Un musée propose à ses visiteurs de revivre en 3D l'héroïque brèche du siège de Léningrad

Histoire
ALEXEÏ TIMOFEÏTCHEV
Afin de marquer le 75ème anniversaire de la brèche du siège de Léningrad, un nouveau musée-panorama 3D a ouvert ses portes à proximité de Saint-Pétersbourg. Il reproduit une journée de l’opération Iskra, au cours de laquelle les troupes soviétiques sont parvenues pour la première fois en un an et demi à se frayer un chemin à travers les défenses allemandes, qui qui encerclaient alors la ville.

Le siège de Léningrad a duré 900 jours et a causé à l’URSS une perte de 1,5 millions de vies. Dès le début, en automne 1941, les troupes soviétiques ont tenté de percer une brèche dans les lignes nazies qui encerclaient la ville mais n’ont réussi à le faire partiellement qu’en janvier 1943. Le musée-panorama « Brèche » permet à ses visiteurs de s’immerger au cœur de l’offensive.

Des soldats «réels»

Ce panorama en 3D occupe 600 m², ce qui en fait l’un des plus grands au monde. On y trouve des pièces de deux tanks soviétiques, de nombreux fusils automatiques, des grenades, des obus, et même une copie réduite d’un avion allemand survolant la tête des visiteurs.

On y trouve également la silhouette de soldats. Il ne s’agit pas seulement de mannequins en cire habituels : sur les 18 personnages attaquant les positions allemandes, 12 ont été créés à partir de personnes ayant réellement pris part à l’assaut. Le corps de certains combattants avaient en effet été retrouvés des décennies plus tard par des bénévoles.

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« Ils avaient 19-20 ans et ils sont allés affronter directement le danger et la mort. C’était des personnes d’un indescriptible héroïsme », a assuré lors d’un entretien télévisé Dmitri Postachenko, l’auteur du panorama et l’un des bénévoles à la recherche des soldats soviétiques ayant trouvé la mort durant la Seconde Guerre mondiale.

«Des corps non inhumés partout»

L’attaque reconstituée dans ce musée a été orchestrée lors du deuxième jour de l’opération Iskra et s’est déroulée au lieu-dit Nevski Piatatchok le 13 janvier 1943. Cet endroit (« piatatchok » était une pièce de 5 kopecks) était une tête de pont, qui avait été capturée par les troupes soviétiques sur la rive gauche de la Neva entièrement contrôlée par les Allemands. L’Armée rouge s’était emparé de ce point en septembre 1941 et l’avait depuis lors protégé pratiquement en continu jusqu’à la brèche du siège, en dépit de l’incroyable férocité des offensives ennemies.

Il était stratégiquement important pour les troupes soviétiques puisqu’il s’agissait du seul point de la berge depuis lequel il était possible de lancer une attaque afin de rejoindre la ville. Mais cela était évident aux yeux des Allemands aussi, par conséquent ce lieu a été une véritable arène, théâtre de rudes combats. C’était une zone extrêmement restreinte (1-4 kilomètres de largeur et 800-300 mètres de longueur), qui était donc presque constamment bombardée par les forces adverses. Il était difficile d’évacuer les soldats blessés à travers la rivière et d’apporter les armes et équipements nécessaires. On dit que les régiments soviétiques y perdaient souvent 95% de leurs effectifs initiaux.

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Il était par ailleurs complexe d’enterrer les morts ici. « Lorsque notre compagnie a atterri, toutes les tranchées étaient remplies de cadavres. Ils gisaient partout sur le territoire de Nevski Piatatchok. L’abri où moi et mes camarades stationnions avait sur son toit un grand nombre de corps gelés… Tout ce territoire était un cimetière de soldats et d’officiers non enterrés. Peu de gens y restaient longtemps. Un jour ou deux, une semaine maximum, et ensuite une blessure ou une mort inévitables, et vous êtes remplacé par de nouvelles troupes », se remémore Iouri Porech, un soldat y ayant combattu.

L’histoire personnelle de Poutine

L’un des soldats qui a pris part aux batailles à Nevski Piatatchok était le père de Vladimir Poutine. Cela a donc été une proposition du président d’ériger à cet endroit un musée-panorama 3D à la place des installations temporaires consacrées à ce sujet qui étaient là il y a plusieurs années. Le père de Poutine, qui défendait alors Leningrad, a été blessé en ce lieu symbolique.

Il a néanmoins eu la chance d’en revenir vivant, contrairement à de nombreux autres combattants. Il existe différentes estimations quant aux nombre de victimes à Nevski Piatatchok. Elles oscillent généralement entre 50 000 et 200 000, voire 240 000.

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Un an et demi pour parcourir 7 kilomètres

Dans ces conditions, les troupes soviétiques ont non seulement réussi à résister aux Allemands, mais également à les attaquer afin de rentrer en contact avec les forces principales postées à seulement 7 kilomètres de là et à essayer de rencontrer les troupes de Léningrad, à mi-chemin. En avril 1942, les ennemis ont finalement capturé cet étroit territoire mais en septembre l’Armée rouge est parvenue à en reprendre le contrôle.

Selon Iouri Porech, dans ce contexte, Nevski Piatatchok était l’unique espoir de créer une brèche dans le siège de Leningrad et de sauver les milliers de résidents de la ville en proie à la famine. C’est pourquoi ce lieu a été la cible de nombreux régiments nazis, ce qui a au final été d’une aide précieuse en janvier 1943. En effet, les Soviétiques ont lancé leur attaque au nord de Nevski Piatatchok, alors que les Allemands considéraient que ce dernier était l’endroit le plus probable pour une offensive adverse. Cet élément de surprise a joué un rôle majeur dans la suite des événements.

Le siège de Léningrad est l’un des événements historiques ayant le plus marqué les Russes. Découvrez comment la capitale du Nord a résisté durant cet interminable épisode.