Immersion totale: apprendre le russe dans des centres extra-scolaires en France

Éducation
DARIA GRIDIAÏEVA
Russia Beyond s'est entretenu avec Igor Joukovski, qui supervise l'enseignement du russe dans les écoles russes extra-scolaires en France, pour en savoir plus sur leur fonctionnement et ce que les parents peuvent attendre d'elles.

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« Nous vivons avec mon mari en France depuis plus de 20 ans, raconte Maria, parisienne d’origine russe, marié à un Bulgare. Bien sûr, nous avons une famille multilingue. Ma fille aînée va dans une école qui possède une section de langue russe, mais je n'ai pas réussi à envoyer mon fils dans la même école. Au début, cela m'a bouleversée, mais maintenant, en regardant le programme de ma fille aînée, je constate que l'éducation publique ne suffit pas à préserver la langue russe chez un enfant bilingue ».

Désormais, Maria, quand elle le peut, enseigne elle-même le russe à son fils. Cependant, les parents dans son cas ont également d'autres possibilités pour soutenir leurs enfants dans l’étude de leur deuxième langue. Alors que certains préfèrent engager un professeur privé, d'autres optent pour des établissements dits d'enseignement extra-scolaire, des centres de formation créés aux quatre coins de l’Hexagone par des immigrants de Russie, que l'enfant peut fréquenter pendant son temps libre. Aujourd'hui, 85 d'entre eux fonctionnent sur le territoire français.

« Leur tâche est de créer un environnement éducatif très spécial pour l'enfant, où il peut s'immerger complètement dans la langue et culture russes », partage avec nous Igor Joukovski, PhD, MDC, président de la commission de la langue russe du Conseil de coordination des compatriotes russes en France, qui a pendant de nombreuses années été en charge du travail de ces établissements dans le pays. « Cela signifie que non seulement les matières sont enseignées en russe, mais que des cercles créatifs fonctionnent également, il y a des fêtes et des festivals », explique-t-il.

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La principale crainte des parents qui envisagent d’envoyer leur enfant dans un tel centre de formation est de savoir si leur enfant pourra supporter la charge supplémentaire. Selon M. Joukovski, cela ne devrait pas soulever d’inquiétude, car personne ne s’empresse de mettre l’enfant en difficultés. Au contraire, les activités d’apprentissage sont étroitement liées avec des activités ludiques et artistiques.  

Le choix du matériel reste toutefois à la discrétion de l'enseignant, ce qui permet également une approche plus individuelle des problèmes pédagogiques. Igor Joukovski dit que le Conseil des compatriotes russes avait envisagé d'introduire un manuel unique pour ces écoles, mais après une longue discussion, il a été décidé de leur laisser plus de liberté. « Ce ne serait pas possible dans une école publique », explique-t-il.

L'avenir de l’apprentissage est-il en ligne ?

Début mars, lorsque la pandémie de coronavirus a éclaté dans le monde entier, des temps difficiles ont commencé pour les écoles d'enseignement complémentaire de la langue russe, car leur existence est entièrement dépendante du financement des parents.

Les professeurs de russe travaillant en France en dehors des écoles publiques n'ont pas baissé les bras. Cela a engendré de nombreuses initiatives intéressantes en matière d'enseignement à distance. « Olga Solntseva, la fondatrice du Centre Solnychko pour le développement bilingue à Nice, (m'a appelé et) m'a dit : "Vous souvenez-vous des programmes pour enfants diffusés à la télévision soviétique ? Et si nous faisions de même ?", se souvient Igor. En conséquence, chaque enseignant de son école a préparé une vidéo sur son sujet, l'a publiée sur YouTube, et vous pouviez revoir et répéter le contenu directement de chez vous ».

Dans le même temps, Igor Joukovski ne cache pas que pour les professeurs de russe en France, enseigner en ligne est une mesure de dernier recours. « L'écran est toujours un obstacle à la communication, Internet manque d'émotion, nuance-t-il. De plus, enseigner le russe à distance aux plus petits est presque impossible ».

Des enseignants qui apprennent aussi

Alors que le confinement lié à la pandémie a constitué une épreuve temporaire pour les élèves qui étudient le russe dans les établissements d'enseignement complémentaire, les professeurs de russe en France sont dans une certaine mesure toujours isolés dans leurs activités professionnelles, car ils sont obligés d'enseigner leur matière en totale déconnexion avec l'environnement linguistique naturel, souvent sans même avoir l'occasion de discuter des problèmes avec des collègues.

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Dans ce cas, chercher à faire en sorte que l’éducation reste de haute qualité est précisément l’une des activités d’Igor Joukovski. En contact avec la quasi-totalité des enseignants russes sur le territoire de l'Hexagone, il tente d'établir un échange d'expériences entre eux pour diffuser les meilleures pratiques et les méthodes de pointe.

Par exemple, depuis cinq ans, en collaboration avec l'ambassade de Russie en France, Rossotroudnichestvo (Agence fédérale pour la CEI, la diaspora russe à l'étranger et la coopération internationale culturelle et en sciences humaines), l'Institut Pouchkine de Paris et de Tallinn et la maison d'édition Zlatooust, Igor organise un concours de projets pédagogiques qui coïncide avec la Fête des enseignants en Russie. « Il est très précieux que nous recevions des travaux de partout dans l’Hexagone, de Marseille, Strasbourg, Bordeaux et d'autres villes », dit-il.

Bien entendu, la capitale française participe également toujours activement à la compétition. L'un des lauréats réguliers est Olga Montmartre, fondatrice de l’école-studio parisienne de développement créatif Surprise. Elle est engagée dans l'éducation littéraire des enfants, développant ses propres manuels à cet effet. « Grâce à sa méthode, les enfants apprennent à composer de petites énigmes et des contes. Pour les bilingues, c'est généralement une grande chance s'ils savent lire et écrire, et dans le cas des cours d'Olga, il s'agit de développer une réelle créativité en langue russe », commente Joukovski.

Afin d’éviter l’isolation des professeurs et de les informer régulièrement a été conçu la plateforme Internet Le russe en France.

Le russe en France

Il est difficile de dire quand la langue russe a résonné pour la première fois sur le territoire correspondant à l'Hexagone moderne, mais on peut deviner que la langue de Pouchkine est apparue ici avec l'émergence des premiers contacts interétatiques.

Le véritable tournant, à partir duquel a commencé le début officiel de l'enseignement du russe en France, a été l'ouverture à Paris de la première école de langues orientales, connue aujourd'hui sous le nom d'Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales). Plus tard, des « îlots » de langue russe sont apparus dans d'autres grandes villes, comme Bordeaux, Lille et Dijon.

L'intérêt des Français pour cette langue slave à la fois riche et extrêmement complexe a connu des hauts et des bas selon les événements historiques. L'enseignement du russe en France a atteint un essor particulier dans l'après-guerre, favorisé par Charles de Gaulle en personne.

Bien que la langue russe ait quelque peu perdu de son attrait dernièrement, elle peut aujourd'hui être étudiée dans 253 établissements d'enseignement secondaire publics français – dans 171 lycées et 82 collèges. Dans 13 d'entre eux, le russe est enseigné dans des sections internationales spécialisées et dans quatre, il existe des sections distinctes de langue russe.

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