Petite histoire des sous-vêtements féminins en URSS

Histoire
RUSSIA BEYOND
Comment doter les soutiens-gorge et culottes d’une nuance «communiste»? Comment le PCUS décidait quelle taille devaient faire les femmes soviétiques? Plongeon dans l’univers rocambolesque des sous-vêtements dans un pays où aucune allusion à l’érotisme n’était tolérée.

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Dans la Russie prérévolutionnaire, il y avait un vaste choix de sous-vêtements raffinés et leur majeure partie était cousue sur commande, ce qui était perçu comme un signe de bon goût parmi les nobles et les familles de marchands. Dans les villes, les vitrines des magasins regorgeaient de modèles en dentelle fine et en soie. Et si la production en série existait, ces sous-vêtements n’étaient conçus que pour l’armée, la marine et les prisonniers.

Cependant, les choses ont commencé à changer à partir de la révolution. La création d’un nouvel homme communiste ne se limitait pas à la lecture du Capital de Marx ou à l’adhésion au Parti. L’idéologie faisait intrusion au fin fond de la vie personnelle du citoyen et pénétrait même en-dessous de ses vêtements. Vers le milieu des années 1920, les fabriques de sous-vêtements à succès et les entreprises de l’industrie légère ont été nationalisées par l’État, qui est d’ailleurs devenu le principal « créateur » de lingerie pour les femmes soviétiques.

En 1926, sur décision du gouvernement, est créée une nouvelle organisation placée sous l’enseigne de Glavodejda (Principal comité de l’industrie du vêtement). Et si son objectif principal était la production de l’uniforme militaire, elle s’occupait aussi de la fabrication de sous-vêtements. Produits en série, ils étaient monotypes et franchement laids. Qui plus est, pendant longtemps, les citoyennes soviétiques ne pouvaient se procurer que 2-3 types de culottes et pantalons et un seul modèle de soutien-gorge.

Toutes les discussions sur la « mode » se limitaient au choix des couleurs et motifs. Pendant une période, ont même vu le jour des sous-vêtements pour femme « à la mode » et « idéologiquement corrects » avec des tracteurs, des aéroplanes, la faucille et le marteau et des étoiles rouges.

Des sous-vêtements de bon goût n’étaient conçus que dans l’atelier Moskvochveï, dans la capitale, et sur commande. Toutefois, seules les femmes des membres de la nomenklatura politique et de l’élite de l’armée y avait accès. Il y avait certes des couturières qui prenaient clandestinement des commandes, mais elles risquaient d’être arrêtées à tout moment par l’inspection financière pour travail à domicile interdit.

« En URSS, les sous-vêtements n’étaient pas destinés à être beaux ni séduisants. Aucune place pour l’érotisme. Ils devaient être essentiellement hygiéniques, pratiques et chauds. En le portant, la femme était prête au travail et à la réalisation du plan quinquennal en quatre ans », explique la directrice du Musée du quotidien soviétique Irina Svetnossova. Bref, comme le disait l’artiste d’avant-garde soviétique Alexandre Rodtchenko, les objets sont devenus camarades.

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Cependant, l’idée de confort chez ceux qui déterminaient la gamme était également approximative – de nombreuses femmes trouvaient les sous-vêtements trop serrés et inconfortables. Par exemple, le soutien-gorge surnommé « torpilles » faisait ressortir de manière flagrante ses formes sous n’importe quelle robe et créait un relief très étrange (l’industrie soviétique a mis du temps pour maîtriser la technologie de fabrication des « tasses »).

Vers la fin des années 1940, voit le jour un modèle standard. Il n’est disponible qu’en trois tailles.

Le rôle de culotte était souvent joué par des pantalettes. En plus des ordinaires, en coton, les femmes soviétiques disposaient de modèles en long poil et en bayette pour l’hiver. La commodité et la protection contre le froid continuaient de l’emporter sur l’esthétique. 

Le tournant n’est advenu qu’en 1957. Après le Festival mondial de la jeunesse et des étudiants, qui a fait pénétrer 35 000 étrangers derrière le rideau de fer, la ministre de la Culture de l’URSS Ekaterina Fourtseva a proclamé : « Chaque femme soviétique a droit à un joli buste ! ». Suite à son initiative, des fabriques de lingerie ont été construites à Moscou et à Leningrad. Cependant, la situation avec les tissus et la fourniture restait tendue.  

Ensuite, en RDA, a été achetée la ligne de production des soutiens-gorge Angélique. Pour s’en procurer, des files d’attente sans fin se formaient au GOuM (Magasin universel principal, donnant sur la place Rouge). On ne laissait pas les clientes l’essayer et l’on ne vendait qu’un article par cliente. Les femmes se procuraient donc des tailles disponibles pour les échanger ensuite. Désormais, six tailles étaient disponibles et, après les années 1970, leur nombre sera porté à neuf !

Outre la gamme de tailles, semble s’élargir celle des modèles passant la censure. Ainsi, pendant les années 1970-80, des articles produits en RDA, en Pologne, en Hongrie et en Yougoslavie ont débarqué sur le marché. Ils ressemblaient peu à ce que portaient les femmes soviétiques 20 ans auparavant.

Après la chute de l’URSS, des modèles très ouverts, synthétiques et bon marché afflueront en masse en provenance de Chine, plongeant à jamais dans l’oubli les sous-vêtements « camarades ».

Dans cet autre article, nous revenions en images sur la mode du bikini et du maillot de bain féminin en URSS.

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