Pourquoi la Russie considère-t-elle l'Arctique comme sien?

Atterrissage sur le brise-glace nucléaire 50 Let Pobedy d'un hélicoptère Mi-2

Atterrissage sur le brise-glace nucléaire 50 Let Pobedy d'un hélicoptère Mi-2

Christopher Michel (CC BY-SA 2.0)
Ayant consacré plus de dix siècles à l’étude et au développement de l'Arctique, la Russie le considère aujourd'hui comme faisant partie de ses intérêts nationaux et est prête à défendre par la force son droit sur les ressources naturelles de la région.

Voilà déjà près d’un millénaire que la Russie étend son emprise sur l’Arctique. Depuis l'Antiquité, les gens ont été attirés vers le Nord à la recherche de fourrures précieuses. Les îles de l'océan Arctique ont été activement visitées par les Pomors, colons russes de la mer Blanche. En 1499, la première ville russe dans l'Arctique, Poustozersk, a été fondée, bien qu’elle soit aujourd'hui malheureusement abandonnée.

Poustozersk

La première expédition d’exploration russe dans l'Arctique n'avait pas été prévue comme telle. Les Cosaques menés l’ataman Semion Dejniov (1605-1673) avait en effet été envoyés à la recherche d’ivoire de morse et d’autres denrées précieuses. Cependant, après avoir contourné la Tchoukotka, ils ont fait une découverte des plus importantes : le détroit séparant l'Eurasie et l'Amérique du Nord.

Expédition de Semion Dejniov

Sous le règne de Pierre le Grand, au début du XVIIIe siècle, la Russie s’est dotée d'une flotte puissante, ce qui a grandement facilité l’exploration polaire. Grâce aux expéditions de Vitus Béring (explorateur danois au service de la marine russe), des frères Laptev (qui donneront leur nom à une mer) et de Semion Tcheliouskine en 1734-1743, une carte détaillée des côtes, rivières et îles de l'Arctique russe a été établie. Dans l'histoire, ces voyages maritimes sont regroupés sous un nom commun : la Grande Expédition du Nord.

Vitus Béring

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Au XIXe siècle, les puissances étrangères ont commencé à concurrencer les explorateurs russes dans la région. Ainsi, un vaste archipel de l'océan Arctique, qui appartient aujourd'hui à la Russie, possède un nom aux consonances  lointaines. La Terre François-Joseph, découverte par des chercheurs autrichiens en 1873, a en effet été baptisée en l’honneur de l'empereur d'Autriche-Hongrie.

Cap Brice, île Ziegler, Terre François-Joseph

Peu avant la fin de son existence, l'Empire russe s’est montré sérieusement préoccupé non seulement par l’exploration, mais aussi par le développement de la région arctique. En 1899, le premier brise-glace polaire au monde, l’Ermak, a été mis à l’eau pour assurer une navigation permanente. En 1916, Mourmansk, qui s’impose aujourd’hui comme la plus grande ville du monde au-delà du cercle polaire, a été fondée. En outre, le gouvernement a encouragé les migrations vers la région arctique de toutes les façons possibles.

Brise-glace Ermak

Ce que l'Empire n'a eu le temps d’accomplir, l'Union soviétique l'a achevé. En 1932, pour la première fois en une seule traite, Otto Schmidt a parcouru à bord d’un brise-glace la Route maritime du Nord le long de la côte arctique de la Russie, de l'Europe à l'Asie. À l’époque, les brise-glaces étaient suivis par des navires ordinaires qui allaient de Mourmansk à Vladivostok, le trajet prenant alors de plusieurs semaines à deux mois.

Otto Schmidt

En 1937, l'URSS a inauguré la première station de recherche au monde sur la banquise de l'océan Arctique. Au cours de l’ère soviétique, 31 stations de ce type apparaîtront, et dix autres seront ajoutées par la Russie moderne.

21 mai 1937, débarquement sur la banquise peu avant que la station dérivante ne soit établie, le 6 juin.

Entre les 18 et 20 juin 1937, un avion expérimental ANT-25, sous le commandement de Valeri Tchkalov, a effectué le premier vol sans escale de l'URSS aux États-Unis au-dessus du pôle Nord.

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Dans l'après-guerre, l'URSS a lancé une puissante flotte de brise-glaces dans l'Arctique, y compris des bâtiments à propulsion nucléaire. C'est d’ailleurs le brise-glace soviétique Arktika qui, en 1977, a été le premier navire de surface au monde à atteindre le pôle Nord.

Brise-glace Arktika

Outre les navires civils, l'Arctique est également prisé par les militaires. L'océan Arctique est ainsi devenu une arène, où sous-marins soviétiques et américains se « chassent » mutuellement. Armé d'armes nucléaires, le sous-marin, qui s’avère presque impossible à détecter sous la glace, y est ainsi apparu comme l'arme la plus redoutable.

Sous-marin nucléaire

Après la chute de l'Union soviétique, la crise économique n’a pas épargné les intérêts de la Russie dans l'Arctique. Entre 1991 et 2003, le pays ne disposait plus d'une seule station dérivante dans la région. Cette fenêtre a alors été utilisée par les pays occidentaux, et même par des nations non arctiques comme la Chine, le Japon et l'Inde, qui ont commencé à plaider en faveur de l'« internationalisation » des ressources arctiques, c’est-à-dire pour un accès égal à ses richesses pour tous les pays.

Aujourd'hui, la Russie n'a pas l'intention de faire de concessions sérieuses dans sa politique arctique. Plus précisément, pour assurer la sécurité de ses intérêts dans la région, le Commandement stratégique interarmées de la Flotte du Nord, mieux connu sous le nom de Forces de l'Arctique, a été créé.

Grands navires de débarquement Alexandre Otrakovski et Kondopoga et le brise-glace Ilia Mouromets durant une expédition dans les mers arctiques

Le symbole des ambitions russes dans l'Arctique a en outre été l'expédition polaire de 2007. Alors, pour la première fois dans l'histoire, des bathyscaphes ont atteint le fond de l'océan près du pôle Nord et y ont installé un drapeau de la Russie en titane, à une profondeur de 4302 mètres.

Dans cet autre article, nous vous présentons justement les moyens de locomotion utilisés par la Russie pour se déplacer dans cette région aux rudes conditions.

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