Comment l’industrie spatiale russe participe-t-elle à l’activité du cosmodrome de Kourou?

Sciences & Tech
IGOR ROZIN
Les fusées russes continuent de décoller en Guyane française, et il est même prévu d’accélérer le rythme de leur mise en orbite. Néanmoins les lanceurs Soyouz ne sont pas les seules technologies Made in Russia présentes à Kourou.

Dans quel but l’ASE collabore-t-elle avec Roscosmos à Kourou?

En 2007, lorsque l’Agence Spatiale Européenne (ASE) et la Russie ont signé leur accord de coopération, les spécialistes ont exprimé leurs craintes de voir les Soyouz être inutiles pour l’industrie cosmique mondiale. À cette époque, la mission principale consistait en effet en la mise en orbite de satellites lourds, tâche que les lanceurs de classe moyenne russes ne pouvaient effectuer. Plus tard, avec le changement de priorités et la place plus importante accordée au lancement de microsatellites, de nombreux experts ont encore prédit ce triste sort aux Soyouz.

Toujours est-il qu’encore aujourd’hui, 10 ans plus tard, le programme conjoint russo-européen poursuit sa réalisation au cosmodrome de Kourou. Qui plus est, le rythme de mise en orbite des Soyouz s’accélère : en 2017 deux de ces lanceurs ont décollé de Guyane, et en 2018-2019 ce nombre devrait être doublé.

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En réalité, pour les partenaires étrangers, les lanceurs russes restent une « solution à toute épreuve, vérifiée par le temps ». « La longue expérience de travail avec l’équipement […] sur des lancements spatiaux russes et étrangers a vraisemblablement joué un rôle décisif dans le fait que notre matériel soit également utilisé au cosmodrome de Guyane française », a confié à la revue analytique Expert  Mikhaïl Smirnov, directeur général du conglomérat industriel OMZ.

Le deuxième facteur permettant aux Soyouz d’être prisés dans le monde entier est leur aspect plus écologique. En effet, ils utilisent en guise de carburant du kérosène et de l’oxygène, tandis que les Vega et Ariane européennes ont respectivement recours à du polybutadiène et du perchlorate d’ammonium.

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Du Made in Russia à Kourou

À Kourou, les fusées arrivent en pièces détachées, avant d’être assemblées par près de 100 spécialistes russes sur le lieu du lancement. À l’apogée des travaux de préparation, le nombre de scientifiques russes présents au cosmodrome peut même atteindre les 200.

En plus de la fusée elle-même, de nombreuses entreprises russes s’occupent du matériel et des infrastructures au sol au sein du complexe guyanais. C’est pourquoi on retrouve sur une grande partie des équipements l’inscription « Fabriqué en Russie ».

Par exemple, le ravitaillement des fusées en oxygène et azote liquides à Kourou est effectué par le système Cryogenmash (faisant partie de la corporation OMZ et sous le contrôle de Gazprombank). Pour le lancement de la fusée on y conserve ainsi environ 700 tonnes d’oxygène liquide et plus de 80 tonnes d’azote liquide. Dans cette région tropicale, où la température de l’air en été atteint les 45°, l’oxygène et l’azote sont indispensables pour un lancement sécurisé.

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Le système de réservoirs et tuyaux cryogéniques de Cryogenmash possède une isolation renforcée, permettant de minimiser à moins de 0,1% par jour les pertes d’azote et d’oxygène liquides durant le processus de conservation et de chargement. C’est grâce à ces performances qu’est rendu possible l’approvisionnement non seulement en azote et oxygène liquides, mais aussi en hydrogène liquide. Kourou n’est pas le seul endroit où les technologies russes ont trouvé une application. Ce système est en effet utilisé lors de lancements spatiaux dans le monde entier : en Russie, au Kazakhstan, en Inde, en Corée du Sud, ou encore dans le projet Sea Launch, souligne Smirnov.

Ce texte se base sur l'article de la revue analytique Expert « De l'oxygène russe pour le cosmos européen ».