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Le réalisateur français d’origine roumaine Radu Mihaileanu a présidé le Jury du 21e Festival du Cinéma Russe de Honfleur.
Radu Mihaileanu : J’ai grandi sous l’influence énorme de la culture russe, ce qui a laissé des traces dans mon éducation, comme de tout Roumain à l’époque, quand la Roumanie faisait partie de ce qu’on appelait le bloc de l’Est. Andreï Tarkovski est pour moi un génie absolu, je le place parmi mes cinq cinéastes préférés de l’histoire du cinéma, au même rang qu’Ingmar Bergman et Charlie Chaplin. Son film Andreï Roublev fut un choc pour moi, comme L’Enfance d’Ivan et surtout Stalker. Je n’oublierai jamais une scène qui m’a beaucoup marqué dans Stalker.
...Parmi les cinéastes contemporains, j’ai une grande estime pour le travail de Pavel Lounguine, qui est un ami. Taxi Blues m’avait bouleversé. La noce est un moment de tragi-comédie très fort, très proche de mon type de cinéma et L’Ile est d’une rare puissance, très tarkovskien. J’ai beaucoup aimé Le Retour aussi, de même qu’Elena, films forts d’un véritable auteur : Andreï Zviaguintsev.
...Il y a une infinité de façons d’être Russe. Mais si l’on généralise sur « l’âme slave », les Russes comme les Roumains sont plutôt des passionnés, parfois excessifs, des extrémistes par rapport aux Français, qui sont cartésiens pour la plupart. Si nous aimons la musique, nous faisons de la musique. Ça déborde parfois, mais c’est ce que j’ai adoré en travaillant avec les Russes. C’était vraiment merveilleux de travailler avec ces immenses acteurs, ces monstres que sont Aleksei Guskov, Dmitri Nazarov, Valeriy Barinov, Anna Kamenkova. Après, pour les maîtriser, ce n’est pas la même chose qu’un acteur français, qui est un peu plus discipliné. Mais quand on va dans un autre pays, on doit s’adapter et comprendre la façon de faire des autres.
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L'acteur, réalisateur, scénariste et photographe Vincent Perez, président du jury du 22e Festival du Cinéma Russe de Honfleur
Vincent Perez : Certains Russes m'ont influencé aux moments cruciaux de ma vie, et notamment au moment de la prise de décision de devenir acteur. J'avais 15-16 ans lorsque j'ai lu La Formation de l'acteur de Stanislavski, que j'ai découvert parce que je m'intéressais aux acteurs de L’Actors Studio et à la méthode de Strasberg qui a été inspirée par ce metteur en scène russe. C'était une vraie révélation et Stanislavski est devenu en quelque sorte mon mentor. Tout naturellement cela m'a conduit à lire du théâtre et les œuvres d'Anton Tchekhov. Un des premiers auteurs sur lequel j'ai travaillé quand j'étais au Conservatoire, et qui m'a toujours accompagné, c'est Tchekhov. J'ai joué Sergueï Voïnitsov dans sa pièce Platonov. J'avais aussi un projet de monter en scène une nouvelle de cet écrivain qui s'appelle Une envie de dormir.
...Tout ce que je vis dans ce pays dépasse toujours ce qu'on pourrait imaginer. Il y a quelque chose qui me touche profondément chez les Russes. Je ne veux pas me servir des clichés, mais une fois qu'on gratte un peu ou qu'on passe une certaine étape, il y a tout un monde qui s'ouvre. J'ai vraiment une passion pour la Russie, pour les Russes.
... Je trouve chez les Russes une sincérité qui me touche beaucoup. Une fois que le cœur d'un Russe est ouvert, il est ouvert à vie, ce qui est magnifique.
L'acteur et réalisateur français Stéphane Freiss, à la tête du jury du 23e Festival du Cinéma russe de Honfleur
Stéphane Freiss : Moi, personnellement, j’attends l’émotion de la vie et le cinéma russe m’en donne beaucoup. Ma vie a changé le jour où j’ai vu Il était une fois un merle chanteur d’Otar Iosseliani. Le personnage principal, Giya, c’était moi, un homme qui cherchait désespérément une raison de vivre, une identité et qui faisait exactement le contraire de ce qu’il fallait pour y arriver.
Le film que j’écris en ce moment est un peu à l’image de ce que le cinéma russe m’a donné à voir, c’est-à-dire une énergie considérable, une envie de vivre considérable, une inquiétude considérable et un espoir considérable.
… Je ne connais pas assez la Russie, c’est pour ça aussi que j’aime son cinéma. Il me donne le moyen de rencontrer ces gens, de voyager, d’aller visiter des endroits assez fascinants, d’avoir l’exotisme de cette langue, la beauté de ces visages.
…Je sais combien un film peut faire parler, peut mettre les gens d’accord et pas d’accord. Un monde meurt au moment où il n’a plus de communication entre les êtres. Le cinéma c’est une bouffée de vie, une impulsion de vie, il faut le prendre dans la gueule, il faut se laisser traverser par ça, et après, c’est à nous, par nos petits moyens, de donner envie. Il n’y a rien de mieux qu’un Festival pour donner envie.
L’écrivain et réalisateur français Frédéric Beigbeder, président du jury du 24ème Festival du cinéma russe de Honfleur
Frédéric Beigbeder : Chaque fois que je rencontrais les gens en Russie, j’avais l’impression de sensibilité, de lyrisme, de poésie, d’humanité. Je pense que la qualité des Russes, c’est l’absence de ce que les Américains appellent « small talk », c’est-à-dire parler pour ne rien dire. Je pense, qu’en Russie, les gens, qui ont beaucoup souffert, ont moins de temps à perdre. Ils vont plus vite au cœur des choses.
…Pour parler du « cinéma russe », je fais un effort pour ne pas dire Le cuirassé Potemkine, – j’imagine, que les Français évoquent ce film chaque fois qu’on leur pose la question. Je dirais L’Arche russe. En dehors de la prouesse technique (j’imagine les mois de répétitions nécessaires pour arriver à faire ce plan d’une heure et demie-deux heures), il y a 300 ans de l’histoire dans ce film. Je le recommande à des gens qui ne connaissent pas la Russie et qui voudraient comprendre un peu mieux ce pays. C’est aussi le moyen de visiter les plus beaux musées du monde.
…En ce moment nos dirigeants ne veulent pas se parler, ni se voir et heureusement, au niveau culturel, ça se passe autrement. Il y a une exposition de la collection Chtchoukine à Paris, qui est une des plus grandes manifestations artistiques au monde actuellement. Une cathédrale russe vient d’être achevée sur les berges de la Seine. Je passe en scooter très souvent devant cet endroit et je trouve que c’est un geste architectural très réussi. C’est un bel édifice et c’est un beau symbole. Et il y a le Festival de Honfleur. Voilà trois beaux événements où Français et Russes peuvent s’entendre et échanger sur des sujets artistiques.
Le réalisateur français Safy Nebbou, président du jury du 25e festival de Honfleur
Safy Nebbou : Le cinéma russe aujourd’hui est souvent un cinéma évidemment politique, d’une manière ou d’une autre, c’est souvent un cinéma très engagé. Même quand on est dans la comédie, on n’est pas loin de la satire, quand on est dans le drame, on est dans le drame comme peuvent être dramatiques les Slaves. Il y a bien sûr tout un cinéma un peu kitch russe, qu’on voit moins dans les festivals internationaux, mais il y a un jeune cinéma russe extrêmement brillant, extrêmement attentif, politique, engagé, qui est de plus en plus intéressant.
… Honfleur a fait un énorme travail sur la diffusion d’un cinéma russe de très haute qualité. J’ai remarqué que le festival russe à Londres a quasiment la même programmation que le festival de Honfleur de cette année. Je crois que ce festival a une équipe extrêmement exigeante, qui fait un travail extraordinaire, à la fois de précision et de recherche de ce qui se fait de mieux en Russie. C’est une chance pour nous, Français, de pouvoir attendre ce cinéma-là à travers ce festival et c’est aussi une chance pour les films, qui sont parfois sans distributeurs et qui ont là une fenêtre possible et des sorties envisagées grâce à Honfleur.
… La pire chose qui puisse m’arriver dans la salle de cinéma, c’est l’ennui, comme dans la vie. Et la meilleure chose qui puisse nous arriver - c’est de grandir, grandir à travers un cinéma, une culture, une autre langue.
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L’actrice, réalisatrice et auteur Gabrielle Lazure, a présidé le jury du 26e Festival du cinéma russe de Honfleur.
Gabrielle Lazure : Ce à quoi je pense, surtout, c’est qu’en Russie et même dans d’autres pays de l’Est, en général, les acteurs sont formidables, ils ont l’école de Stanislavski, leur jeu est authentique, très vrai, organique, peut-être moins intellectuel qu’en Occident. Même si le cinéma lui-même est intellectuel, souvent le jeu d’acteurs est assez physique, émotionnel, il a ce côté immédiat et sincère qui me plaît beaucoup. C’est le cinéma, qui a beaucoup inspiré les cinéastes à travers le monde.
... Le rôle de ce genre de festivals c’est entre autres de montrer des films pas trop importants, à petits budget, comme des premiers films, de les faire connaitre. J’ai été dans de nombreux jury et ce que je trouve formidable, c’est qu’on découvre des films qui, malheureusement, parfois n’ont pas de distributeurs et ne sortent jamais en salle. Sans festivals on ne les verrait jamais. Et on peut y voir de petites pépites, des œuvres merveilleuses mais qui ne sont peut-être pas assez commerciales. C’est difficile de trouver une distribution aujourd’hui. Le cinéma d’auteur, ce n’est pas simple, mais je l’adore. Je préfère des œuvres plus personnelles, quand le cinéaste prend un peu de risque, se met en danger et propose quelque chose d’original. C’est ce que j’aime dans les festivals.
Dans cet autre article, retrouvez justement notre sélection issue du programme de cette 27e édition.