La collection Chtchoukine révélée au monde

La Fondation Louis Vuitton à Paris.

La Fondation Louis Vuitton à Paris.

Iwan Baan / Fondation Louis Vuitton
La première collection d’art moderne au monde est réunie à la Fondation Louis Vuitton du 22 octobre 2016 au 20 février 2017, à Paris. Cette exposition exceptionnelle, concentré de chefs-d’œuvre, s’inscrit dans l’année franco-russe du tourisme culturel. L’homme d’affaires russe Sergueï Chtchoukine soutient au début du XXe siècle des artistes alors décriés. Il s’exile en France en 1918, contraint d’abandonner à Moscou sa collection, dispersée par la suite.

Le collectionneur moscovite commande à l’artiste fauve La Danse (1909) et La Musique (1910), puis s’effraie de sa propre audace, tandis que les danseurs du tableau prennent vie sur grand écran. Ce face-à-face virtuel et poétique, en russe et en français, ouvre l’exposition « Icônes de l’art moderne ».  

Derrière les chefs-d’œuvre accrochés aux murs, du Mardi gras (1888) de Paul Cézanne au Trois Femmes (1908) de Picasso, celle-ci rend hommage au mécène visionnaire : « Le plus important aujourd’hui, c’est le collectionneur, souligne Marina Lochak, directrice du musée Pouchkine. […] Qui pourrait dire ce qu’il serait advenu de Matisse, si à un moment de sa vie, Chtchoukine ne s’était pas tenu à ses côtés ? Chtchoukine, qui l’a repéré, qui a cru en lui… ».

Les visiteurs suivent son évolution, éclairée par des marchands d’art parisiens, à travers un parcours chronologique en treize séquences ponctuées de grands thèmes – portraits, natures mortes, compositions mythologiques et religieuses, scènes de genre et le nu, tabou à l’époque.

Son genre préféré, objet d’un attachement quasi-mystique, c’est le paysage. La quatrième salle est ainsi dédiée aux Impressions de Claude Monet. Le Déjeuner sur l’herbe (1866), esquisse du tableau monumental présenté au musée d’Orsay, côtoie Les Prairies à Giverny (1888).

À l’étage suivant, onze toiles lumineuses de Gauguin dans sa période tahitienne rappellent l’attraction du collectionneur pour les expressions artistiques extra-européennes. Le Salon rose fait honneur aux œuvres monumentales de Matisse, dont La Desserte (1908), exposée en 1914 dans l’antichambre du palais Troubetskoï, demeure de Sergueï Chtchoukine à Moscou.

L’homme d’affaires vit avec ses œuvres et consacre du temps à les agencer. Chaque dimanche, à partir de 1908, il ouvre ses portes au public. Artistes et intellectuels russes découvrent les œuvres impressionnistes, postimpressionnistes, symbolistes, nabi, fauves et cubistes.

« L’incroyable développement de l’avant-garde russe, entre 1911 et 1915 avec la création du Carré noir de Malevitch, présenté dans l’exposition, n’est rendu possible que grâce à cette opportunité de voir à Moscou les meilleures œuvres des artistes français », indique Zelfira Tregoulova, directrice de la Galerie Trétiakov.

Cet impact des maîtres modernes est restitué en fin de parcours, avec une confrontation entre des chefs-d’œuvre issus de la collection et ceux de Rodchenko, Larionov, Tatline, Popova… Le Musicien (1916) d’Ivan Klioune fait écho à l’Homme nu aux bras croisés (1909) de Picasso, qui inspire aussi avec son Violon (1912) celui d’Oudaltsova (vers 1916). 

Si la Russie a inventé le concept de musée d’art moderne, bien avant New York, « c’est le fruit d’une philanthropie moscovite, de ces grands industriels vieux-croyants, très conservateurs a priori, qui se sont insurgés à la fin du XIXe et au début du XXe contre l’aristocratie de Saint-Pétersbourg pour créer leur propre place dans la culture russe en devenant mécènes », explique Anne Baldassari, commissaire de l’exposition. La conservatrice du patrimoine a puisé dans des fonds d’archives inédits pour livrer dans le catalogue, près de 500 pages, un précieux travail scientifique.

Irina Antonova, qui a dirigé pendant plus de cinquante ans le musée Pouchkine, salue ce projet comme « l’un des événements les plus importants de l’histoire des relations culturelles franco-russes ». Près d’elle, André-Marc Delocque-Fourcaud, petit-fils de Chtchoukine, s’émeut : « c’est un miracle ». Il a fallu convaincre l’Ermitage et autres grands musées de prêter des œuvres phares, véritable trésor national russe, et impliquer les présidents des deux pays.

« C’est un cadeau magnifique que la Russie nous fait […], comme si la France prêtait à la fois la Joconde, la Vénus de Milo et Le Radeau de la Méduse », estime Jean-Paul Claverie, conseiller de Bernard Arnault. Le patron de LVMH s’inscrit dans la filiation du riche industriel et mécène russe, 100 ans après l’acquisition de la dernière œuvre de sa collection.

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