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Au début du XXe siècle, le chimiste et photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski inventa un procédé complexe pour la photographie couleur. Sa vision de la photographie comme une forme d’éducation et d’illumination apparaît clairement dans ses images de l’héritage architectural de la Russie.
Dans le cadre de ses voyages, Prokoudine-Gorski a reçu une commission du ministère des Transports pour photographier le long du canal Mariinsky, dans le nord-ouest de la Russie, en juin et juillet 1909. Cette voie navigable, qui reliait Saint-Pétersbourg au bassin de la Volga, a été créée par Pierre le Grand puis développée pendant le règne de l’empereur Paul Ier (1796-1801), qui l’a nommée d’après son épouse, l’impératrice Maria Feodorovna.
La partie supérieure du système s’étendait depuis la Neva à Saint-Pétersbourg jusqu’au lac Ladoga, puis via la rivière Svir dans la partie sud du lac Onega. Pidma, un village du XVIe siècle, situé près du centre de la rivière Svir, a attiré l’attention de Prokoudine-Gorski avec sa remarquable église de la Transfiguration en bois, une grande structure octogonale construite dans les années 1690. Elle sera détruite par le feu en avril 1942.
Le musée de Semionkovo
Heureusement, Prokoudine-Gorski a pris plusieurs photos du village, qui comprenaient l’église de la Transfiguration. L’un des clichés est particulièrement intéressant et montre un ensemble de maisons en bois et de granges dont les formes étaient très répandues dans le Nord de la Russie. C’est évident, si l’on compare son point de vue et mes photographies des maisons en bois qui ont été amenées à l’exposition du musée d’extérieur de Semionkovo, au nord-ouest de la ville septentrionale de Vologda. Comme d’autres musées de plein air, comme Malyé Korely, Semionkovo a été fondé afin d’offrir un aperçu tangible des traditions culturelles régionales.
La grande particularité du parc de Semionkovo est l’église Saint-Georges, érigée à la base au début du XVIIIe siècle au village de Totsky, dans la région de Tarnoga, au nord-est de Vologda. Bien que les plans de sa préservation et les mesures précises aient été conduits au début des années 1980, les retards ont mené à une dégradation progressive de la structure, à tel point que la version actuelle à Semionkovo est une reproduction exacte avec quelques détails originaux.
La forme de l’église de Saint-Georges est une expression dramatique du vertical, que l’on retrouve souvent dans le Nord russe. La base est une simple structure cubique avec un porche élevé et une abside pour l’autel au côté est. Dans ce cas, l’abside est divisée en deux, avec l’autel nord dédié à saint Georges et celui au sud consacré aux saints Boris et Gleb.
Le centre de cette base solide supporte une structure octogonale qui culmine en un toit évasé, qui évacue l’humidité. Au-dessus, il y a une tour « tente » frappante, couronnée d’une coupole et d’une croix. La hauteur totale est de presque 39 mètres au sommet de la croix. De telles églises étaient de puissantes expressions de la communauté dans les vastes forêts du nord.
Chaque izba à sa manière
La partie principale du musée de Semionkovo est la collection de maisons en bois traditionnelles. Chacune des onze maisons réassemblées sur le territoire du parc illustre la variété et la créativité de l’architecture en bois traditionnelle du Nord.
L’un des premiers exemplaires amenés au musée (en 1985) est la maison d’A. E Bolotova du village de Korolevskaïa, qui se dresse au nord-est de Vologda. La partie principale de l’izba a été initialement construite au début du XIXe siècle dans un simple plan rectangulaire de deux étages. Le rez-de-chaussée avait des espaces de rangement protégés devant et des enclos pour animaux dans la moitié arrière.
L'étage supérieur comprend les pièces de vie chauffées par un poêle en brique, qui était également utilisé pour la cuisine. La partie arrière de l’étage renfermait un grand espace de stockage pour le foin et les outils agricoles.
Avec l’augmentation de la prospérité à la fin du XIXe siècle, l’entièreté de l’izba a été étendue par la construction d’une bâtisse rectangulaire parallèle sur le côté droit. Le centre de la maison élargie avait donc deux murs adjacents s’étendant à l’intérieur pour fournir un soutien supplémentaire à la structure. Cette pratique commune a créé ce que l’on appelle l’izba « à six murs », c’est-à-dire quatre murs extérieurs et deux à l’intérieur, en extension depuis le milieu de la façade avant.
La structure élargie a été ornée d’un balcon à l’espace supérieur, sous le grand surplomb du toit, qui protégeait de la neige et de la pluie. L’entrée principale était au bout d’un escalier élevé et un porche sur le côté.
Perpendiculairement à cette grande structure, il y avait aussi un « zimnik » (quartiers d’hiver) d’un étage, qui pouvait être chauffé plus facilement. Une partie de la famille pouvait habiter là en hiver, ainsi que de jeunes animaux qui seraient vulnérables au froid des enclos sous-chauffés de la maison principale.
L’izba de Popova
Près de là, se tient la maison d’A. I. Popova, amenée au musée en 1988 et initialement construite à la fin du XIXe siècle au village de Vnoukovo, dans le district de Totma, au nord-est de Vologda (les maisons ont été réassemblées et le parc les a rangées dans un schéma typique des villages du Nord).
Comme la maison Bolotova, cette izba a une forme rectangulaire de deux étages avec un balcon s’étendant depuis l’espace sous le toit, ce qui fournissait un espace de vie additionnel en été. La structure a aussi un plan à six murs, mais au vu du fait qu’ils ont été construits en même temps, l’espace entre les deux murs au centre est plus large et est destiné à accueillir un escalier vers les deux moitiés de l’étage supérieur.
Chaque moitié de l’espace de vie de la maison Popova a un grand poêle en brique. L’entrée principale se trouve sous un porche au milieu du mur avant. Il y a une plus petite entrée sur le côté et une grande rampe jusqu’à la grange à foin dans la moitié arrière de l’étage supérieur.
L’izba d’Oulanov
L’un des exemples les plus complexes d’une izba est la maison d’A. I. Oulanov, construite au tournant du XXe siècle au village de Zaretchié, dans le district de Niouksenitsa, amenée au musée en 1991. Son élément principal est une structure rectangulaire à quatre murs de deux étages, avec un balcon décoré au-dessous d’un spacieux surplomb de toit. Au sommet du toit, il y a un faîtage au bout évasé en forme de tête de cheval.
L'izba, simple, avec un espace de vie à l’avant et une étable et une grange à foin dans la moitié arrière, est bordée par une autre structure, un zimnik à deux étages placé parallèlement à la maison principale (et non perpendiculairement comme dans la maison Bolotova). L’entrée avant se trouve sous un porche placé entre eux. Une rampe est attachée sur le côté et permet de rejoindre la grange à foin à l’étage.
L'izba de Joukov
Des plans plus simples incluent la maison de L. G. Joukov, construite à la fin du XIXe siècle au village de Kalininskoïé (district de Totma) et amenée au musée en 1988. La maison Joukov est une izba à « cinq murs », avec les quatre habituels des structures rectangulaires à deux étages et un cinquième, porteur,0 qui s’étend de l’avant vers l’intérieur de la maison.
L’entrée principale à l’étage se trouve sous un porche sur le côté droit qui est aussi connecté à un abri fermé (un staïa) pour le petit élevage. La grange allongée dans la partie arrière de la maison est plus étroite que l’espace de vie à l’avant.
Un autre exemple complexe d’un izba « à cinq murs » est la maison d’E. A. Poudova, construite à la fin du XIXe siècle au village de Maltchevskaïa (région de Totma) et amenée au musée en 1990.
L’extérieur est décoré d’un balcon en forme d’arc. L’aménagement de l’étage supérieur est atypique : l’espace de vie d’été à l’avant mène à la grange, mais derrière celle-ci, se trouve l’izba « d’hiver » avec sa propre entrée près de la rampe de la grange, sur le côté droit.
À gauche, il y a un long abri clos pour le petit bétail. Comme pour les autres maisons à Semionkovo, l’intérieur est joliment réalisé afin de donner une idée d’un espace de vie de ces appartements, qui ont accueilli la vie dans un environnement sévère.
L'izba de Kopylov et autres
La maison décorative de V. N. Kopylov, construite en 1881 au village de Korostelevo (district de Siamja) et amenée au musée en 2009, est couronnée d’un balcon peint joyeusement en-dessous du toit. L’entrée principale est sous un porche sur le côté gauche, alors que sur le côté droit il y a une extension pour l’espace de vie d’hiver au rez-de-chaussée, encore une solution pour survivre aux longs hivers.
La riche diversité de plans « à cinq murs » est illustrée par la maison de V. V. Khrapov, construite à la fin du XIXe siècle au village de Bor Kosmarevsogo (district de Niouksenitsa), et amenée à Semionkovo en 2005. Elle a un rez-de-chaussée particulièrement bas, son étage principal est délimité par un balcon qui longe la façade avant. L’espace supérieur, en-dessous du toit, est bien développé sur toute la longueur de la structure.
La maison de M. N. Popov a été amenée au musée depuis le village de Ivanovskaïa (district de Niouksenitsa) en 1991. La structure initiale a été datée du début du XIXe siècle et est donc la plus vieille izba conservée à Semionkovo. En 1862, la maison « à cinq murs » a été rénovée avec un parement en planches appliqué sur la moitié avant pour une apparence plus décorative. Le balcon a été peint de motifs floraux et présente beaucoup de détails ornementaux.
L'izba d’I. I. Kocthkine, construite dans la seconde moitié du XIXe siècle au village d’Andreïevskaïa (district de Tarnoga), a été amenée à Semionkovo en 1987. La structure à six murs est plus austère en design et plus modeste dans ses dimensions que beaucoup de ses voisines, mais elle attire par son authenticité rustique.
La plus petite izba de Semionkovo est la maison d’E. N. Slobodina, construite initialement à la fin du XIXè siècle au village de Podlipnoïé (district de Totma) et amenée au musée en 1987. La structure à quatre murs est dotée d’un espace limité pour le bétail au rez-de-chaussée et d’un abri à foin à l’extérieur. La simplicité de son design montre le champ des possibilités en construction en bois du Nord, selon les ressources et les besoins du propriétaire.
En conclusion
Le parc musée de Semionkovo présente aussi différentes structures annexes, comme des granges séparées, des entrepôts, des glacières, des saunas, et, plus récemment, des moulins. Parmi eux, il y a un sauna « noir » du village de Changuino, qui fait maintenant partie de la ferme de Joukov. Dans ce genre de sauna, la fumée monte depuis le poêle à travers des pierres chauffées et désinfecte soigneusement l’intérieur avant de s’accumuler sous le toit et de s’en échapper par des fentes dans la structure. Ayant tenté l’expérience, je peux dire que c’est plutôt supportable, et l’odeur de la fumée part entièrement après un arrosage complet d’eau et de savon.
Au début du XXe siècle, le photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a inventé un procédé complexe de photographie en couleur. Entre 1903 et 1916, il a voyagé à travers l’Empire et pris plus de 2 000 photographies avec ce nouveau procédé, qui implique trois expositions sur une plaque de verre. En août 1918, il a quitté la Russie avec une grande partie de sa collection de négatifs sur verre et s’est finalement installé en France. Après sa mort à Paris en 1944, ses héritiers ont vendu sa collection à la Bibliothèque du Congrès américain, qui, au début du XXIe siècle, a numérisé la collection de Prokoudine-Gorski et l’a mise gratuitement à la disposition du public mondial. Un certain nombre de sites web russes en proposent désormais des versions. En 1986, l’historien de l’architecture et photographe William Brumfield a organisé la première exposition de photographies de Prokoudine-Gorski à la Bibliothèque du Congrès. Au cours d’une période de travail en Russie débutant en 1970, Brumfield a photographié la plupart des sites visités par Prokoudine-Gorski. Cette série d’articles juxtapose les vues de Prokoudine-Gorski sur les monuments architecturaux avec les clichés pris par Brumfield des décennies plus tard.
Dans cet autre article, William Brumfield s’intéressait à la cathédrale de l’Archange-Saint-Michel, nécropole des tsars au cœur du Kremlin de Moscou.
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