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Il est surprenant que la Russie, première à avoir envoyer un homme dans l'espace au XXe siècle, ait longtemps ignoré le thème de l'espace dans les films. Pour être exact, en URSS, le vol spatial est devenu un élément important des œuvres fantastiques pour adolescents, mais n’ont pas été réalisés de grands films sur les vols interstellaires. À une exception près : Solaris d’Andreï Tarkovski, qui ne prétendait toutefois même pas être un film de divertissement grand public.
Après l'effondrement de l'Union soviétique, la vie des cosmonautes est périodiquement devenue le thème du cinéma d'auteur, mais une véritable percée dans le développement de ce sujet n'a eu lieu qu'en 2017, lorsque sont sortis deux films russes à gros budget sur les aventures des cosmonautes soviétiques en orbite – The Spacewalker et Salyut 7.
La même année, l’on a également assisté à la sortie du court métrage d’Egor Abramenko The Passenger, qui a servi de base à Sputnik. Dans The Passenger, un cosmonaute revenu sur Terre est obligé de cacher le fait qu'à l'intérieur de lui vit un monstre extraterrestre se nourrissant de chair humaine. Les producteurs ont ainsi décidé de transformer le nouveau projet d'Abramenko en un film d’horreur spatial. Comme sources d'inspiration évidentes ont été utilisés Alien de Ridley Scott et The Thing de John Carpenter. Cette tactique s'est avérée gagnante. Avec un budget relativement modeste (environ 3 millions de dollars), Sputnik n’en est pas moins spectaculaire, restant un film d'horreur robuste, dont l'action se déroule presque toujours dans la pénombre. L'intérêt principal n'est pas tant les effets visuels en eux-mêmes que les personnages, leurs secrets et leurs relations.
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Sputnik n'est pas le genre le plus banal de l'horreur rétro. L'action du film se déroule en 1983 dans un institut de recherche soviétique interdit d’accès, perdu dans les steppes du Kazakhstan. L’établissement lui-même est quelque chose entre une unité militaire et un goulag. Ici, dans les dortoirs, vivent les employés de l'Institut, dans la caserne d'à côté – des prisonniers, auxquels le scénario réserve un sort peu enviable. Tous sont gardés par des soldats armés. Ces détails renforcent considérablement l'effet d’horreur – les éléments de genre traditionnels comme le suspens sont ici rejoints par la peur des réalités d'un État totalitaire.
Selon l’intrigue, un groupe de scientifiques et de militaires dirigé par le sinistre colonel Semiradov (joué par Fiodor Bondartchouk) mène des recherches sur le cosmonaute Vechniakov (Piotr Fiodorov), tout juste revenu d'un vol spatial. Son partenaire de mission est mort à l’atterrissage, tandis que Vechniakov abrite un monstre à l'intérieur de son corps. Bien sûr, les militaires sont tentés d'utiliser la créature extraterrestre comme une arme, mais pour commencer, il serait bon de pouvoir trouver un terrain d'entente avec elle. À cette fin, l’on fait venir de Moscou Tatiana Klimova (Oksana Akinchina), un médecin ayant été suspendu de ses travaux de recherche en raison de son tempérament excessivement épris de liberté. Néanmoins, l'arrivée de Klimova au Kazakhstan oriente les événements dans une direction très inattendue.
Sputnik suit toutes les tendances modernes du cinéma de genre. Au centre de l'histoire, se dresse un personnage féminin fort, face auquel abdiquent même des mâles alpha comme le colonel Semiradov. En même temps, le genre de l’horreur n'est pas présenté ici de front – il n'y a pratiquement pas d’instants destinés à effrayer le spectateur par la surprise, la tension est au contraire créée par des méthodes plus sophistiquées et intelligentes. Le monstre lui-même, sortant de Vechniakov, sert ici davantage de métaphore pour les démons internes, qui sont bien sûr destructeurs, mais qui, à un moment décisif, peuvent aussi être bénéfiques.
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Pour le film, dont l’action se déroule en 1983, ont été construits des décors, et pour les personnages principaux ont été cousus des costumes spéciaux. Néanmoins, leur objectif principal n’était pas tant de correspondre exactement à la mode et au style de l'époque, que de créer un fantasme rétro. Le monde de Sputnik est un espace sombre de film noir totalitaire, où les couloirs sont inondés de lumière rouge angoissante, où les héros vivent dans de petites pièces, filmées de manière à provoquer une crise de claustrophobie, et quand l'action surgit dans un lieu ouvert, il s'avère qu'autour ne se trouve qu’un désert presque sans vie, s'étendant jusqu'à l'horizon. Une telle abondance de détails fonctionne parfaitement toute seule, cependant, en combinaison avec d'autres éléments, elle fait que Sputnik n'est pas un projet de « série B » de plus sur un sujet vu et revu, mais se démarque visiblement dans ce genre.
Sputnik peut surprendre le spectateur plus d'une fois avec des mouvements d'intrigue non triviaux. Or, le principal d’entre eux est mélodramatique, ce qui n'est pas typique des films d'horreur fantastiques. Dans la seconde moitié de l’œuvre, l’on penche d’ailleurs plus vers le drame que le cinéma de genre – et à cela, doivent être prêts ceux qui attendent une bataille finale sanglante. Il n’y en a ici pas (enfin, presque). Toutefois, l’on assiste à la place à une histoire claire pour tout le monde, celle de la persévérance et de la volonté, qui seront immanquablement récompensées.
La pandémie de coronavirus a reporté la sortie des grands films hollywoodiens au second semestre. De nombreux cinémas en ligne ont tenté de les remplacer, cependant, les propositions vraiment originales dans cette abondance de contenu n'étaient guère nombreuses. Dans ce contexte, le succès de Sputnik aux yeux de la critique occidentale est considéré comme une conséquence de cette pénurie – le manque de films qualitatifs de fiction nous force à porter notre attention sur des projets aussi exotiques pour le public étranger. Or, finalement, nous devons admettre que Sputnik se révèle ici être un grand succès.
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