«Casseur de prix»: un ultra-discounter russe débarque en France sous la marque «Mere»

Économie
VALERIIA ANIKUSHINA
D’ici la fin de l’année, «Mere», cette enseigne de hard discount d’origine russe, devrait faire son apparition sur le marché français. Après un lancement réussi en Russie et une expansion progressive dans les pays voisins, la chaîne de magasins a mis le cap sur la conquête de l'Europe occidentale. Russia Beyond revient sur le concept promu par l’entreprise russe et relève les détails de la prochaine ouverture de points de vente.

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La marque « Mere », déjà libellée dans l’Hexagone comme le « Lidl russe », est un projet de la chaîne de magasins russes « Svetofor » (traduit du russe comme « feu tricolore »). Fondé en 2009 à la périphérie de la ville sibérienne de Krasnoïarsk, le réseau de magasins à bas prix compte actuellement plus de 1 700 hard-discounters partout en Russie. Depuis 2015, l’enseigne a commencé à s’implanter dans les pays voisins, notamment en Azerbaïdjan, en Biélorussie, en Chine et au Kazakhstan. À partir de 2017, la chaîne est arrivée en Europe de l’Est : en Pologne et en Lituanie, ainsi qu’en Roumanie et en Serbie.

« Une copie réduite » de Walmart

Le slogan publicitaire de la marque russe « Des prix bas tous les jours ! » est aussi simple que l'organisation du travail des magasins du réseau. Il ne s’agit pas d’un magasin familier avec des vitrines attrayantes pour les clients, mais plutôt d’un entrepôt en libre-service. Comme il est indiqué sur le site officiel de la marque, le format selon lequel elle fonctionne est appelé « sans fioritures ». Une telle approche se confirme avec une gamme relativement petite de produits, qui se compose effectivement de 1 500 à 2 000 articles de première nécessité représentés dans les magasins de chaîne.

Au-delà de la conception minimaliste de la salle de vente avec des affichettes jaunes d’un format A4 scotchées sur les articles vendus, la première chose qui attire l’attention est la disposition simplifiée des marchandises dans des caisses et cartons et sur des palettes en bois en plusieurs niveaux le long des murs, ainsi que le petit nombre du personnel (10 personnes par magasin, dont la superficie moyenne est de 1 000 mètres carrés). Permettant ainsi de réduire considérablement les coûts, ce concept d’ultra-discounter, en grande partie inspiré par le succès du discounter américain exemplaire Walmart, permet à l’enseigne russe de proposer aux clients des marchandises dont le prix est 25-35% moins cher que dans d'autres magasins de ce type. « "Mere" est une copie réduite de Sam's Club  [club entrepôt, propriété de Walmart, ndlr] qui se concentre sur les clients les plus modestes en termes de pouvoir d’achat, dont les dépenses de repas par famille peuvent dépasser plus de 30% du budget familial total », nous explique l’expert en vente au détail Alexander Choubine, le fondateur et dirigeant de myRetailStrategy Partners.

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Bénéfice de la pandémie et expansion à grands pas

Dans le contexte de la pandémie, qui s’est avéré très favorable pour le marché des produits de grande consommation (FMCG), le modèle économique d’ultra-discounter choisi par les fondateurs du réseau a confirmé sa rentabilité. En effet, selon les données de l’agence INFOline pour l’année 2020, « Svetofor » est devenu en Russie l'une des chaînes de magasins à la croissance la plus rapide en termes de chiffre d'affaires, avec une hausse de 39%, pour atteindre 189 milliards de roubles (plus de 208 millions d’euros). Sur la vague d'un tel succès, le géant russe décide d'étendre sa présence au cœur de l’Europe, débutant d'abord par l’Allemagne, où 3 magasins ont été ouverts en 2019, et par l’Espagne, avec l’ouverture de deux magasins près de Madrid et Valence au début de l’année 2021.

Selon le plan annoncé par l’entreprise, il est également prévu d’inaugurer plusieurs magasins en France et en Belgique cette année. Si pour cette dernière c’est déjà chose faite avec trois magasins ouverts récemment (au total 10 ouvertures sont annoncées pour 2021), le public français n’a pas encore eu l’occasion de faire la connaissance avec la marque russe. D’après l’information figurant sur le site web officiel, « l'entreprise prévoit d'ouvrir des magasins dans toutes les grandes villes de France et d'établir des liens avec des fournisseurs dans toute l'Europe », mais le point de départ pour développer la présence de l’enseigne en France sera le territoire des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France.

Conquérir l'Europe: désir raisonnable ou sans succès?

Alors que la compagnie s’abstient de divulguer aux médias l’information sur le lancement imminent de sa franchise en France, les prévisions des experts du secteur sont plutôt sceptiques quant au succès à long terme d'une telle expansion. « Cette chaîne de magasins est efficace grâce à son effet de synergie lorsque l'optimisation des coûts de logistique, de gestion et d'autres dépenses améliore la compétitivité de l'entreprise. Mais lorsque de telles unités disparates sont ouvertes dans d'autres régions, et encore plus dans d'autres pays, en général, cela semble très douteux », nous explique Ivan Fediakov, directeur de l'agence analytique INFOLine. Selon lui, la raison principale derrière une telle expansion réside probablement dans l’ambition des actionnaires et bénéficiaires de diversifier leurs activités.

Ce qui peut être un atout pour l'entreprise dans son développement international au moins à court terme, ce sont les conséquences de la pandémie de coronavirus, à savoir la baisse des revenus de la population partout dans le monde. En fait, le modèle d’un ultra-discounter, qui suppose des prix plus bas, sera beaucoup plus attrayant pour des ménages fragilisés en termes de pouvoir d’achat. L’expert Ivan Fediakov prévoit également une propagation plus massive dans l’avenir prochain d’un tel concept. D’après lui, ce sera le cas de tous les segments du marché, et non pas seulement dans les produits de grande consommation (FMCG). « Il est indubitable qu’une stratégie axée sur un consommateur plus économe sera de plus en plus demandée dans toutes les régions du monde et en Europe aussi. En misant initialement sur des prix bas, cela donnera à l'entreprise certains avantages et facilitera le démarrage. En plus, cette stratégie est très bien développée par la marque principale"Svetofor" grâce à l'expérience acquise sur le marché russe précédemment », résume ainsi son analyse le directeur de l'agence INFOLine.

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En outre, selon l’expert Alexander Choubine, la volonté de la marque russe de se développer en France est raisonnable non seulement en matière de la demande croissante de discounters, mais en particulier, en raison de la quasi-absence d'acteurs similaires sur le marché français. « Un tel format de magasin-entrepôt, qui offrirait des produits et des marchandises avec une différence de prix de moins 25-35%, y est peu présenté », précise l'expert dans son commentaire à Russia Beyond. Cependant, comme le souligne Alexander Choubine, en raison du niveau de développement du marché et des particularités culturelles, le niveau moyen des exigences de qualité et de service des supermarchés en France est beaucoup plus élevé qu’en Russie. « Si l’enseigne russe, en suivant sa stratégie initiale, arrive à trouver un niveau acceptable de qualité du produit proposé au prix le plus bas, il se peut que le développement de ce réseau sur le marché français soit tout à fait réussi », conclut-il.

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