toutefois, on conservait le linge de lit, les vêtements et les bonnets dans des coffres scellés, toujours loin de la résidence où la naissance devait avoir lieu afin de lutter contre le « mauvais œil ».

Lire aussi : Quelles langues parlaient les Romanov?

Comment se déroulait l’accouchement des impératrices en pratique

Le grand-duc Nikolaï (futur Nicolas II) et sa mère Maria Fedorovna, née Dagmar de Danemark, 1870, Sergey Levitsky

La grossesse de l’impératrice était annoncée dans la Journal officiel du gouvernement et son déroulement était suivi de près par les obstétriciens de la cour. Quand l’accouchement approchait, les médecins et l’accoucheuse s’installaient à proximité de l’impératrice, dans la résidence où elle s’apprêtait à enfanter.

Des obstétriciens de cour et des accoucheuses professionnelles, le plus souvent venus de l’étranger, supervisaient l’accouchement, car telle était la coutume depuis Pierre le Grand. À partir de 1798, un département d’obstétrique est apparu à l’Académie médicale et chirurgicale de Saint-Pétersbourg. En 1843, le personnel de l’unité médicale de la cour comprenait quatre accoucheuses et un obstétricien de cour.

Alexandre III avec son épouse et leurs enfants, 1870, Sergey Levitsky

Presque toutes les accoucheuses de la famille impériale au XIXe siècle étaient allemandes. La plus célèbre d’entre elles est peut-être madame Hesse, qui a accompagné la naissance de tous les enfants de Nicolas Ier. Les obstétriciens de cour et les accoucheuses recevaient non seulement un salaire, mais aussi des cadeaux et des « primes » pour chaque naissance - des sommes énormes, s’élevant à des milliers de roubles, alors qu’un salaire de ministre atteignait environ 5 000 roubles par an.

Toutes les impératrices et grandes-duchesses accouchaient « à domicile », dans l’une des résidences impériales. Après Pierre le Grand, presque tous les membres de la dynastie sont nés à Saint-Pétersbourg et dans ses environs ; seuls les parents d’Alexandre II se sont rendus à Moscou en 1868 – telle était la demande expresse de l’empereur Alexandre Ier. Nicolas et Alexandra ont respecté sa volonté, et le futur empereur est né au monastère Tchoudov du Kremlin.

Pour l’accouchement, on n’utilisait pas de sièges spéciaux - les impératrices accouchaient directement dans leur lit. À partir du milieu du XIXe siècle, des analgésiques ont été administrés aux têtes couronnées durant le travail. « Pour soulager ses douleurs d’accouchement, le médecin de la cour lui donnait généralement une petite dose de chloroforme, a écrit le grand-duc Alexandre Mikhaïlovitch à propos de l’accouchement de sa femme Xenia Alexandrovna. « Cela la faisait rire et la poussait à dire toutes sortes de choses amusantes, de sorte que nos enfants sont nés dans une atmosphère joyeuse », poursuit-il.

Au XIXe siècle, personne ne songeait à laisser une grande-duchesse, encore moins une impératrice, seule après l’accouchement. Les médecins et les accoucheuses vivaient auprès d’elle pendant la période post-partum, jusqu’à ce qu’elle soit entièrement rétablie.

Dans cet autre article, nous expliquons qui était l’ancêtre commune de tous les Romanov du XIXe siècle 

Chers lecteurs,

Notre site web et nos comptes sur les réseaux sociaux sont menacés de restriction ou d'interdiction, en raison des circonstances actuelles. Par conséquent, afin de rester informés de nos derniers contenus, il vous est possible de :

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies