Comment la pandémie a-t-elle affecté les ventes du secteur du luxe en Russie?

Sergueï Pitakov /Sputnik
Frappé de plein fouet en 2014, le secteur du luxe en Russie a connu une crise comparable à celle de 2008. Alors que tout le monde s'attendait à ce que la pandémie soit un nouveau coup dur pour l'industrie, les chiffres récents prouvent que plusieurs marques opérant dans le pays, Christian Dior en tête, ont pu doper leurs ventes. Russia Beyond vous raconte comment des acteurs de ce secteur spécifique du marché ont réussi à saisir le moment à son avantage.

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État des lieux : le marché avant la pandémie

Pour la première fois depuis la crise de 2014, une croissance record du chiffre d'affaires des marques de luxe en Russie a été observée en 2018. Cependant, dès 2019, le marché a commencé à montrer des signes de ralentissement progressif suite à la baisse des revenus de la population, mais surtout à celle du flux touristique, très élevé en 2018 en raison de la Coupe du Monde.

Il y a exactement un an, alors que la pandémie sévissait déjà dans le monde entier, les experts du Boston Consulting Group prédisaient que les entreprises du luxe sur le marché mondial perdraient environ 105 milliards d'euros, revenant ainsi au niveau des ventes de 2011. En ce qui concerne le segment du luxe du marché russe, les prévisions unanimes des experts pour l'année 2020 ont été également sans équivoque : la situation serait aussi si difficile que dans le reste du monde, accompagnée par une baisse progressive des volumes de ventes. 

En Russie, Dior a le vent en poupe

Ainsi, dès le début de la pandémie, les dirigeants d'entreprises espéraient le meilleur, mais se préparaient au pire. Selon Irina Koulikova, l'expert externe sur le marché de détail et de produits de luxe de Bain & Company, les effets néfastes de la pandémie l'emportent certainement sur les effets positifs, ce dont témoignent notamment les chiffres des ventes pendant la période de confinement. Pourtant, la nouvelle analyse des comptes disponibles des filiales russes des marques mondiales du luxe pour l’année 2020, effectuée par le journal russe RBC, démontre que certaines d’entre elles ont réussi à éviter « le pire ». En effet, le principal résultat de l'année de la pandémie et des restrictions sanitaires pour la plupart des marques de luxe a été l'augmentation des ventes, et non leur déclin escompté. Il convient de noter que l’analyse n’a porté que sur les marques opérant indépendamment en Russie et faisant partie du Top-20 du classement mondial de l’industrie du luxe selon Deloitte, qui se sont avérées être au nombre de 9.

Ainsi, toujours selon RBC, la filiale russe de Christian Dior Couture a réussi à augmenter ses ventes de 49%, atteignant ainsi 5,3 milliards de roubles, mettant par là même à jour son record de l'année précédente en valeurs absolues (les ventes ont augmenté de 1,1 milliard de roubles en 2019, puis de 1,7 milliard en 2020). En ce qui concerne Chanel, si ses ventes ont diminué de près d’un milliard de roubles au cours de 2020 par rapport à l'année d'avant, elle continue d'occuper la première position en termes de volume des ventes avec un total de 12,08 milliards de roubles.

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Sur la liste des bénéficiaires figurent également les filiales russes de Prada (croissance des ventes de 35%, atteignant le montant de 3,9 milliards de roubles), de Tiffany & Co (croissance des ventes de 32%, atteignant le montant de 2,9 milliards de roubles) et de la société italienne Bulgari (croissance des ventes de 32%, atteignant le montant de 1,6 milliard de roubles).

Malgré ces chiffres prometteurs, en termes de tendances générales, le marché russe du luxe ne diffère presque pas du marché international, dont le volume dans son ensemble a chuté l’année dernière de 23%, à 217 milliards de dollars, en raison de la pandémie, explique à Russia Beyond Irina Koulikova.

Les dessous du succès

Selon l'évaluation de l'expert Irina Koulikova, le marché du luxe en Russie dans son intégralité se trouve actuellement dans une position intermédiaire « entre la Chine qui s’est rapidement rétablie après la pandémie et affiche un taux de croissance significatif de la consommation du luxe vu la réorientation des consommateurs chinois vers le marché local, et l'Europe, où, à ce jour, la situation épidémiologique reste difficile et la consommation de luxe n'a pas repris ».

Au TsOuM, l'un des plus célèbres magasins de Moscou

L'augmentation des ventes des marques de luxe les plus puissantes et particulièrement populaires en Russie, toujours d’après Irina Koulikova, s’explique principalement par le facteur de réorientation des consommateurs russes vers le marché intérieur du luxe. Cette dernière, à son tour, est due à l’impossibilité de se rendre aux Mecques traditionnelles du shopping en Europe (Milan, Paris, Londres) en raison des restrictions respectives de voyages. Une autre raison de cette situation intermédiaire réside également dans le comportement des consommateurs russes. « La tendance à la consommation consciente, qui s’est considérablement développée chez les consommateurs européens surtout pendant cette période de Covid-19, n'est pas assez répandue en Russie, ce qui a également eu un impact positif sur la dynamique du marché de luxe russe », nous explique l’expert de Bain & Company.

La tendance se poursuivra-t-elle ?

Dans une certaine mesure, la pandémie a incité les marques de luxe à réfléchir à la façon dont les interactions avec leurs consommateurs sont organisées, ainsi qu’à la mise en œuvre de nouvelles approches pour améliorer leur efficacité économique. Ainsi, comme le raconte Irina Koulikova, afin de pouvoir faire face à la crise, les entreprises du luxe en Russie ont redistribué leurs investissements dans le domaine digital, surtout dans le développement des ventes et de la distribution en ligne, des consultations virtuelles et du marketing numérique. Au-delà, ils ont davantage investi dans le maintien de relations avec la clientèle. « En même temps, bien sûr, comme dans d'autres pays, les marques de luxe se concentrent sur l'amélioration de la rentabilité par la réorganisation de travail et la réduction des coûts, ainsi que par la révision des plans d'ouverture de nouvelles boutiques et des accords avec les bailleurs », ajoute-t-elle.

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En perspective pour l’année en cours, Irina Koulikova présage un redressement progressif du marché du luxe et son adoption éventuelle à la nouvelle « norme » à mesure que le nombre de vaccinations augmentera. Cependant, dans un avenir prévisible, deux facteurs principaux pourraient avoir un impact négatif sur la situation actuelle de ce segment de marché : la réouverture des frontières et la hausse de la demande de voyages. « En cas d'ouverture des frontières, la demande locale actuelle pour les produits de luxe se déplacera vers l'Europe à mesure que les flux touristiques reviennent. De plus, l'argent que les Russes mettaient de côté tout ce temps se traduira probablement principalement end épenses de voyage qui ont tant manqué aux gens pendant la pandémie », avance l’expert de Bain &Company.

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